9 gennaio 1905, moriva Louise Michel – Louise Michel i post

MÉMOIRES
DE
LOUISE MICHEL
 

ÉCRITS PAR ELLE-MÊME
 


TOME I
 

PARIS
F. ROY, LIBRAIRE ÉDITEUR
185, RUE SAINT-ANTOINE, 185
—–
1886
PRÉFACE DE L’ÉDITEUR
 


Il y a des noms si retentissants et d’une notoriété telle qu’il suffit de les mettre sur la couverture d’un livre sans qu’il soit nécessaire de présenter l’auteur au public.

Et pourtant je crois utile de faire précéder ces Mémoires d’une courte préface.

Tout le monde connaît, ou croit connaître l’ex-déportée de 1871, l’ex-pensionnaire de la maison centrale de Clermont, la prisonnière devant laquelle viennent enfin de s’ouvrir les portes de Saint-Lazare.

Mais il y a deux Louise Michel : celle de la légende et celle de la réalité, qui n’ont l’une avec l’autre aucun point de ressemblance.

Pour bien des gens, et — pourquoi ne pas l’avouer — pour la grande majorité du public, et surtout en province, Louise Michel est une sorte d’épouvantail, une impitoyable virago, une ogresse, un monstre à figure humaine, disposée à semer partout le fer, le feu, le pétrole et la dynamite… Au besoin on l’accuserait de manger tout crus les petits enfants…

Voilà la légende.

Combien différente est la réalité :

Ceux qui l’approchent pour la première fois sont tout stupéfaits de se trouver en face d’une femme à l’abord sympathique, à la voix douce, aux yeux pétillants d’intelligence et respirant la bonté. Dès qu’on a causé un quart d’heure avec elle, toutes les préventions s’effacent, tous les partis pris disparaissent : on se trouve subjugué, charmé, fasciné, conquis.

On peut repousser ses idées, blâmer ses actes ; on ne saurait s’empêcher de l’aimer et de respecter, même dans leurs écarts, les convictions ardentes et sincères qui l’animent.

Cette violente anarchiste est une séductrice. Les directeurs et les employés des nombreuses prisons traversées par elle sont tous devenus ses amis, les religieuses elles-mêmes de Saint-Lazare vivaient avec cette athée, avec cette farouche révolutionnaire, en parfaite intelligence.

C’est qu’il y a, en effet, chez elle — que Mlle Louise Michel me pardonne ! — quelque chose de la sœur de charité. Elle est l’abnégation et le dévouement incarnés. Sans s’en douter, sans s’en apercevoir, elle joue autour d’elle le rôle d’une providence. Oublieuse de ses propres besoins et de ses propres ennuis, elle ne se préoccupe que des chagrins ou des besoins des autres.

C’est pour les autres — parents, amis ou étrangers — qu’elle vit et qu’elle travaille. Et le parloir de Saint-Lazare, où elle recevait de nombreuses visites quotidiennes, était devenu une sorte de bureau de charité en même temps qu’un bureau de placement, car la prisonnière, du fond de sa cellule, s’ingéniait pour trouver des emplois à ceux qui étaient sans ouvrage et pour donner du pain à ceux qui avaient faim… Elle multipliait les correspondances, n’hésitait pas à importuner ses amis — qui ne s’en plaignaient jamais — à plaider pour ses protégés.

L’anecdote suivante donnera la mesure de sa bonté :

Il y trois ans, elle allait faire une série de conférences à Lyon et dans les autres villes de la région du Rhône. Partie avec une robe toute neuve, elle revint, quinze jours plus tard, au grand scandale de sa pauvre mère, avec un simple jupon ; la robe de cachemire noir avait disparu ! N’ayant plus d’argent elle l’avait donnée à Saint-Étienne à une malheureuse femme qui n’en avait pas, renouvelant ainsi la légende de saint Martin…

Encore l’évêque de Tours ne donnait-il que la moitié de son manteau ; Louise Michel offrait sa robe tout entière !

J’ai parlé de sa mère. Ah ! voilà encore un des côtés touchants de Mlle Michel. En lisant ses Mémoires, on verra à quel point est développé chez elle le sentiment de la piété filiale. C’était une véritable adoration. Cette femme, à quarante ans passés, était soumise comme une petite fille de dix ans devant l’autorité maternelle. Enfant terrible, parfois, il est vrai !… Ayant recours, pour épargner à sa digne mère une inquiétude et une angoisse au milieu de ses périlleuses aventures, à une foule d’innocents subterfuges et de petits mensonges !

