Il Processo di Giovanna d’Arco regia di Robert Bresson
recensione di Alessandro Pascale
Storia del processo-farsa svolto dagli ecclesiastici inglesi contro l’eroina francese Giovanna d’Arco, pulzella rea di aver guidato il suo popolo a vittorie militari strepitose su suggerimento di voci divine.
Bresson è uno di quei registi che difficilmente colpiscono le grandi masse, dato il suo carattere essenzialmente antispettacolare, o meglio a-spettacolare, per cui il film diventa un’occasione di raccontare nel modo più asciutto possibile una storia, una trama, un valore. Il processo di Giovanna d’Arco rappresenta forse l’apice di una ricerca stilistica che il regista francese ha portato avanti nell’arco di oltre quarant’anni lavorando a pochissimi film (poco più di una decina, rivelando una media quantitativa davvero povera nonché un labor limae enorme). Qui si raggiungono infatti i massimi esempi di un’idea di cinema tutta incentrata sull’essenzialità dell’evento in sé. Nessun orpello, ritocco, fiocco a colorare e dare vivacità gratuita.
Gli elementi con cui si raggiunge questo stato di cinema narrativo quasi primordiale sono più privativi che altro: l’intervento della musica viene ridotta ai minimi termini, tanto da apparire completamente assente; manca un evidente tipo di recitazione realistica (ben evidenziato dalla protagonista Florence Delay, totalmente passiva e impersonale), alla ricerca di un’estremizzazione quasi teatrale tanto è artificiale; precisa anche la scelta consueta dei luoghi unicamente chiusi, tendenzialmente claustrofobici tanto scarni e rigidi (il parallelo più evidente, anche per la tematica della prigionia è da fare con Un condannato a morte è fuggito); manca di fatto uno qualunque tentativo di riscrittura reale della storia: lo sceneggiatore è lo stesso Bresson che per l’opera si rimette completamente ai documenti reali della vicenda, nell’ottica di rimanere il più fedele possibile al testo; sempre in quest’ottica l’idea di un film dalla durata anomala (appena un’ora), proprio perché deciso a non aggiungere nulla più che il minimo indispensabile alla ricostruzione asciutta dei fatti; scontata infine la fedeltà al bianco-nero rispetto al colore che nello stesso periodo inizia a imperversare quasi ovunque.
Sulla regia di Bresson poi si può discutere quanto si vuole, ma così come per un altro maestro dell’essenzialità cinematografica (Rossellini) vale il principio per cui ogni ripresa che possa apparire anche solo per un attimo fine a sé stessa deve essere eliminata. Pensare a una camera a mano o a una carrellata diventa quindi pura utopia e l’intero film si poggia su una solida alternanza di campi e controcampi, secondo una precisa scelta autoriale di privilegiare la sacralità della parola, e quindi di far risaltare lo spessore mistico che circonda la figura di Giovanna d’Arco. Personaggio quest’ultimo che ben si adatta allo stile di Bresson per questa sua attitudine monacale tendente al rifiuto di ogni cosa superflua (nel suo caso tutto ciò che non viene in qualche maniera diretta da Dio).
Il messaggio morale che ne consegue è gigantesco: Bresson riesce a dipingere un’eroina marmorea evitando di elevarla verso canoni divini, bensì facendo leva sulle sue debolezze umane, appena colte realisticamente qua e là tra un pianto catturato e un’abiura presto ritrattata. Mi rendo conto che sia un cinema difficile quello di Bresson, oggi particolarmente anacronistico per gli spettatori salottieri e meno attenti. Eppure un cinema apprezzatissimo dalla critica, tanto che questo stesso film venne premiato con il Premio Speciale della Giuria di Cannes (1962).
Erano gli anni della Nouvelle Vague e di una rivoluzione stilistica imperiosa che procedeva su binari completamente opposti da quelli seguiti da Bresson, maggiormente esemplificativo di un cinema inserito nfei 50s, povero, privo di mezzi e pedagogico. Certamente però non ce la sentiamo di condannare Cannes per una certa visione classico-retrograda, in quanto Il processo di Giovanna d’Arco più che essere un residuale del passato pare già aprire le porte a un’idea di cinema che sarà pienamente valorizzata in epoca moderna e post-moderna.
« Jeanne d’Arc est morte le 30 mai 1431.
