Avec “Les Mille et une nuits”, Miguel Gomes interroge la nouvelle réalité portugaise

Avec “Les Mille et une nuits”, Miguel Gomes interroge la nouvelle réalité portugaise

Oeuvre monumentale et atypique composée de trois films, entre fiction et documentaire, sur un Portugal frappé par la crise, “Les Mille et une nuits”, de Miguel Gomes, est présenté à la Quinzaine des réalisateurs. On a vu le premier volet.

Il est le seul cinéaste à présenter cette année trois films à Cannes – un record qui doit couvrir toute l’histoire du festival et offre à la Quinzaine des Réalisateurs le triple temps fort de son programme. On dira que ces films n’en font qu’un seul, mais Miguel Gomes a bien tourné trois longs métrages et chacun est destiné à une sortie en salles en bonne et due forme, cet été. Comme les récits sans fin de Shéhérazade, dont il s’inspire, Les Mille et une nuits est un projet fleuve, totalement atypique : un effort digne d’une superproduction fastueuse, porté par un réalisateur indépendant qui veut tout à la fois nous entraîner dans des histoires merveilleuses et nous parler de son pays frappé par la crise et puni par l’austérité européenne, le Portugal.

Cette double ambition au bord de la contradiction (rêver ou raconter la mort des rêves), Miguel Gomes s’y confronte en exprimant tous ses doutes au début de L’Inquiet, premier volume des Mille et une nuits. Il se filme même prenant la fuite, reculant devant l’obstacle, renonçant à choisir entre son envie d’être témoin d’une réalité dure ou passeur d’un imaginaire séduisant. Cette sincérité donne le ton : faire un film monumental ne veut pas forcément dire faire du cinéma armé de certitudes, en bâtisseur ! Les Mille et une nuit accueille la fragilité du geste de filmer comme la fragilité du Portugal, où les certitudes se sont, comme les emplois, évaporées. Tout en nous entraînant dans son odyssée, Miguel Gomes se donne le droit de nous dérouter.

Car il ne choisit pas, en tout cas dans ce volume 1, entre fiction et documentaire : il fait tout à la fois. Il recueille les témoignages de gens brutalement touchés par le chômage et même la misère, et il imagine parallèlement qu’un charme est jeté sur les comptables de l’Union européenne. Eux qui ne sont plus dans la vie, ils redécouvrent le désir, se remettent à bander. Le ton fantaisiste est parfois proche d’une fable absurde, et un peu absconse. Moins séduisant que pouvait l’être Tabou (2012), L’Inquiet qui ouvre ces Mille et une nuits fait résonner le trouble : il est impossible d’être cinéaste au Portugal aujourd’hui comme on l’était avant le grand désastre économique, nous dit Miguel Gomes. La création doit s’ancrer dans une réalité nouvelle. C’est ce mouvement que raconte son film, avec un désir fort : redonner, à travers le cinéma, une mythologie, une grandeur au pays. Les chômeurs qui témoignent s’appellent les Magnifiques. Chacun apporte son histoire et prend ainsi part à un récit plus vaste. Les petits ruisseaux font les grandes rivières : tout en nous parlant de doute, de difficulté à croire aux jolis contes à l’heure des mauvais comptes, ce premier volume construit déjà un univers assez foisonnant, et ouvre sur une prometteuse montée en puissance. Le volume 2, Le Désolé, sera présenté demain lundi

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Bande-annonce des “Mille et une nuits”, de… di telerama

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