Albéric Magnard : – Hymne à la justice Op. 14 – Bérénice

Albéric Magnard (Parigi, 9 giugno 1865Baron, 3 settembre 1914) è stato un compositore francese.

Biografia

Studiò musica al Conservatorio di Parigi, nel quale ebbe come insegnanti Jules Massenet e Théodore Dubois. Privatamente prese lezioni anche da Vincent d’Indy.

Ebbe una vita solitaria e isolata, impegnandosi totalmente alla composizione.

Durante la Prima guerra mondiale, dopo l’avvio della Grande ritirata, fu ucciso dalle truppe dell’esercito tedesco, nel tentativo di difendere la propria abitazione situata a Baron, nei pressi di Senlis.

Tra le sue composizioni, si ricordano : 4 sinfonie; una suite in stile antico; Chant funèbre, Ouverture, Hymne à la Justice; le opere teatrali Yolande, Guercoeur, Bérénice; musica da camera; liriche vocali da camera; pezzi per pianoforte.[1]

Magnard Albéric

Catalogue des œuvres

  • 1887-1890, op. 3, 6 poèmes en musique, pour voix grave et piano, (1. « A elle », sur un poème d’Albéric Magnard) ; 2. « Invocation », sur un poème d’Albéric Magnard (arrangement pour voix et orchestre) ; 3. « Le Rhin allemand », sur un poème d’Alfred de Musset  (arrangement pour voix et orchestre); 4. « Nocturne », sur un poème d’Albéric Magnard  (arrangement pour voix et orchestre) ; 5. « Ad fontem Bandusiae » sur un poème d’Horace  (arrangement pour voix et orchestre); 6. « Au poète », sur un poème de Guy Ropartz). Tous les arrangements sont perdus. [version voix et piano]
  • 1888, op. 1, 3 pièces, pour piano (Choral et fugette ; Feuille d’album ; Prélude et fugue)
  • 1888, op. 2, Suite d’orchestre dans le style ancien, en sol mineur (révisée en 1889, arrangement pour piano 4 mains) [partition d’orchestre]
  • 1888-1891, op. 5, Yolande,  drame en musique, en 1 actes, sur un livret d’Albéric Magnard, créé au théâtre de la Monnaie à Bruxelles le 27 décembre 1892, dédicacé à Augustin Savard [version piano et chant]
  • 1889 (?), En Dieu mon espérance et mon épée pour ma défense, pour piano, publié dans « Almanach de l’escrime » (1889)
  • 1890 (?), À Henriette, sur un poème d’Albéric Magnard, publié dans « Le Figaro musical » (1892)
  • 1890, op. 4, Symphonie n° 1 [partition d’orchestre, copie manuscrite]
  • 1893, op. 6, Symphonie n° 2, en mi majeur [partition d’orchestre, copie manuscrite]
  • 1893, op. 7, Promenades, pour piano (Envoi ; Bois de Boulogne ; Villebon ; Saint Cloud ; Saint Germain ; Trianon ; Rambouillet) [partition chant et piano]
  • 1894, op. 8, Quintette, en ré mineur, pour piano, flûte, hatbois, clrarinette, basson [conducteur et parties séparées]
  • 1895, op. 10, Ouverture, pour orchestre
  • 1895, op. 9, Chant funèbre, pour orchestre (2 grandes flûtes, 2 hautbois, 2 clarinettes en si b, 2 bassons, 4 core en fa, 1 trompette en fa, 3 trombones, timnbales, harps, violons, altos, violoncelles, contrebasses) [partition d’orchestre]
  • 1896, op. 11, Symphonie n° 3, en, si mineur, dédicacée à Madame Fortier-Maire  [partition d’orchestre]
  • 1897-1900, op. 12, Guercœur, tragédie en musique, en 3 actes, sur un livret d’Albéric Magnard, création en concert de l’acte 3, au Conservatoire de musique de Nancy; le 23 février 1908, de l’acte 1, aux Concerts Colonne, à Paris; le 18 décembre 1910, création intégrale à l’Opéra de Paris le 24 avril 1931 (avec les parties perdues restituées par Ropartz) [version piano / chant]
  • 1901, op. 13, Sonate pour violon, en sol majeur, dédicacé à Eugène Ysaye [conducteur et parties séparées]
  • 1902, op. 14, Hymne à la justice, pour orchestre (1 petite flûte, 2 grandes flûtes, 2 hautbois, 2 clarinettes en si b, 1 clarinette basse en si b, 2 bassons, 4 cors en fa, 3 trompettes en ut, 3 trombones, timbales chromatiques, cordes) [partition d’orchestre]
  • 1902-1903, op. 15, 4 poèmes musique,  sur des poèmes d’Albéric Magnard, dédicacé à « J. M. »  (1. « Je n’ai jamais connu les baisers d’une mère », Assez lent ; 2. « Les roses de l’amour ont fleuri sur tes joues », Doucement ; 3. « Enfant rieuse, enfant vivace », Vif ; 4. « Quand la mort viendra », Modéré) [partition chant et piano]
  • 1902-1903, op. 16, Quatuor à cordes, en mi mineur, à la mémoire de Raymond d’Abzac [conducteur] [parties séparées]
  • 1904, op. 17, Hymne à Vénus, pour orchestre
  • 1904-1905, op. 18, Trio pour piano, en fa mineur, dédicacé à Paul Poujaud [conducteur et parties séparées]
  • 1905-1909, op. 19, Bérénice, tragédie en musique, en 3 actes, sur un livret d’Albéric Magnard, créé à l’Opéra-Comique de Paris, le 15 décembre 1911 [version piano chant]
  • 1909-1910, op. 20, Sonate pour violoncelle, en la majeur [partie violoncelle et piano conducteur]
  • 1913, op. 21, Symphonie n° 4, dédicacé à « U. F. P. C.» [partition d’orchestre]
  • 1913-1914, 12 poèmes en musique, sur des poèmes d’André Chénier (1-6), et de Marceline Desbordes-Valmore (7-12) (1. « Rien n’est doux que l’amour » ; 2. « Accours, jeune Chromis » ; 3. « Des vallons de Bourgogne » ; 4. « O vierge de la chasse » ; 5. « Toujours ce souvenir m’attendrit et me touche » ; 6. « Là reposait l’amour » ; 7. « Orages de l’amour, nobles et hauts orages » ; 8. « Les cloches et les larmes » ; 9. « Le nid solitaire » ; 10. « Fierté, pardonne-moi » ; 11. « La couronne effeuillée » ; 12. « Que mon nom ne soit rien qu’une ombre douce et vaine »). Tout est perdu.