Rien qu’en l’entendant dire : « Maman », on se sentait ému ; on ne se souvenait plus qu’elle était arrivée à la maturité. Elle a conservé une jeunesse de cœur et d’allures, une fraîcheur de sentiments qui lui donnent un charme incroyable : câline, tendre, affectueuse, se laissant gronder par ses amis, et les tourmentant, de son côté, avec une mutinerie de jeune fille.

Voilà pour la femme :

Quant à son rôle politique, il ne saurait me convenir de l’apprécier ici, en tête de ces pages où, avec sa franchise ordinaire, avec un décousu systématique qui ne lui messied pas et des négligences voulues de forme et de style qui donnent à tout ce qu’elle écrit une originalité particulière, elle raconte sa vie, ses impressions, ses pensées, ses actes, ses souffrances, ses doctrines.

En éditant ce livre, qui s’adresse à tout le monde, aux adversaires de l’auteur comme à ses amis, je n’ai ni à blâmer ni à approuver ; ni à endosser ni à décliner la responsabilité de ce qu’il contient. Les lecteurs jugeront, selon leurs tendances, selon leurs goûts, selon leurs idées, selon leurs hostilités ou leurs sympathies. C’est leur tâche et non la mienne.

Mais il est un point sur lequel on tombera d’accord, à quelque parti qu’on appartienne, et sur lequel il n’y a jamais, dans la presse, qu’une seule voix, dès qu’il s’agit de Louise Michel.

On aime, en France, et on admire la simplicité et la crânerie, même chez ceux dont on répudie les faits et gestes. On estime l’unité de vie et la bonne foi, même dans l’erreur.

Mlle Louise Michel, on lui a constamment rendu cette justice, n’a jamais varié, ni jamais reculé devant les conséquences de ses tentatives. Elle n’est pas de ceux qui fuient, et l’on se rappelle qu’après l’échauffourée de l’esplanade des Invalides, elle a résisté à toutes les instances de la famille amie chez laquelle elle était réfugiée, et a tenu à se constituer prisonnière… Ce n’est ni une lâcheuse ni une franc-fileuse…

Et quelle crânerie simple, digne, dépourvue de pose et de forfanterie, en présence de ses juges ! Avec quel calme elle a l’habitude d’accepter la situation qu’elle s’est librement faite, à tort ou à raison ; de ne s’abriter jamais derrière des faux-fuyants, des excuses ou des échappatoires !

Soit devant le conseil de guerre de Versailles, en 1871 ; soit devant la police correctionnelle, après la manifestation Blanqui, en 1882 ; soit dans son dernier procès, en 1883, devant la cour d’assises de la Seine : toujours on l’a trouvée levant fièrement la tête, répondant à tout, s’attachant à justifier ses coaccusés sans se justifier elle-même, et courant au devant de toutes les solidarités !

On trouvera dans l’appendice placé à la fin de ce premier volume le compte rendu emprunté à la Gazette des tribunaux, qui n’est pas suspecte de complaisance pour l’accusée, de ces trois jugements, et l’on se convaincra que la condamnée est vraiment un caractère.

Quant à la résignation, à la joie âcre avec lesquelles elle a supporté les diverses peines prononcées contre elle : la déportation, la prison, la maison centrale, il faut remonter aux premiers siècles de notre ère, pour trouver chez les martyres chrétiennes, quelque chose d’équivalent.

Née dix-neuf siècles plus tôt, elle eût été livrée aux bêtes de l’amphithéâtre ; à l’époque de l’inquisition elle eût été brûlée vive ; à la Réforme, elle se fût noblement livrée aux bourreaux catholiques. Elle semble née pour la souffrance et pour le martyre.

Il y a quelques jours à peine, et quand le décret de grâce rendu par monsieur le président de la République lui a été signifié, n’a-t-il pas fallu presque employer la force pour la mettre à la porte de Saint-Lazare ? Elle ne voulait point d’une clémence qui ne s’appliquait pas à tous ses amis. Sa libération a été une expulsion, et elle a protesté avec énergie.

Louise Michel n’est pas moins bien douée intellectuellement qu’au point de vue moral.

