Nicaragua : le régime fait place nette à Masaya, la ville rebelle

Nicaragua : le régime fait place nette à Masaya, la ville rebelle

Par Anne Proenza, correspondante à Bogotá (Colombie)

 

Dans le quartier de Monimbó à Masaya lundi. Selon des défenseurs des droits de l’homme, douze personnes ont été abattues la veille dans le sud du pays par les forces de l’ordre. Photo Marvin Recinos. AFP

Policiers et paramilitaires ont repris la cité symbole de la révolution sandiniste après l’assaut meurtrier de mardi et ratissent les habitations à la recherche d’opposants.

L’attaque contre Masaya, à 35 km de la capitale Managua, a commencé vers 5 heures du matin et s’est prolongée toute la journée de mardi, tandis que les routes d’accès à la «ville rebelle» de 150 000 habitants étaient bloquées. Selon plusieurs témoins, la police nicaraguayenne aidée de groupes «parapoliciers» ou «paramilitaires» (des miliciens encagoulés et lourdement armés) qui répriment depuis près de trois mois le mouvement de contestation ont détruit les barricades en place depuis de longues semaines et repris position jusqu’à la petite place de Monimbó, un quartier indigène emblématique de la résistance… à la dictature de Somoza en 1978, et au régime «orteguiste» quarante ans plus tard.

«Mortiers artisanaux»

Selon Alvaro Leiva, qui dirige l’Association nicaraguayenne pour les droits de l’homme (ANPDH), joint par téléphone mardi soir, les «forces combinées» (police et paramilitaires) continuaient dans la soirée à chercher maison par maison les manifestants et opposants au régime pour les «séquestrer», sans qu’on sache où ils allaient être emmenés. «La ville est prise, il y a une forte présence policière», a confirmé le père César Augusto Gutierrez, qui officie normalement dans une chapelle près de la place principale du quartier de Monimbó, fief de la contestation. «Ce n’est pas une guerre, c’est un gouvernement lourdement armé qui s’accroche au pouvoir et décide de tuer le peuple qui se défend à coup de pierres et de mortiers artisanaux», souligne d’une voix lasse le curé, qui aujourd’hui doit se «cacher» après avoir reçu des menaces, comme il nous l’a confié par téléphone.

L’ANDPH a reçu, selon Alvaro Leiva, pour la seule journée du 17 juillet «plus de cinquante plaintes» de personnes qui auraient été arrêtées à Masaya. Un bilan de trois morts circulait mercredi, mais le nombre de victimes était encore impossible à vérifier mercredi. L’infatigable défenseur des droits de l’homme, qui, depuis le début des manifestations, mi-avril, tente avec son association de comptabiliser les victimes de la répression gouvernementale, a dénoncé «la situation de crise et de chaos» vécue à Masaya et dans d’autres villes du pays ainsi que les «innombrables violations des droits de l’homme».

Dimanche, les assauts des forces gouvernementales contre Masaya (mais la ville avait alors résisté) et plusieurs autres localités avaient déjà fait douze morts. Les 13 et 14 juillet, c’est contre les étudiants retranchés dans l’Université nationale du Nicaragua (Unan), puis à l’intérieur d’une église à Managua, que le gouvernement avait envoyé ses hommes armés. Depuis le début de la répression le 19 avril, les ONG ont comptabilisé plus de 300 morts. Sans compter des milliers de blessés et d’arrestations. A Managua, devant le bâtiment d’El Chipote, la direction de l’aide judiciaire, un département de la police qui fait office de prison, des dizaines de familles attendent chaque jour des nouvelles des leurs. Après une mission d’observation, la Cour interaméricaine des droits de l’homme (CIDH), a dénoncé «les arrestations arbitraires et massives», les «traitements cruels, inhumains et dégradants pendant les détentions», se montrant «particulièrement  préoccupée par la situation d’adolescents emprisonnés». La présentation des conclusions de la CIDH, devant l’Organisation des Etats américains (OEA) devait amener celle-ci à voter une résolution ce mercredi pour condamner les violences du gouvernement. Le secrétaire général des Nations unies, António Guterres, a pour sa part «condamné la violence contre les civils et y compris les étudiants» lundi.

«Coût humain»

Daniel Ortega (président de 1985 à 1990 et depuis 2007) a rejeté toute possibilité d’élections anticipées comme le demande l’opposition et s’apprête à fêter ce 19 juillet le 39anniversaire de la chute du dictateur Anastasio Somoza et de la victoire de la révolution sandiniste. Pour cela, il fallait bien que Masaya, et surtout Monimbó, lui soit acquis. Même si la plupart de ses compagnons sandinistes lui ont depuis tourné le dos et soutiennent les étudiants. «Il n’y a pas de retour en arrière possible. Il doit partir. Il doit partir», nous a déclaré un ex-cadre fondateur du Front sandiniste de libération nationale qui avait participé à l’insurrection de Masaya en 1978, soupirant, quelques jours avant que la ville ne soit reprise mardi par les forces de l’ordre : «Le mouvement de résistance va continuer, quel qu’en soit le coût humain, car le coût serait encore plus élevé si nous devions supporter ce régime jusqu’en 2021», la fin officielle du mandat d’Ortega.

http://www.liberation.fr/planete/2018/07/18/nicaragua-le-regime-fait-place-nette-a-masaya-la-ville-rebelle_1667430

Nicaragua protests: Five more killed as unrest continues by aljazeera …

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