Lille: « Nous sommes en train de mourir pour un bout de papier »

Lille: « Nous sommes en train de mourir pour un bout de papier »

Publié le janvier 5, 2013 par xxx

L’Humanité, 4 janvier 2013 :

Lille, envoyée spéciale. En plein centre de Lille, une quarantaine de sans-papiers sont en grève de la faim depuis 64 jours. Alors que plusieurs occupations de soutien étaient organisées hier, jusqu’au siège du PS à Paris, ils se disent prêts à aller « jusqu’au bout ».

Devant l’église Saint-Maurice, en plein cœur de Lille, une grande tente a été montée. Les nombreux passants sont rares à s’arrêter devant la banderole rouge qui la recouvre : « Faut-il mourir pour avoir des ­papiers ? Valls, régularisez ! » Dans ­l’indifférence générale, trente-six sans-papiers sont en grève de la faim depuis le 2 novembre pour obtenir leur régularisation. Sous la tente, les grévistes, allongés sur des matelas, se protègent du froid avec des couvertures. Ils sont en majorité algériens, on compte quelques Guinéens et des Thaïlandais.

« La majorité sont des gens diplômés »

À l’entrée, deux Kabyles, Samir et Ryad, sont emmitouflés dans des doudounes pour éviter les courants d’air glacés. Ils ont fui l’Algérie pour des « questions de sécurité ». Bien qu’ils soient en France depuis plusieurs années, leurs demandes de régularisation n’ont pas abouti. « La majorité sont des gens diplômés et ­qualifiés, ­explique Ryad, ­vingt-huit ans. On a même des infirmiers ! » Lui-même est titulaire d’un BTS en électrotechnique. « En Algérie, on voyait pas du tout la France comme ça. Si on avait su… » À côté, un gréviste de cinquante-cinq ans complète la phrase : s’il avait su, il serait allé aux États-Unis. « Valls prépare l’élection de 2017 sur notre dos », lâche-t-il, dégoûté.

Personne ici ne comprend l’intransigeance du préfet et du ministre de l’Intérieur. Les négociations semblent au point mort. La dernière réunion en préfecture, le 19 décembre, n’a rien donné. Pire, le 30 décembre, deux grévistes ont été expulsés vers l’Algérie, à leur 59e jour de jeûne. L’un d’eux serait ­hospitalisé à Tizi Ouzou, selon le Comité des sans-papiers du Nord. « Nous sommes en train de mourir pour un bout de papier, mais personne ne nous entend, soupire Saliha, une Algérienne de quarante ans. Nos deux camarades ont été renvoyés, bouche scotchée et mains attachées, mais ce sont des humains, pas des animaux ! »

« L’État et les socialistes au pouvoir les traitent comme des moins-que-rien, dénonce Benoît Delrue, responsable local du Mouvement des jeunes communistes, passé en soutien. Leur combat est significatif de la façon dont les immigrés sont traités en France, mais aussi les travailleurs. On leur refuse toute dignité. » Dignité, ce mot revient sans cesse dans la bouche des grévistes. Parmi les sept femmes allongées sous la tente, beaucoup disent avoir fui un mariage forcé. C’est le cas d’Ismahane, une Algérienne de vingt-quatre ans, arrivée en France il y a deux ans. « La mairie refuse de nous donner des toilettes, heureusement quelques snacks laissent les femmes y aller. » Depuis le 2 novembre, la jeune femme a perdu vingt kilos. « J’ai fait une demande d’asile mais je suis sûre qu’elle va être refusée. Cette grève de la faim est notre dernière cartouche. »

Régulièrement, des équipes du Samu entrent sous la tente pour emporter des grévistes affaiblis. Trois sont hospitalisés depuis plusieurs jours, les autres reviennent après quelques heures d’une hospitalisation compliquée… « On veut nous forcer à faire des perfusions, mais nous refusons, explique Saliha. Nous acceptons les soins, mais pas les vitamines. »

Des corps de plus en plus faibles

Devant la tente, Ludivine, « simple citoyenne » de vingt-sept ans, note les poids des grévistes sur la balance : « Beaucoup ont perdu jusqu’à vingt kilos, les malaises sont quotidiens. Beaucoup vomissent. Les pancréas commencent à être touchés, ce qui provoque de grosses douleurs, d’autres ont des problèmes de vue. » Les soutiens organisent des roulements jour et nuit aux côtés des grévistes et appellent les secours en cas de besoin. Toujours dans la crainte d’un drame à venir.

http://communismeouvrier.wordpress.com/2013/01/05/lille-nous-sommes-en-train-de-mourir-pour-un-bout-de-papier/

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