Fort instruite, bonne musicienne, dessinant fort bien, ayant une singulière facilité pour l’étude des langues étrangères ; connaissant à fond la botanique, l’histoire naturelle — et l’on trouvera dans ce volume de curieuses recherches sur la faune et la flore de la Nouvelle-Calédonie — elle a même eu l’intuition de quelques vérités scientifiques, récemment mises au jour. C’est ainsi qu’elle a devancé M. Pasteur dans ses applications nouvelles de la vaccine au choléra et à la rage.

Il y a quelques années déjà que la déportée de Nouméa — on le verra plus loin — avait eu l’idée de vacciner les plantes elles-mêmes !

Mais par-dessus tout, elle est poète, poète dans la véritable acception du mot, et les quelques fragments jetés çà et là dans ses Mémoires décèlent une nature rêveuse, méditative, assoiffée d’idéal. La plupart de ses vers sont irréprochables pour la forme aussi bien que pour le fond et pour la pensée.

Je m’arrête.

Maintenant que j’ai — au risque d’encourir les reproches de Mlle Louise Michel — présenté, sous son vrai jour, une des physionomies les plus curieuses de notre temps, je livre avec confiance ce livre au public, et je laisse la parole à l’auteur.
L’ÉDITEUR.

Paris, Février 1886.

DÉDICACE
 


MYRIAM ! ! !

Myriam ! leur nom à toutes deux :

Ma mère !

Mon amie !

Va, mon livre sur les tombes où elles dorment !

Que vite s’use ma vie pour que bientôt je dorme près d’elles !

Et maintenant, si par hasard mon activité produisait quelque bien, ne m’en sachez aucun gré, vous tous qui jurez par les faits : je m’étourdis, voilà tout.

Le grand ennui me tient. N’ayant rien à espérer ni rien à craindre, je me hâte vers le but, comme ceux qui jettent la coupe avec le reste de la lie.

 

LOUISE MICHEL
MÉMOIRES

DE
 

LOUISE MICHEL


PREMIÈRE PARTIE


I.
Souvent on m’a demandé d’écrire mes Mémoires ; mais toujours j’éprouvais à parler de moi une répugnance pareille à celle qu’on éprouverait à se déshabiller en public.

Aujourd’hui, malgré ce sentiment puéril et bizarre je me résigne à réunir quelques souvenirs.

Je tâcherai qu’ils ne soient pas trop imprégnés de tristesse.

Marie Ferré, mon amie bien-aimée, avait rassemblé déjà des fragments ; que ces épaves portent son nom ; il est aussi celui de ma chère et bonne mère.

Mon existence se compose de deux parties bien distinctes : elles forment un contraste complet ; la première, toute de songe et d’étude ; la seconde, toute d’événements, comme si les aspirations de la période de calme avaient pris vie dans la période de lutte.

Je mêlerai le moins possible à ce récit les noms des personnes perdues de vue depuis longtemps, afin de ne pas leur causer la désagréable surprise d’être accusées de connivence avec les révolutionnaires.

Qui sait si certaines gens ne leur feraient point un crime de m’avoir connue et s’ils ne seraient pas traités d’anarchistes, sans savoir précisément ce que c’est ?

Ma vie est pleine de souvenirs poignants, je les raconterai souvent au hasard de l’impression ; si je prends pour ma pensée et ma plume le droit de vagabondage, on conviendra que je l’ai bien payé.

J’avoue qu’il y aura du sentiment ; nous autres femmes, nous n’avons pas la prétention d’arracher le cœur de nos poitrines, nous trouvons l’être humain — j’allais dire la bête humaine — assez incomplet comme cela ; nous préférons souffrir et vivre par le sentiment aussi bien que par l’intelligence.

S’il se glisse dans ces pages un peu d’amertume, il n’en tombera jamais de venin : — je hais le moule maudit dans lequel nous jettent les erreurs et les préjugés séculaires, mais je crois peu à la responsabilité. Ce n’est pas la faute de la race humaine si on la pétrit éternellement d’après un type si misérable et si, comme la bête, nous nous consumons dans la lutte pour l’existence.

Quand toutes les forces se tourneront contre les obstacles qui entravent l’humanité, elle passera à travers la tourmente.

Dans notre bataille incessante, l’être n’est pas et ne peut pas être libre.

Nous sommes sur le radeau de la Méduse ; encore veut-on laisser libre la sinistre épave à l’ancre au milieu des brisants. On agit en naufragés.

Quand donc, ô noir radeau ! coupera-t-on l’amarre en chantant la légende nouvelle ?