Bibliographie.

  • Bardet Bernard (1930-….), La vie et l’oeuvre d’Albéric Magnard (préface par Darius Milhaud). Bibliothèque nationale, Département de la musique, Paris 1966 [37 p.]
  • Boucher Maurice (1885-1917), Albéric Magnard. Editions de la Maison des Deux-Collines, Lyon 1919 [61 p.]

Carraud Gaston, Albéric Magnard (Conférence lue aux Concerts historiques Pasdeloup). Dans « Le Ménestrel » 14 mai 1920

  • —, La vie, l’œuvre et la mort d’Albéric Magnard. Rouart, Lerolle et Cie. Paris 1921.
  • Douche Sylvie (1966-….) (dir), Massenet et ses pairs: de Castillon à Humperdinck : correspondances inédites. Université de Paris-Sorbonne, Observatoire musical français, 2003 [67 p.]
  • Ducros Frédéric, L’œuvre vocal d’Albéric Magnard (mémoire de maîtrise). Maîtrise d’éducation musicale, Paris Sorbonne 1984.
  • Magnard Albéric (1865-1914), Correspondance, 1888-1914 (textes réunis et annotés par Claire Vlach). Publications de la Société française de musicologie,  Klincksieck, 1997 [376 p.]
  • Perret Simon-Pierre & Halbreich Harry (1932-2016), Alberic Magnard. Fayard, Paris 2001
  • Rostand Edmond (1868-1918) ; Ganche, Edouard (1880-1945) & Barrès Maurice (1862-1923) : Magnard / Le fils d’un sceptique / 1914 la mort d’Albéric Magnard. Figuière, Paris 1915
  • Schmitt Florent, Les symphonies de Magnard. Dans « Le temps »16 novembre 1929
  • Schneider Louis, La mort d’Albéric Magnard. Dans « Le temps », 21 avril 1931
  • Tadday Ulrich (1963-….) (éditeur), Albéric Magnard. « Musik-Konzepte : die Reihe über Komponisten », Ed. Text + Kritik, München 2014.
  • Vlach-Magnard Claire & Ducros Frédéric, Albéric Magnard. Zodiaque, La-Pierre-qui-Vire 1986 [48 p.]
  • Dans le site Musica et memoria
    http://www.musimem.com/magnard.htm

