A Nantes, vague de violences après la mort d’un homme, tué par un policier; Au moins 37 morts en 40 ans dans le Rhône ….par rebellyon.info

A Nantes, vague de violences après la mort d’un homme, tué par un policier

La police a tiré sur l’individu de 22 ans, qui est mort de sa blessure, après qu’il a refusé d’obtempérer et qu’il a « percuté un fonctionnaire de police » avec son véhicule.

LE MONDE | • Mis à jour le | Par Soren Seelow

Un jeune homme de 22 ans est mort, mardi 3 juillet soir dans le quartier du Breil à Nantes, après qu’un policier a ouvert le feu lors d’un contrôle qui a dégénéré. L’annonce de son décès a provoqué des scènes de violences urbaines durant une partie de la nuit dans trois quartiers sensibles de la ville, plusieurs véhicules et quelques bâtiments étant incendiés.

Les faits se sont déroulés vers 20 h 30. Une patrouille de CRS procède alors au contrôle d’un véhicule, dont le conducteur ne porte ni ceinture ni papiers d’identité, explique mercredi 4 juillet au Monde une source au ministère de l’intérieur. Les policiers s’aperçoivent alors que le véhicule est mis en surveillance par la police judiciaire de Nantes dans le cadre d’un trafic de stupéfiants : « Le conducteur tente de prendre la fuite en reculant sur un fonctionnaire de police », « légèrement blessé à la jambe ». Un de ses collègues « ouvre alors le feu, le conducteur est touché, est transporté à l’hôpital de Nantes où il décède », poursuit cette source.

« C’est des Robocop ! »

Un témoin de la scène a livré à une journaliste de Ouest-France un témoignage filmé qui soulève de nombreuses questions sur la proportionnalité de la riposte du collègue : « Il a essayé de faire une marche arrière, la voiture s’est explosée contre le mur. Il était déjà immobile, il ne pouvait rien faire d’autre. Le policier est arrivé, il lui a tiré dessus à bout portant, il lui a mis une balle sur le cou, directement. » Cet habitant dit avoir lui-même tenté de réanimer la victime. « Il n’y avait aucun CRS de blessé », assure-t-il, interrompu par un autre habitant qui lance : « C’est des Robocop ! »

Selon le directeur départemental de la Sécurité publique, Jean-Christophe Bertrand, le jeune homme de 22 ans, originaire de la région parisienne, a de la famille au Breil. Selon des riverains, il se serait installé depuis quelque temps dans le quartier. Touché à la carotide, il serait décédé à son arrivée à l’hôpital vers 23 h 30, précise une source policière. Une enquête visant à éclaircir « les faits » et à déterminer les « circonstances » dans lesquelles le policier a fait usage de son arme a été confiée au Service régional de police judiciaire (SRPJ) de Nantes et à l’Inspection générale de la police nationale (IGPN), a précisé le procureur de la République de Nantes, Pierre Sennès.

Ce drame s’inscrit dans un contexte tendu depuis plusieurs semaines dans le quartier du Breil. En mai, plusieurs coups de feu ont été tirés dans la cité, et le soir du 28 juin, des tirs ont visé la façade d’un immeuble, blessant légèrement une adolescente qui se trouvait à sa fenêtre, touchée à la main par des éclats de verre. A la suite de cet incident, le quartier avait été placé sous surveillance policière renforcée, et des CRS avaient été dépêchés sur place depuis une semaine.

Deux cents membres des forces de l’ordre mobilisés

Sitôt la nouvelle de la mort du jeune homme annoncée, des violences urbaines se sont déclarées dans trois quartiers – Breil, Malakoff et Dervallières – impliquant une centaine d’individus. Selon un bilan établi mercredi matin par le ministère de l’intérieur, huit bâtiments ont été visés par des incendies, dont un centre commercial, ainsi que de nombreux véhicules, tandis que les forces de l’ordre ont essuyé des jets de projectiles et de cocktails Molotov.

