Asli ERDOGAN : Le bâtiment de pierre

Le bâtiment de pierre

Asli ERDOGAN

LE POINT DE VUE DES ÉDITEURS

Au coeur de l’onirisme, à la frontière du visible et de l’invisible, entre mémoire, rêve et cris, une femme se souvient du Bâtiment de pierre. Dans cette prison, des militants politiques, des intellectuels récalcitrants à la censure, des gosses des rues – petits voleurs de misère – se retrouvaient pris au piège.
De ce monde de terreur véritable, la narratrice de ce récit est pourtant revenue et sa voix, en une étrange élégie, se fait l’écho d’un ange, un homme qui s’est éteint dans cette prison en lui laissant ses yeux.

Ce livre est un chant dont la partition poétique autorise le motif en lui donnant parfois une douceur paradoxalement inconcevable. Un texte rare sur l’un des non-dits de la vie en Turquie.

Ash Erdogan vit à Istanbul où elle intervient dans le champ politique, notamment pour défendre les droits de l’homme. Physicienne de formation, elle a travaillé au Centre européen de recherches nucléaires de Genève ; elle se consacre désormais à l’écriture. Ses livres sont traduits en Europe comme aux États-Unis.

  • La revue de presse Eglal Errera – Le Monde du 18 avril 2013

D’emblée, on sait. Voici un texte dicté par la plus stricte nécessité, à la fois politique et personnelle. Asli Erdogan prête ses yeux et sa voix à l’un de ses proches, disparu depuis plus de dix ans et dont elle est convaincue qu’il est mort sous la torture. Le Bâtiment de pierre est le récit halluciné de son calvaire dans cette prison où sont emmurés opposants politiques, militants et gosses des rues, voleurs et petits délinquants…
Porté par une écriture rarement rencontrée, alliage de brutalité, de crudité et de poésie, Le Bâtiment de pierre est un alcool fort que l’on absorbe d’un trait, chahutés entre nausée et ravissement, abattement et vitalité, un texte qui donne à penser autant qu’à éprouver. Comme le fait la grande poésie.

  • La revue de presse Laure Marchand – Le Nouvel Observateur du 28 mars 2013

Ce texte déambule entre onirisme et fantastique. Mais il décrit les souffrances bien réelles des hommes et des femmes broyés dans leur chair, la douleur de ces gosses des rues, ces petits brigands que leur vie si courte a déjà condamnés, les prisonniers politiques à la bouche remplie de sang et aux dents brisées…
«Si l’on veut écrire, on doit le faire avec son corps nu et vulnérable sous la peau», prévient la narratrice du «Bâtiment de pierre». De ce texte aussi sublime que court, dont la tragédie humaine est la matrice, émane pourtant une douceur poétique. Asli Erdogan offre à ces damnés pris au piège un chant lyrique.

  • Les courts extraits de livres : 14/01/2013

Les faits sont patents, discordants, grossiers… Ils entendent parler fort. A ceux qui s’intéressent aux choses importantes, je laisse les faits, entassés comme des pierres géantes. Ce qui m’intéresse, moi, c’est seulement ce qu’ils chuchotent entre eux. De façon indistincte, obsédante. Je fouille parmi toutes ces pierres, en quête d’une poignée de vérité, ou du moins de ce qui, jadis, s’appelait ainsi, mais qui n’a plus de nom. Par-delà un éclair lumineux, je cherche, toujours plus profond, avec l’espoir, si je reviens, de rapporter une poignée de sable qui glissera entre mes mains, je suis en quête de la chanson du sable. “Qui parle de l’ombre dit vrai.” La vérité dialogue avec les ombres. Aujourd’hui, je vais parler du bâtiment de pierre où le destin se cache dans un coin, où l’on observe à distance le revers des mots. Il a été construit bien avant ma naissance, il a cinq étages sans compter le sous-sol, et un escalier d’entrée.
Si l’on veut écrire, on doit le faire avec son corps nu et vulnérable sous la peau… Les mots ne parlent qu’avec les autres mots. Prenez un V, un I et un E et vous écrivez Vie. A condition de ne pas vous tromper dans l’ordre des lettres, de ne pas, comme dans la légende, laisser tomber une lettre et tuer l’argile vivante. J’écris la vie pour ceux qui peuvent la cueillir dans un souffle, dans un soupir. Comme on cueille un fruit sur la branche, comme on arrache une racine. Il te reste le murmure que tu perçois en plaçant contre ton oreille un coquillage vide. La vie : mot qui s’insinue dans ta moelle et dans tes os, murmure évoquant la douleur, son qu’emplissent les océans.
Un petit enfant a dit un jour : si tu ne profites pas de la vie, c’est elle qui profitera de toi. C’était un enfant aux yeux noirs, né de l’union de deux ténèbres, qui a connu très tard le bâtiment de pierre. Il n’a plus jamais eu peur, parce qu’il se rappelait sa première frayeur, ou peut-être parce qu’il l’avait oubliée… Il paraît qu’il riait pour un rien.
Imaginez ceci : dans la rue qui mène au bâtiment de pierre, il y a un café, devant le café, été comme hiver, se tient un homme. A l’intérieur du bâtiment, une immense cour. Bordant les escaliers qui entourent la cour, des fils de fer barbelés dépassant la taille d’un homme… Pour que personne ne se jette en bas. Parce que depuis deux ans la vie d’un homme a trop de valeur pour le laisser se fracasser sur les pierres. Dehors, un escalier de secours en colimaçon monte jusqu’au cinquième étage. La nuit, dans le pâle clair de lune, des ombres montent l’escalier, mais personne, jamais, ne descend. Cet homme est toujours là, sur le dallage, vestige d’une époque inconnue… Assis sur des journaux et des cartons ramassés ici et là. À côté de lui, des bouteilles vides, des traces de nourriture, d’urine et de vomissures. Son visage, rugueux comme le sol lunaire, est divisé en deux parties inégales par une profonde cicatrice, il ne livre aucun secret, il ne révèle même pas son âge. Mais si vous suivez cette cicatrice, sur le crâne défoncé par endroits, comme on parcourt un sentier de montagne, jusqu’au bord triste et désert des orbites, vous vous trouverez devant un gouffre. Un gouffre qui parle non la langue des hommes, mais celle du vent, de la lune et des pierres. Vous n’oserez pas lui demander son nom, mais vous pourrez le désigner par la première lettre de l’alphabet : A.