« Albéric Magnard », Conférence lue le 25 mars 1920, aux Concerts Historiques Pasdeloup

Par Gaston Carraud

Albéric Magnard était le fils unique d’un journaliste illustre, Francis Magnard, qui fut le successeur de Villemessant à la tête du Figaro, et l’honneur de la presse par sa droiture, son esprit et son talent d’écrivain.

Les ennemis du père pensaient le froisser beaucoup en l’accusant d’être Belge, et cette plaisanterie se reproduisit à l’égard du fils, avec la dernière absurdité. Il est vrai que Francis Magnard était né à Bruxelles, mais de parents français; et de fort bonne heure il vint à Paris. En 1856 — il avait dix-neuf an s— il entra, à 700 francs par an, dans un bureau des Contributions Directes du quartier de la Roquette.

Quant à notre musicien, il est né à Paris, lui, le 9 juin 1865 ; plus qu’à Paris, à Montmartre, rue du Chevalier de la Barre, qui portait alors le nom, trop célèbre depuis la Commune, de rue des Rosiers. Sa mère, Emélie Bauduer, était fille de petits commerçants de fleurs artificielles du quartier du Temple.

Il fit son volontariat à Blois, au 31e de ligne, en 1883, avec le prince Louis-Napoléon ; sortit sergent avec le numéro un ; fut ensuite officier de réserve : ce sont des choses qui arrivent rarement à des étrangers, fussent-ils pour nous, comme les Belges, des frères.

La vie d’Albéric Magnard fut toute de travail, repliée sur elle-même, et sans événements. Son père étant devenui l’une des puissances de Paris, cette vie, très vite, s’entoura des facilités et de l’éclat de la fortune ; mais il faut retenir qu’elle avait eu des commencements presque humbles. Il faut retenir aussi qu’Albéric Magnard n’avait pas quatre ans quand il perdit sa mère, et d’une façon tragique.

Sa triste enfance, puis cette subite ascenssion sociale expliquent ce que son caractère conserva toujours de concentré, d’ombrageux et d’abrupt, aors que sa véritable nature était foncièrement bonne, affectueuse, tendre même, tout enthousiasme, et gaie avec une verdeur rabelaisienne. Une sincérité intransigeante et la simplicité rude qu’il gardait de ses origines, disaient vivre un peu en paysan du Danube dans un milieu brillant : tout ce que Paris comptait alors de plus intelligent, de plus artiste et de Plus élégant.

Un esprit comme le sien put en jouir et en tirer grand profit ; mais son père lui-même, « sceptique, disait un de ses contemporains, par excès de probité », et, comme Chamfort, misanthrope par amour et surestime des hommes, lui apprenait à juger, c’est-à-dire à mépriser cette société, aussi mêlée qu’intéressante. L’âme d’Albéric Magnard ressemblait plus que d’apparence à celle de son père, pour qui il avait une admiration sans bornes ; mais leurs tempéraments s’opposaient, se heurtaient même quelquefois. Ce que Francis Magnard méprisait en souriant, Albéric le détestait avec fureur.