Selon un autre habitant du quartier, également cité par Ouest-France, des mères de familles sont sorties pour tenter de ramener le calme, en vain : « Toutes les mamans sont dehors. Les jeunes sont cagoulés, ils ne veulent pas en démordre. » Près de deux cents membres des forces de l’ordre ont été mobilisés, dont 56 CRS et 55 gendarmes mobiles, avec des renforts venus de Rennes, Saint-Nazaire, Angers.

La ministre de la justice, Nicole Belloubet, a appelé « au calme », mercredi matin sur RTL, rappelant qu’une enquête était en cours « pour que toute la lumière soit faite dans la plus totale transparence » sur la mort du jeune homme. Le ministère de l’intérieur a dit mercredi dénoncer les violences et appelle également à la « responsabilité » et au « calme ». Un calme qui semblait, du moins temporairement, revenu dans ces trois quartiers aux alentours de 3 heures du matin.

Johanna Rolland, maire (Parti socialiste) de Nantes, est arrivée peu avant 2 h 30 aux Dervallières, dont la mairie annexe et la maison de la justice et du droit, situés dans le même bâtiment, ont été touchées par des départs de feu. « Mes premières pensées vont à ce jeune homme mort, à sa famille, à tous les habitants de ce quartier, de nos quartiers, a-t-elle déclaré. La police et la justice dans son indépendance devront faire la clarté et la plus totale des transparences sur ce qui s’est passé ce soir ». « Mais l’urgence ce soir, c’est l’appel au calme dans nos quartiers », a-t-elle martelé.

Sur Twitter, François de Rugy, président de l’Assemblée nationale et député de la première circonscription de Loire-Atlantique, a été l’un des premiers responsables politiques à réagir mardi soir : « L’enquête indépendante de la justice devra établir les faits quant à la mort d’un jeune conducteur ayant refusé de se soumettre à un contrôle de police au Breil à Nantes. Rien ne justifie de faire subir maintenant aux habitants, policiers et pompiers des incendies et violences. » Mercredi matin, il a posté un nouveau tweet, légèrement modifié, ajoutant : « On ne peut que regretter la mort d’un jeune homme. »

Lire aussi :   Le recours aux armes à feu par les policiers a fortement augmenté en France en 2017

Selon les chiffres publiés le 26 juin par l’IGPN, le recours aux armes à feu chez les policiers a bondi de 54 % entre 2016 et 2017. A cette occasion, la « police des polices » a rendu public, pour la première fois, le nombre de personnes tuées ou blessées par les policiers. Entre juillet 2017 et mai 2018, elle recense 14 décès et une centaine de blessés. Des chiffres révélateurs d’un climat tendu sur le terrain. Au total, 394 coups de feu ont été tirés par les policiers en 2017, notamment lors de refus d’obtempérer des véhicules en mouvement. Tous ces coups de feu ont été considérés comme de la légitime défense. Du côté de la gendarmerie, la progression de l’usage des armes aurait été de 15 % entre 2016 et 2017.

https://www.lemonde.fr/police-justice/article/2018/07/04/a-nantes-vague-de-violence-apres-la-mort-d-un-jeune-lors-d-un-controle-de-securite_5325355_1653578.html

Au moins 37 morts en 40 ans dans le Rhône à la suite d’interventions policières

Pour la première fois, des chiffres officiels des morts et blessé·es causés par les interventions policières ont été annoncés mardi. Dans une grande opération de com’, les flics de l’Inspection générale de la police ont ainsi annoncé 14 morts de juillet 2017 à janvier 2018 à l’occasion de la publication de leur rapport 2017. Une transparence toute relative puisque ce rapport est introuvable en ligne, comme s’en faisaient l’écho de nombreuses personnes sur les réseaux sociaux cette semaine. Le chiffre lui-même ne figurerait apparemment pas dans le rapport.

Ca ressemble à une réponse en urgence à l’impressionnant travail de Bastamag qui a recensé 478 victimes de 1978 à 2018, accompagné d’une série d’infographies. Un chiffre énorme qui vient appuyer un mouvement de plus en plus fort contre les violences policières. Mais ce chiffre, malgré son ampleur, semble encore incomplet.