Elle n’a pas eu de sépulture et nous n’avons d’elle aucun portrait. Mais il nous reste mieux qu’un portrait : ses paroles devant les juges de Rouen.
C’est de textes authentiques et de la minute même du Procès de condamnation que je me suis servi. Pour les derniers instants, j’ai eu recours aux dépositions et témoignages du Procès de réhabilitation survenu 25 ans plus tard.
Au moment où le film commence, Jeanne est emprisonnée depuis plusieurs mois dans une chambre du château de Rouen. Capturée devant Compiègne par des soldats français du parti adverse, elle a été vendue aux anglais à prix d’or (on sait quels sont les intérêts en jeu). Elle comparait devant un tribunal composé presque exclusivement de membres de l’Université anglophile de Paris et présidé par l’évêque Cauchon. »
Analyse et critique
« J’ai voulu tourner un film restituant dans son intégralité visuelle, sonore et parlante, le procès et la mort de Jeanne d’Arc. Jeanne parlait une langue d’une perfection admirable. Tout son procès est un vrai chef-d’œuvre. J‘ai pris volontairement très peu de liberté avec l’histoire. J’ai repoussé toute psychologie inutile, surtout pour Pierre Cauchon (NDR : L’évêque qui préside le tribunal). Les interrogatoires ne servent qu’à provoquer sur le visage de Jeanne ses impressions profondes, à enregistrer sur le film les mouvements de son âme. Le sujet véritable est Jeanne promise au feu et sa longue agonie. Il est aussi son aventure intérieure et l’énigme non élucidée de cette merveilleuse jeune fille dont nous n’aurons jamais la clef. Et enfin le sujet, c’est l’injustice prenant la figure de la justice, la sèche raison luttant contre l’inspiration, l’Illumination. » L’intention profonde de Bresson en réalisant une œuvre sur Jeanne d’Arc, après que tant de réalisateurs en aient donné leur version (Otto Preminger dira d’ailleurs à Bresson lors de la présentation du film à Cannes : « Nous avons chacun notre Jeanne, la vôtre est la plus belle. ») est de peindre le portrait d’une âme à partir de la parole laissée. C‘est par la précision des mots que se dessine Jeanne. Ce sont ses phrases qui permettent l’incarnation de ses pensées, la matérialisation de la spiritualité d’une personne habitée par des voix intérieures.
Comme Dreyer avant lui, Bresson s’appuie sur les minutes du procès de condamnation. Le travail de construction de Bresson est admirable. De la montagne d’écrits que sont ces minutes, il réussit à extraire parfaitement la quintessence même du parcours de Jeanne. Bien sûr, la précision des paroles est un immense atout dans cette entreprise. Jean Guitton explique (Jeanne d’Arc à l’écran, n°18-19 d’Etudes cinématographiques, 1962) que les minutes du procès sont d’une grande exactitude. Le tribunal était très consciencieux, c’étaient de très bons juristes. Ils voulaient condamner Jeanne de telle façon que son procès ne put être révisé. C’est grâce à cette minutie que Bresson nous fait revivre l’histoire et nous permet d’appréhender l’énigme que fut Jeanne d’Arc.
Le Procès de Jeanne d’Arc est l’occasion pour le cinéaste de pousser plus avant sa recherche sur le son. Il bâtit véritablement son film sur la bande sonore, créant une musicalité sans l’appui de musique mais uniquement dans l’agencement des bruits et des dialogues. Le soin accordé à la diction, à la ponctuation, à la tonalité est extrême. Le film prend vie d’abord par la richesse du mixage. L’image suit le son qui est constamment mis en premier plan. Les scènes dialoguées reposent sur le rythme insufflé aux mots, accélérations, silences. Les regards, les gestes, l’image même viennent ensuite. Si Bresson utilise les gros plans, ils ne sur-signifient jamais ce qui est énoncé. Il y a aplanissement de ce qui est montré : des murs, des fissures, des bouts de table, des mains, des entraves, un crayon qui écrit… les plans se répètent, identiques d’un interrogatoire au suivant. La mise en scène tend à s’effacer au maximum. Neutralité des plans américains qui régissent la mécanique du film. Et quand un travelling arrière, unique, magnifique, vient suivre la marche de Jeanne vers le bûcher, la scène acquiert une force hors du commun. Bresson suit les petits pas de Jeanne qui semble se précipiter vers le bûcher. Cette course l’amène plus vite vers le ciel, qui est le dernier refuge qui lui reste.