Sa véritable vie gardait de ses premières années l’habitude profondément solitaire. Il en fermait le dernier retrait jusqu’à ses intimes amis, comme par une pudeur qui cachait ses émotions les plus délicates sous de grosses plaisanteries ou des foucades brutales. Il les aimait pourtant, ces amis sévèrement choisis, avec fidélité et avec sollicitude. Peu après la mort de son père, il se maria, et ce ne fut qu’une solitude élargie par les plus douces affections. Son dédain du monde le conduisit même, en 1904, à quitter Paris pour s’établir à la campagne. Le jour qu’il découvrit, au village de Baron, dans l’Oise, entre Senlis et Nanteuil-le-Haudouin, un logis ancien qui lui plut, il fit, vous le savez, le fatal premier pas au-devant de sa mort.

Ce logis, le Manoir des Fontaines, dominait un parc coupé d’eaux vives, dévalant en terrasses jusqu’à un étang, en face de la forêt d’Ermenonville, chère à Jean-Jacques. « Il y a ici de l’eau, écrivait Magnard, des arbres, de l’air et de l’espace, et la vue de ma femme et de mes enfants dans la verdure me repose du panmuflisme. »

Il trouvait à Baron les paysages harmonieux et la fine atmosphère qui avaient sa préférence. Grand voyageur autrefois, il avait parcouru l’Italie, la Corse, l’Allemagne, la Belgique et la Hollande, l’Orient, fréquenté la montagne et la mer. Extrêmement sensible à la nature, ses grands spectacles le dominaient jusqu’à l’anéantissement. En leur présence, il ne pouvait travailler.

L’Ile-de-France, la Bourgogne proche l’émouvaient avec plus d’efficace, par leurs aspects modérés, pleins de goût et, si l’on peut dire, d’expression. Il les sentait d’accord avec notre art du xviiie siècle, notre littérature du xvne, que son jugement intact de vrai Français mettait au-dessus de tout.

Sa maison, de bon style mais de dehors presque modestes — un étage, avec de hauts toits de tuiles — et tournant le dos à la route, était, à son image, pleine de merveilles intérieures, collectionnées en partie par son père, en partie par lui-même : tableaux dignes de musées, depuis Boucher et Pater jusqu’à Dupré, à Ricard et à Courbet; tapisseries; vieux meubles chargés de faïences et d’argenteries de l’époque; et une admirable bibliothèque.

Le goût d’Albéric Magnard en toute chose était très affiné. Il fréquentait les musées et les expositions plus encore peut-être que les concerts, Usait autant de vers ou de prose que de musique. Il n’est sans doute pas de musicien qui ait eu l’œil aussi sensible et aussi cultivé, en même temps que l’esprit aussi diversement, aussi substantiellement meublé. Cependant il n’en est pas que sa ferme raison ait mieux gardé des chimères synesthétiques. Jamais sa doctrine ni sa pratique n’ont vacillé sur ce point : la musique, pour lui, est d’abord musique, et ensuite encore musique, et rien que musique. « Lisez du Pascal ou du Diderot, conseille-t-il à un jeune confrère, du Bonnet ou du Spencer ; contemplez des Rembrandt ou des Rubens ; admirez le ciel et les étoiles ; mais, pour Dieu ! quand un rythme ou un chant vous vient, ne pensez à rien d’autre qu’à écrire quelque chose de beau. ».

Aussi connaisseur en peinture, en bibelots, que bon philosophe — et philosophe d’une extrême liberté de pensée — il produit pourtant avec la simplicité d’âme, la patience laborieuse, l’attention technique de l’ouvrier consciencieux. Il fait « de son mieux » ; il fait « son possible » : ce sont des mots qui reviennent souvent dans sa correspondance. Je travaille, écrit-il un jour à Paul Dukas, « comme un cordonnier à qui la reine aurait commandé une paire de pantoufles, et ne pense qu’à faire de la belle ouvrage ».

Et jamais il n’en est satisfait. Il ne pense, en terminant une oeuvre, qu’à en commencer incontinent une autre, avec le profit de l’expérience qu’il vient d’accroître. Tandis que sa curiosité et son goût universels le font si bien un homme de son temps, il reste enfermé dans la spécialité de son art comme les vieux maîtres. C’est par où il a une personnalité si à part, et tant de gens se sont trouvés empêchés de le comprendre.