Je songeais à cela sur la Virginie, tandis que les matelots levaient l’ancre en chantant les Bardits d’armor.

Bac va lestr ce sobian hac ar mor cézobras !
Le rythme, le son multipliaient les forces ; le câble s’enroulait ; les hommes suaient ; de sourds craquements s’échappaient du navire et des poitrines.

Nous aussi, notre navire, pareil à celui du vieux bardit des mers, est petit et la mer est grande !

Mais nous savons la légende des pirates : Tourne ta proue au vent, disaient les rois des mers, toutes les côtes sont à nous !

Je me rappelle que j’écris mes Mémoires, il faut donc en venir à parler de moi : je le ferai hardiment et franchement pour tout ce qui me regarde personnellement en laissant à ceux qui m’ont élevée (dans la vieille ruine de Vroncourt, Haute-Marne, où je suis née) cette ombre qu’ils aimaient.

Les conseils de guerre de 1871, en fouillant minutieusement jusqu’au fond de mon berceau, les ont respectés ; ce n’est pas moi qui troublerai le repos de leurs cendres.

La mousse a effacé leurs noms sur les dalles du cimetière ; le vieux château a été renversé ; mais je revois encore le nid de mon enfance et ceux qui m’ont élevée se penchant souvent sur moi, on les verra souvent aussi dans ce livre.

Hélas ! du souvenir des morts, de la pensée qui fuit, de l’heure qui passe, il ne reste rien !

Rien, que le devoir à remplir, et la vie à mener rudement afin qu’elle s’épuise plus vite.

Mais pourquoi s’attendrir sur soi-même, au milieu des générales douleurs ? pourquoi s’arrêter sur une goutte d’eau ? Regardons l’océan !

J’ai voulu que mes trois jugements accompagnassent mes Mémoires.

Pour nous, tout jugement est un abordage où flotte le pavillon ; qu’il couvre mon livre comme il a couvert ma vie, comme il flottera sur mon cercueil.

Je les extrais de la Gazette des tribunaux qu’on ne peut suspecter de nous être trop favorable.

(À part le second qui, étant en police correctionnelle seulement, n’a point été relaté.)

J’ajouterai pour la foule, la grande foule, mes amours, des observations que je n’ai pas cru devoir faire aux juges. On les trouvera ainsi que les jugements à la fin du volume.

II
Le nid de mon enfance avait quatre tours carrées, de la même hauteur que le corps de bâtiment avec des toits en forme de clochers. — Le côté du sud, absolument sans fenêtres, et les meurtrières des tours lui donnaient un air de mausolée ou de forteresse, suivant le point de vue.

Autrefois on l’appelait la Maison forte ; au temps où nous l’habitions je l’ai souvent entendu nommer le Tombeau.

Cette vaste ruine où le vent soufflait comme dans un navire, avait, au levant, la côte des vignes et le village dont il était séparé par une route de gazon large comme un pré.

Au bout de ce chemin qu’on appelait la routote, le ruisseau descendait l’unique rue du village. Il était gros l’hiver ; on y plaçait des pierres pour traverser.

À l’est, le rideau des peupliers où le vent murmurait si doux, et les montagnes bleues de Bourmont.

Lorsque je vis Sydney environné de sommets bleuâtres, j’y ai reconnu (avec un agrandissement) les crêtes de montagnes que domine le Cona.

À l’ouest, les côtes et le bois de Suzerin, d’où les loups, au temps des grandes neiges, entrant par les brèches du mur, venaient hurler dans la cour.

Les chiens leur répondaient, furieux, et ce concert durait jusqu’au matin : il allait bien à la ruine et j’aimais ces nuits-là.

Je les aimais surtout, quand la bise soufflait fort, et que nous lisions bien tard, la famille réunie dans la grande salle, la mise en scène de l’hiver et des hautes chambres froides. Le linceul blanc de la neige, les chœurs du vent, des loups, des chiens, eussent suffi pour me rendre un peu poète, lors même que nous ne l’eussions pas tous été dès le berceau ; c’était un héritage qui a sa légende.

Il faisait un froid glacial dans ces salles énormes ; nous nous groupions près du feu : mon grand-père dans son fauteuil, entre son lit et un tas de fusils de tous les âges ; il était vêtu d’une grande houppelande de flanelle blanche, chaussé de sabots garnis de panoufles en peau de mouton. — Sur ces sabots-là, j’étais souvent assise, me blottissant presque dans la cendre avec les chiens et les chats.