http://www.lechoixdeslibraires.com/livre-126215-le-batiment-de-pierre.htm

Opposante au régime turc, la romancière turque Asli Erdogan a été récompensée du prix Simone-de-Beauvoir 2018, mercredi 10 janvier à la Maison de l’Amérique latine de Paris. Ce prix récompense depuis onze ans, le jour de la naissance de Simone de Beauvoir, une personne et/ou une association qui défend et fait progresser la liberté des femmes.

Pour la présidente du jury Sihem Habchi, l’écrivaine turque emprisonnée suite à ses écrits, romans, essais et chroniques a été choisie pour avoir « construit une œuvre magnifique, source d’inspiration pour la résistance de la population turque, traduite dans le monde entier », a-t-elle affirmé dans un communiqué.

Un prix pour la liberté des femmes

À Asli Erdogan, militante et figure de la liberté en Turquie, « on lui doit d’avoir, pendant des années, parlé des massacres, des tortures. On lui doit de ne pas se taire. On lui doit de continuer à dénoncer les agressions faites aux femmes », a déclaré à la presse Sihem Habchi au moment de la remise du prix Simone de Beauvoir. « Connaître le nom d’Asli Erdogan est un honneur, relayer ses mots un devoir » a-t-elle poursuivi en saluant ces « femmes, intellectuelles, artistes qui se battent pour la liberté ».

Asli Erdogan est l’auteure de plusieurs livres publiés en France comme Les Oiseaux de bois et Le Bâtiment de pierre, tous deux publiés par Actes Sud dans une traduction de Jean Descat, ou encore Je t’interpelle dans la nuit, traduit par Esin Soysal Dauvergne aux éditions Meet.

L’Europe a déjà récompensé plusieurs fois son courage et son combat pour les droits de l’homme avec le prix Tucholsky en 2016, mais aussi le prix de la fondation européenne de la culture, le prix Bruno Kreisky et le prix de la paix Erich-Maria en 2017.

Asli Erdogan encourt une prison à vie en février 2018

La lauréate du prix Simone-de-Beauvoir a été arrêtée le 17 août 2016 pour « propagande » et « appartenance à une organisation terroriste », à cause de ses chroniques parues dans le journal pro-kurde Özgür Gündem, que l’on retrouve dans le recueil Le silence même n’est plus à toi publié chez Actes Sud dans une traduction de Julien Lapeyre de Cabanes. Cette incarcération est intervenue suite au règlement des comptes du coup d’État manqué de juillet 2016 contre le président turc Recep Tayyip Erdogan.

Remise en liberté sous contrôle judiciaire en décembre 2016, Asli Erdogan n’a pu recommencer à voyager qu’à partir de septembre 2017. En attente d’un jugement en février prochain, Asli Erdogan encourt une peine de prison à vie pour délit d’opinions.

À l’heure actuelle, « il y a encore environ 180 écrivains et journalistes en prison, et d’autres sont sur des listes d’attente », d’après Asli Erdogan interviewée sur RFI au mois d’octobre dernier.

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