Et malgré cette neutralité, le film est d’une rapidité déconcertante. Le Procès de Jeanne d’Arc est filmé comme une bataille. Les champs/contrechamps sont secs et rapides. Les paroles sont souvent brèves, sèches. Les injonctions se multiplient, accélérant le récit. « Passez outre ! ». Un combat qui se joue au son des roulements de tambour. L’interrogatoire lui-même est plein de vérité, de modernité. On se croirait dans un commissariat, celui de Pickpocket par exemple, où la méthode d’investigation consiste à faire répéter encore et encore les mêmes choses, à chercher l’épuisement de l’accusé. Des méthodes qui ne sont pas sans rappeler par ailleurs le travail de Bresson avec ses modèles.
Cette tension constante est le fruit d’un travail d’orfèvre sur le montage de l’image et du son qui prouve une fois de plus que loin d’un minimalisme souvent reproché à Bresson, on est en présence d’un auteur qui témoigne d’une maîtrise parfaite du cinéma et de ses moyens. Mais la puissance du film tient également à la force de son personnage. Jeanne est insolente, pleine de vivacité, d’intrépidité. A la fois douce et courageuse, elle porte en elle l’éclat et la fougue de la jeunesse. C’est cette jeunesse qui lui permet d’aller au bout de son calvaire en refusant les concessions, de ne pas plier aux injonctions de juges qu’elle admire et respecte dans une certaine mesure, mais auxquels elle ne peut obéir, portée par des intérêts qui dépassent ceux matérialistes du dogme religieux. Jeanne est tiraillée entre ce qu’elle croit juste et ce qui est censé l’être. Le Procès se passe dans deux lieux : la cellule de Jeanne où elle se livre à son intimité, se laisse porter par ses voix et la salle d’audience où elle est jetée en pâture à ses juges. La géographie du film est ainsi un constant envahissement de sa cellule par cet extérieur synonyme de dégradation, de compromission. La porte de sa cellule est ainsi le passage par lequel se fait cette invasion. Qu’on vienne l’intimider, la torturer, la mettre en garde, la violer, c’est par son franchissement que ces attaques sont perpétrées. « C’est très beau les portes qui s’ouvrent, qui se ferment, qui donnent sur le mystère non encore élucidé. (…) C’est un rythme musical. » Le mur de sa cellule est également percé d’un trou, fissure qui marque le viol moral, l’agression de son intimité.
Il y a un combat qui se joue constamment entre le spirituel et le matériel. Ses juges essaient tant que possible de toucher, de briser son âme. Que ce soient des agressions corporelles, l’obligation de lui faire quitter ses habits d’hommes, c’est au corps en premier lieu qu’ils s’attaquent, car ils sont conscients que le corps est relié à l’âme. Aux mains enchaînées au début du film répondent celles liées au dos du poteau lors de sa mise à mort. Des entraves, qui sont doublées au cours du film tant Jeanne résiste mentalement, enserrent ses pieds, l’empêchent de s’envoler. Bien sûr, ils n’ont pas peur qu’elle s’enfuie, mais ils comptent bien en emprisonnant le corps, emprisonner l’âme. Et Jeanne s’envolera bel et bien dans les derniers plans du film. Images d’oiseaux et disparition de son corps sur le bûcher. Bresson ne filme pas des cendres ou des restes, mais une absence.
Comme pour Pickpocket, le film prend une forme circulaire. La répétition du motif des entraves, mais aussi un son de cloches qui ouvre et ferme le film, enserrent l’instant du film au cœur de quelque chose de plus vaste. Le Procès de Jeanne d’Arc n’est pas conçu comme une fin, mais, tout comme Pickpocket, est un commencement. Il y a dans ces deux œuvres une vision de l’humanité pleine d’amour et d’optimisme, une croyance totale dans l’homme, dans sa capacité de se dépasser, de trouver le bonheur ou la grâce malgré l’horreur du monde dans lequel il évolue. La vision de Bresson va considérablement se noircir dans ses œuvres suivantes, et L’Argent va marquer un point de non retour.
http://www.dvdclassik.com/critique/proces-de-jeanne-d-arc-bresson
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