Il y avait une grande chienne d’Espagne, aux longs poils jaunes, et deux autres de la race des chiens de berger, répondant toutes trois au nom de Presta ; un chien noir et blanc qu’on appelait Médor, et une toute jeune, qu’on avait nommée la Biche en souvenir d’une vieille jument qui venait de mourir.

On avait pleuré la Biche ; mon grand-père et moi nous lui avions enveloppé la tête d’une nappe blanche pour que la terre n’y touchât pas, au fond du grand trou où elle fut enterrée près de l’acacia du bastion.

Les chattes s’appelaient toutes Galta, les tigrées et les rousses.

Les chats se nommaient tous Lion ou Raton ; il y en avait des légions.

Parfois, du bout de la pincette, mon grand-père leur montrait un charbon allumé ; alors toute la bande fuyait pour revenir l’instant d’après à l’assaut du foyer.

Autour de la table étaient ma mère, ma tante, mes grand’mères, l’une lisant tout haut, les autres tricotant ou cousant.

J’ai ici la corbeille dans laquelle ma mère mettait ses fils pour travailler.

Souvent, des amis venaient veiller avec nous ; quand Bertrand était là, ou le vieil instituteur d’Ozières, M. Laumond le petit, la veillée se prolongeait ; on voulait m’envoyer coucher pour achever des chapitres qu’on ne lisait pas complètement devant moi.

Dans ces occasions-là, tantôt je refusais obstinément (et presque toujours je gagnais mon procès), tantôt, pressée d’entendre ce qu’on voulait me cacher, je m’exécutais avec empressement, et je restais derrière la porte au lieu d’aller dans mon lit.

L’été, la ruine s’emplissait d’oiseaux, entrant par les fenêtres. Les hirondelles venaient reprendre leurs nids ; les moineaux frappaient aux vitres et des alouettes privées s’égosillaient bravement avec nous (se taisant quand on passait en mode mineur).

Les oiseaux n’étaient pas les seuls commensaux des chiens et des chats ; il y eut des perdrix, une tortue, un chevreuil, des sangliers, un loup, des chouettes, des chauves-souris, des nichées de lièvres orphelins, élevés à la cuillère, — toute une ménagerie, — sans oublier le poulain Zéphir et son aïeule Brouska dont on ne comptait plus l’âge, et qui entrait de plain-pied dans les salles pour prendre du pain ou du sucre dans les mains qui lui plaisaient, et montrer aux gens qui ne lui convenaient pas ses grandes dents jaunes, comme si elle leur eût ri au nez.

La vieille Biche avait une habitude assez drôle : si je tenais un bouquet, elle se l’offrait, et me passait sa langue sur le visage.

Et les vaches ? la grande Blanche Bioné, les deux jeunes Bella et Néra, avec qui j’allais causer dans l’étable, et qui me répondaient à leur manière en me regardant de leurs yeux rêveurs.

Toutes ces bêtes vivaient en bonne intelligence ; les chats couchés en rond suivaient négligemment du regard les oiseaux, les perdrix, les cailles trottinant à terre.

Derrière la tapisserie verte, toute trouée, qui couvrait les murs, circulaient des souris, avec de petits cris, rapides mais non effrayés ; jamais je ne vis un chat se déranger pour les troubler dans leurs pérégrinations.

Du reste les souris se conduisaient parfaitement, ne rongeant jamais les cahiers ni les livres, n’ayant jamais mis la dent aux violons, guitares, violoncelles qui traînaient partout.

Quelle paix dans cette demeure et dans ma vie à cette époque !

Je n’en valais pas mieux, il est vrai. Étudiant par rage, mais trouvant toujours le temps de faire des malices aux vilaines gens, je leur faisais une rude guerre ! Peut-être n’avais-je pas tort !

À chaque événement dans la famille, ma grand’mère en écrivait la relation sous forme de vers, dans deux recueils de gros papier cartonnés en rouge, que j’ai à sa mort enfermés dans un crêpe noir.

Le grand-père y avait ajouté quelques pages, et moi-même, encore enfant, j’osai y commencer une Histoire universelle, parce que celle de Bossuet (À monseigneur le dauphin) m’ennuyait et que mon cousin Jules avait remporté après les vacances l’histoire générale de son collège. Je compulsais comme je pouvais les faits principaux.