Ils ne l’ont pas compris, d’abord, parce qu’ils ne l’ont pas connu. Ce ne fut qu’en ses dernières années que quelques-uns de ses ouvrages commencèrent à paraître, de loin, de bien loin en loin, sur les affiches des concerts ou des théâtres de Paris. Il n’avait jamais rien fait pour qu’ils y parussent plus tôt ni plus souvent. Bien des complaisances s’étaient offertes, comme il disait, « au fils du Figaro », tant que Francis Magnard vécut. Elles l’écoeurèrent au point de le déterminer à jamais, plutôt que de faire la moindre, la plus légitime démarche pour amener ses oeuvres au jour, à attendre que les directeurs vinssent les lui demander. Vous savez qu’en pareil cas on attend longtemps !

Une fois seulement, en 1899, il donna dans la salle, aujourd’hui, du Théâtre-Réjane, et dirigea lui-même, à l’imitation de Berlioz, un concert de ses oeuvres — sans d’ailleurs s’inquiéter autant que Berlioz de la publicité nécessaire. Ce fut pourtant, sur le moment, un triomphe, et le point de départ de sa véritable renommée dans le cercle restreint des artistes ; mais un triomphe sans écho, sans lendemain, sur lequel retomba le silence voulu qui guette les grandes choses. Il fallut cinq ans aux Concerts-Lamoureux pour se décider à reprendre, dans la même salle, la 3e Symphonie.

Magnard voulut aussi, après ses oeuvres de jeunesse, se faire son propre éditeur, et longtemps sans même déposer ses partitions chez quelque marchand de musique. On ne les trouvait que chez l’auteur, qui ne recevait pas toujours le client avec patience. On comprend qu’en ces conditions elles ne se soient guère répandues que chez les amis à qui il les donnait.

Et l’effet le plus déplorable de sa détermination fut encore que toutes les planches gravées, tous les exemplaires entassés chez lui furent détruits par l’incendie allemand, avec son corps, et un dernier manuscrit qu’il venait d’achever. La diffusion de sa musique en a été de nouveau empêchée, dans l’instant qui pouvait lui être le plus favorable. Il a fallu regraver, réimprimer le tout; et vous imaginez ce que cela représente, en un temps comme celui-ci, de peines, de retards, de dépenses, quel dévouement de la part d’un éditeur !

Cet oeuvre est en effet considérable, pour les vingt-sept années environ qu’il a été donné à Magnard de produire : considérable surtout parce qu’on n’y voit pas une page inutile, tant il savait mûrir chacune de ses compositions. Elles n’ont pas toutes l’aspect monumental qu’on leur prête : vous y trouverez de petites pièces d’une intimité charmante, comme les Promenades, pour piano et les poèmes chantés : de ceux-ci, pour la plupart, il a écrit — Magnard était remarquable écrivain — lui-même les paroles, comme celles de ses trois a tragédies en musique : Yolande, qui fut représentée en 1892 à Bruxelles (cela s’est vu pour d’autres de nos compositeurs, qui n’étaient pas des Belges) ; Guercœur, qu’il dédia à la mémoire de son père : conception d’une originalité et d’une vie saisissantes, qui paraîtrait aujourd’hui d’actualité par sa haute philosophie humaine. Bérénice, enfin, sa fille préférée, l’émouvante et pure Bérénice, dont le succès à l’Opéra-Comique, s’éteignit subitement, comme celui du concert de 1899.

Sa musique de chambre comprend un quintette pour instruments à vent, un quatuor à cordes, un trio, deux sonates, l’une pour violon, l’autre pour violoncelle. Sa musique d’orchestre, une Suite dans le style ancien, une Ouverture, quatre symphonies ; puis trois poèmes symphoniques : le Chant funèbre, l’ Hymne à la Justice, et l ‘Hymne à Vénus, qui sont d’une sorte particulière.

Des poèmes symphoniques sans « programme », construits rigoureusement comme de la musique pure ; des poèmes tracés, non sur un schème narratif ou descriptif, mais par les idées musicales elles-mêmes, et des idées d’une expression si précise, si intense, qu’on a à peine besoin du titre pour saisir le sens du poème. Vous l’allez éprouver dans l’ Hymne à la Justice, achevé en 1902, l’une des plus belles compositions d’Albéric Magnard et peut-être la plus typique : le titre pourrait s’appliquer et à l’ensemble de son oeuvre, et à sa vie, et à sa mort.!