Pour le Rhône, Bastamag liste 25 décès durant ces quatre décennies. Des premières recherches dans les archives numérisées depuis 1997 du quotidien local Le Progrès [1] permettent d’en identifier 11 supplémentaires. Près de 50% de plus, et uniquement sur les 20 dernières années.

Parmi les personnes décédées dans le Rhône et absentes de la base de données de Bastamag, en attendant une chronologie exhaustive, on peut déjà citer

Et des inconnus :

  • un homme de 34 ans, mort lors d’une course-poursuite au niveau de Pierre-Bénite le 26 mars 1997 ; [5]
  • un homme de 44 ans, saoûl d’après la police, abattu à Oullins le 14 juin 1999 [6] ;
  • un forain de 21 ans originaire du Var et un jeune de Rilleux âgé de 19 ans, tués lors d’une course-poursuite le 17 avril 2001 dans le 9e arrondissement, ainsi qu’un habitant du 7e de 16 ans grièvement blessé [7] ;
  • cet homme polonais et SDF mort en cellule de dégrisement à Saint-Priest le 22 août 2007 ;
  • un jeune homme de 21 ans qui aurait, d’après la police, refusé un contrôle à Bron, quelques jours plus tard, le 30 août 2007

Ils s’ajoutent à une série de drames (notés par Bastamag) qui ont marqué l’agglomération. Les morts de Fabrice Fernandez, Thomas Claudio, Mourad Tchier, Tina et Raouf, ou encore, tué lui par la police Suisse, Umüt

Dans d’autres départements limitrophes, même constat. La base de Bastamag compte 3 décès dans l’Ain (dont Nicolas Billotet, mort à Lyon 9e). On peut y ajouter ces deux jeunes de Bron morts près de Bourg-en-Bresse dans une course-poursuite avec la BAC le 12 juin 1999 après un casse nocturne dans un magasin. Des émeutes se produiront pendant plusieurs jours dans la banlieue lyonnaise [8], et 8 personnes seront écrouées pour celles-ci. Le 5 décembre 2008, lors d’un échange de tirs, Alain Arnoldi est abattu à Priay, toujours dans l’Ain.

C’est parfois un travail assez fastidieux de retrouver des traces de ces décès liées aux interventions policières. La presse locale est une source importante, mais il faut chercher longuement. Souvent il n’est paru qu’un entrefilet.

Des recherches plus approfondies, un peu partout en France, permettraient de compléter l’énorme travail de Bastamag [9]. Leur base de données devrait être corrigée dans les prochains mois, et intégrer les décès qui leur auront été signalés après vérification.

Sur Lyon, des gens s’organisent autour du collectif Contrib pour fouiller cette question. Pour montrer qu’on décède facilement au contact de la police. Pour refuser les explications foireuses de la police, reprises à chaque fois par la presse locale proche du pouvoir, comme dans le cas de Mehdi, mort à Vénissieux en 2016. Pour transmettre la mémoire des personnes victimes de bavures, tenter de raconter leur histoire, de mettre des visages à côté de leur nom au-delà de cette liste tragique. Et pour ne pas laisser la comptabilité des victimes de la police à leurs collègues de l’IGPN.

Contact : contrib arobase rebellyon.info

Notes

[1Disponibles via le service Europresse, mis à disposition par la Bibliothèque de Lyon.

[2Course-poursuite de Gex à Meyzieu : la famille de la victime partie civile, « Le Progrès » du 9 mai 2001.

[3Lyon : en garde à vue au commissariat, il se défenestre, « Le Progrès » du 18 avril 2002

[4Lyon 7e : mort en prenant la fuite, « Le Progrès » du 1er décembre 2005

[5Progrès des 27 et 28 mars 1997

[6Progrès du 16 juin 1999

[7« Le Progrès » du 18 avril 2001.

[8Le Progrès des 13, 15 et 17 juin 1999.

[9Leur base de données est librement accessible dans leur article en cherchant un peu. La liste des 25 décès recensés par Bastamag dans le Rhône est disponible ici.

https://rebellyon.info/Au-moins-37-morts-en-40-ans-dans-le-Rhone-19402

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