Voyant depuis longtemps la supériorité des cours adoptés dans les collèges sur ceux qui composent encore l’éducation des filles de province, j’ai eu bien des années après l’occasion de vérifier la différence d’intérêt et de résultat entre deux cours faits sur la même partie : l’un pour les dames, l’autre pour le sexe fort !

J’y allai en homme, et je pus me convaincre que je ne me trompais pas.

On nous débite un tas de niaiseries, appuyées de raisonnements de La Palisse, tandis qu’on essaye d’ingurgiter à nos seigneurs et maîtres des boulettes de science à leur crever le jabot. Hélas ! c’est encore une drôle d’instruction malgré cela, et ceux qui seront à notre place dans quelques centaines d’années feront joliment litière — même de celle des hommes.

Il devait se trouver de fameuses âneries dans mon travail ; j’avais consulté assez de livres infaillibles pour cela, mais on me donna quelques volumes de Voltaire et je plantai là mon œuvre inachevée avec le grand poème sur le Cona dont M. Laumont le grand avait cru me désenchanter en me racontant sur la montagne de Bourmont assez de légendes burlesques pour faire rire toutes les pierres de la Haute-Marne.

Jadis, là, dans un ermitage, vécut pendant longtemps un malandrin, saint homme pendant le jour, détrousseur de voyageurs pendant la nuit, à qui les braves gens du pays payaient en chère lie des prières pour les délivrer du peut âbre qui courait le bois et la plaine, sitôt le lever de la lune.

Et, sitôt aussi le lever de la lune, se retirait le saint homme dans la solitude, car le peut âbre c’était lui !

Ce qui m’empêcha de terminer le fameux poème du Cona c’est une dent de mammouth, dont ce même M. Laumont le grand, autrement dit le docteur Laumont, parlait avec enthousiasme. Je quittai la poésie pour établir, au sommet de la tour du nord, une logette pleine de tout ce qui pouvait passer pour des trouvailles géologiques. J’y joignis des squelettes tout modernes de chiens, de chats, des crânes de chevaux trouvés dans les champs, des creusets, un fourneau, un trépied, et le diable, s’il existait, saurait tout ce que j’ai essayé là : alchimie, astrologie, évocations ; toute la légende y passa, depuis Nicolas Flamel jusqu’à Faust.

J’y avais mon luth, un horrible instrument que j’avais fait moi-même avec une planchette de sapin et de vieilles cordes de guitare, — il est vrai que je le raccommodais avec des neuves.

C’est cet instrument barbare dont je parlais pompeusement à Victor Hugo, dans les vers que je lui adressais : — il n’a jamais su ce que c’était que ce luth du poète, cette lyre, dont je lui envoyais les plus doux accords !

J’avais dans ma tourelle une magnifique chouette aux yeux phosphorescents que j’appelais Olympe, et des chauves-souris délicieuses buvant du lait comme de petits chats, et pour lesquelles j’avais démonté les grilles du grand van, leur sécurité exigeant qu’elles fussent en cage pendant le jour.

Ma mère, moitié grondant, moitié riant, m’entendit pendant quelques jours chanter sur mon luth la Grilla rapita, qu’elle a depuis conservée avec de vieux papiers qui avaient porté le titre de Chants de l’aube. Voici cette chanson :

LA GRILLA RAPITA

Ah ! quelle horrible fille !
Elle a brisé la grille
Du grand van pour le grain.
Et l’on vanne demain !

Si fa, fa ré, ré si ; si ré fa, si do ré.

Elle en fait une cage,
De nocturne présage
Pour ses chauves-souris !
Cela n’est pas permis.

Si fa, fa ré, ré si, si ré, fa, si do ré.

Mais partout je la cherche :
Sans doute elle se perche
Dans son trou du grenier !
Allons la corriger.

Si fa, fa ré, ré si, si ré fa, si do ré.

Ah ! c’est bien autre chose.
Voici le pot au rose !
Un fourneau, des creusets…
Tout cela sent mauvais !

Si fa, fa ré, ré si, si ré fa, si do ré.

Appelons sa grand’mère !
Appelons son grand-père !
Il faut bien en finir.
Mais comment la punir ?

Si fa, fa ré, ré si, si ré fa, si do ré.

J’ignore avec quel vers rimait le refrain.

Quelques années encore, et j’allais, mes grands-parents étant morts, quitter ma calme retraite.

La vieille ruine ne garda pas longtemps les adieux que j’avais inscrits au mur de la tourelle. — Il n’en reste pas une pierre.

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