Vous y remarquerez la juxtaposition instantanée, plutôt que la lutte, d’un élément de sérénité idéale, infiniment pur et tendre, et qui grandit jusqu’à l’pothéose, avec les éléments de la réalité. Ces contrastes subits souvent même heurtés, sont une caractéristiques de Magnard : il n’y a pour ainsi dire pas une de ses oeuvres dont ils ne fassent le fond.

Dans L’ Hymne à la Justice, les éléments réels, c’est l’oppression sauvage, le cri de la souffrance qui se débat sous l’injustice ; ailleurs, ce sera, à côté de la douleur, la joie, le mouvement, l’action, principe favori de cette nature toute de sentiment, mais pétrie d’intelligence et de volonté. Et l’élément idéal aura, lui aussi, sa forme terrestre : l’amour ; pour Magnard, la justice du cœur.

Il est entendu que Magnard est le musicien « hautain »,  le musicien « abstrait », pour tout dire : ennuyeux. En réalité, son art est tout émotion, expression, et clarté. Après le grandiose Hymne à la Justice, vous écouterez les « Danses » et le « Chant varié » de la 2e symphonie, qui n’ont été composés que cinq ou six ans plus tôt; vous verrez s’il est rien de plus joyeusement ou de plus délicatement humain, rien où il apparaisse mieux que le rhythme et la mélodie sont les deux éléments.premiers de la musique. Ce sont particulièrement ceux :de la musique de Magnard. Aucun de ses conternporains n’a trouvé des idées, des « phrases » aussi longues et aussi chantantes ; aucun n’a su interpréter avec plus de franchise, de de grâce et d’esprit le geste de la danse populaire. Le scherzo de Magnard ! c’est quelque chose de spécial dans la musique.

Vous sentirez aussi que ces deux morceaux ont été écrits la fenêtre ouverte. Magnard n’est pas un homme de cabinet ; grand escrimeur, grand marcheur, il exerce continuellement son corps autant que son esprit, et la musique garde de l’homme son allure nerveuse, drue et brusque, comme son ton de véracité péremptoire. Parce qu’il était d’un caractère extraordinairement indépendant, on a prétendu l’affubler du nom ridicule d’autodidacte. Rien de plus faux, dans le fait comme dans l’esprit. Après avoir pris des leçons d’un pianiste qui eut son heure de réputation, Delioux de Savignac, Magnard commença relativement tard des études musicales plus sérieuses, son père l’ayant contraint de pousser jusqu’à la licence en droit; mais il étudia deux ans au Conservatoire, dans la classe d’harmonie de M.Théodore Dubois; il en sortit, en 1888, avec un premier prix exceptionnellement brillant; il passa en même temps, pour le contrepoint, dans la classe de Massenet.

Il travailla ensuite, quatre années, avec M. d’Indy. Il garda toute sa vie pour maîtres Bach, Schumann, Gluck, Beethoven surtout, dont il est resté pénétré comme aucun autre musicien, peut-être, ne le fut jamais. Sa nature et son éducation l’avaient fait profondément traditionaliste, fortement attaché aux formes classiques, mais ardent à les renouveler par l’idée, source de tout son art. Il a paru réactionnaire, parce qu’il ne s’est jamais mis à la mode de son époque, qui allait toute à l’impressionnisme. Celui-ci inquiétait de trois côtés un esprit si nettement français : par le mépris des grandes proportions et des grandes émotions, par l’affaiblissement du sentiment tonal et par le goût des épices del’Orient. Mais, par un singulier retour des choses, Magnard, avec son style linéaire, âpre et comme dépouillé, se retrouvera plus près, peut-être, de la jeune école qui réagit contre le debussysme, quand elle aura déposé quelque chose de sa turbulence un peu puérile.

Albéric Magnard n’avait pas besoin de mourir héroïquement pour être un grand musicien. Sa mort ne change rien à la valeur esthétique de son oeuvre ; mais elle en fait éclater la valeur morale, et c’est tout un. Ceux qui admiraient déjà son oeuvre étaient tout prêts, un moment à trouver qu’on parlait trop de sa mort. Peut-etre n’en parle-t-on plus assez… sans parler davantage de sa musique. L’Opéra ne faisait bruit, il y a un an, que de représenter Guercoeur en grand gala, pour les fêtes de la Victoire. Les fêtes de la Victoire sont passées. Et le temps fort laid de l’ingratitude est arrivé ; les hommes dans le métro, ne donnent plus leur place aux mutilés, les victimes de la guerre sont devenues une chage pour ceux qui n’ont pas assez souffert ; individus, départements, ou nations.

Les détails de la mort d’Albéric Magnard ne seront jamais exactement connus. Bien qu’il eût passé l’âge, il avait réclamé, dès la déclaration de guerre, son grade d’officier, ayant donné sa démission il y avait quinze ans. On accueillait alors sans empressement ces excès de zèle. Les formalités s’allongèrent, si rebutantes, que Magnard dut surpris a Baron Par la ruée du Barbare. Il eut à peine temps de faire fuir sa famille et resta resta enfermé, évitant toute provocation. Le 3 septembre au matin, une centaine de uhlans, à qui sans doute on avait dénoncé les richesses du manoir, envahirent le parc. Ils y avaient trouvé et ligoté à un vieux tilleul, devant la maison, le beau-fils du musicien, tout jeune homme qu’une santé frêle avait fait réformer. Ils heurtaient la porte avec des sommations violentes. Le fusil de l’un d’eux, accident ou intention, partit. A travers une persienne du premier étage, deux coups de feu répondirent. Deux uhlans tombèrent, l’un mort, l’autre blessé. Avec cette précipitation qu’excitait leur peur éternelle et grotesque du « franc-tireur », les Allemands envoyèrent plusieurs salves dans les fenêtres ; puis, amenèrent une voiture de paille et mirent le feu avec des grenades. Pendant que la maison brûlait d’un côté, elle était pillée de l’autre. Un chariot pris sous un hangar voisin fut bientôt rempli et prit le chemin du Vaterland, couvert, naturellement, d’une bâche de la Croix-Rouge.

Magnard ne s’était point caché du dessein de défendre sa demeure contre quiconque tenterait de la violer. Il avait dit en montrant son revolver, son ancien revolver d’ordonnance : « Cinq balles pour eux, la dernière pour moi. » C’était un homme qui avait coutume de faire comme il avait dit, et l’on crut d’abord que les choses s’étaient ainsi passées. Mais les constatations qu’on a pu faire depuis ; la position dans laquelle sa veuve et sa fille aînée, triant, pelletée par pelletée, les cendres de leur maison, retrouvèrent quelques ossements et les objets de métal que Magnard portait sur lui ; surtout l’expertise du revolver, dont le bois seul était calciné, semblent prouver que Magnard a bien été frappé par les balles allemandes, tandis qu’il tirait encore sur ses assaillants.

D’ailleurs, il n’importe. Ce qui importe, c’est le geste qui a précédé cette mort, et dont Magnard savait qu’il ne pouvait pas ne pas mourir. Il ne faut pas en donner des interprétations qui démentiraient les idées de toute sa vie : de grands poètes, là-dessus, ont rimé de grandes sottises. Albéric Magnard a tiré sur des voleurs qui forçaient sa porte : voilà tout. Il ne lui avait pas été permis de défendre son pays ; mais la défense de son foyer, de son bien, cela lui appartenait; et cela, pour lui, se confondait avec son pays. L’idée de patrie et l’idée de justice prenaient dans ce cerveau cultivé, mais absolu, et cette sensibilité affinée, la même force d’instinct que chez un homme du peuple. C’est pour ces idées-là que Magnard est mort. Geste inutile, et il le savait bien; geste illégal, il le savait aussi, et dangereux pour son piètre voisinage ; mais geste dicté par des lois supérieures aux codes : l’un de ces gestes qui résument en un éclair la décision d’une nation. Le lendemain de ce geste-là, ce fut la bataille de la Marne.

Gaston Carraud

Albéric Magnard (1865-1914) – Musicologie.org



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