Edmond Jabès : MARGRAS Fanny pdf ,pierresel.typepad.fr, doppiozero

Etude comparée de Le Livre de l’Hospitalité, d’Edmond Jabès … – Limag

E se il muro fosse un foglio bianco? Muro di sostegno.

Scendiamo i gradini di una scala su cui poco prima, e non senza sforzo, ci eravamo inerpicati.

E se scrivere fosse questa discesa ancora impregnata, per noi, del ricordo della lenta salita che l’ha preceduta?

All’interno dell’edificio, non possiamo oltrepassare l’ultimo piano.

Una pagina di scrittura ha i suoi pianerottoli. I suoi margini sono all’esterno. Non sapremo riempire di parole il vuoto.

La mia dimora è distrutta; il mio libro, in cenere.

In queste ceneri, io traccio linee.

In queste linee, metto parole d’esilio.

Il muro è il silenzio più duro.

Negare il nulla.

da Il percorso – traduzione di Valerio Magrelli

Edmond Jabès, ou comment dire l’ineffable

« Écrire, c’est écouter le silence ».

Le moment est venu de lire, ou de relire, l’œuvre de cet auteur méconnu qu’est Edmond Jabès, écrivain de l’ineffable, poète de l’altérité, à l’occasion de l’exposition Edmond Jabès – L’exil en partage, que la BNF, site François Mitterrand, lui consacre du 2 mai au 17 juin 2012, pour célébrer le centenaire de sa naissance. Il est l’auteur d’« une grande œuvre, dont je ne vois pas d’égal en notre temps », disait de lui René Char, en 1972.

Chanson de l’étranger

Je suis à la recherche
d’un homme que je ne connais pas,
qui jamais ne fut tant moi-même
que depuis que je le cherche.
A-t-il mes yeux, mes mains
et toutes ces pensées pareilles
aux épaves de ce temps ?
Saison des mille naufrages,
la mer cesse d’être la mer
devenue l’eau glacée des tombes.
Mais, plus loin, qui sait plus loin ?
Une fillette chante à reculons
et règne la nuit sur les arbres,
bergère au milieu des moutons.
Arrachez la soif au grain de sel
qu’aucune boisson ne désaltère.
Avec les pierres, un monde se ronge
d’être, comme moi, de nulle part.

In Je bâtis ma demeure (1943-1957), repris dans Le Seuil Le Sable, poésies complètes (1943-1988), © Poésie/Gallimard, 1990, p.46

Né au Caire, en 1912, dans une famille juive francophone, de nationalité italienne, Edmond Jabès a 12 ans, lorsque sa sœur aînée meurt devant lui, emportée par la tuberculose, en lui disant : « On n’échappe pas à sa destinée ». Il en gardera une blessure irréversible. Il fait ses études au lycée français du Caire, découvre la poésie à 13 ans, connaît par cœur Baudelaire, Rimbaud, Mallarmé et écrit ses premiers poèmes. Après le bac, il s’inscrit à la Sorbonne pour préparer une licence de lettres, mais l’académisme des cours le décourage aussitôt.

Avec Henri, son frère aîné, il anime une revue littéraire franco-égyptienne, L’Anthologie mensuelle. Ses poèmes, qu’il publie régulièrement, sont remarqués, dès 1931, par Max Jacob, avec lequel il correspond de longues années. Sous la pression familiale, il accepte un emploi d’agent de change chez son oncle. En 1935, il se marie avec Arlette Cohen. À l’occasion de leur voyage de noces en France, il rencontre Max Jacob, faisant de lui son guide. Un guide exigeant, dont il n’oubliera pas les leçons ; qui l’invite à se défier des modes, pour apprendre à être soi-même, c’est-à-dire différent. Après la disparition de Max Jacob, en 1944, il publie Préface aux lettres de Max Jacob à Edmond Jabès, à Alexandrie, en 1945.

Il noue des relations d’amitié intellectuelle avec Jean Grenier et Gabriel Bounoure, et avec des écrivains comme Philippe Soupault, Henri Michaux, Roger Caillois, lors de leur passage au Caire. Il est aussi l’ami d’Andrée Chedid, sa compatriote, et de René Char, à qui il dédie son recueil L’écorce du monde (1953-1954), dont voici l’extrait d’un poème :

Je vous écris d’un pays pesant

…Je vous écris avec la chair des mots accourus, haletants et rouges.
C’est bien vous qu’ils entourent. Je suis tous les mots qui m’habitent et chacun d’eux vous
magnifient avec ma voix.
J’ai besoin de vous pour aimer, pour être aimé des mots qui m’élisent.
J’ai besoin de souffrir de vos griffes afin de survivre aux blessures du poème.
Flèche et cible, alternativement. J’ai besoin d’être à votre merci pour me libérer de moi-même.
Les mots m’ont appris à me méfier des objets qu’ils incarnent.
Le visage est le refuge des yeux pourchassés. J’aspire à devenir aveugle.

Aussi belle que la main de l’aimée
sur le sourire de l’enfant.
Aussi transparente (…)

Ibid p. 204

Déjà marqué tout jeune par la mort de sa sœur, la découverte d’Auschwitz et de l’horreur des camps le bouleverse profondément, comme un impensable néant, dont toute son œuvre gardera la trace, ainsi que le montre cet extrait, tiré du Retour au livre (1965), dans Le Livre des questions, vol.3 :

…T’en souviens-tu, Sarah ?
La mort s’est abattue sur toi et sur les hommes.
Plus pressée que d’habitude. Cette mort-là n’est pas celle que nos sages
nous ont appris à respecter et à aimer.
Mort engendrée par la haine.
T’en souviens-tu, Sarah ?
En ce temps-là – temps de misère et de guerre – des millions d’hommes étaient partis
en croisade contre le nez, la bouche ; contre le front et l’âme d’une fraction de leurs
semblables dont les poitrines se rétrécissaient, dont les paumes avaient glissé le long
des hanches.
Sarah, t’en souviens-tu ?
En ce temps-là – ceci se passait à l’intérieur de la parole donnée, glorifiée, répandue –
l’adolescent avait vu père et mère pris au piège, devenir le centre foisonnant d’une rafle,
le fardeau d’une rose humiliée et disparaître avec son parfum…
En ce temps-là, en ce temps-là – Sarah, t’en souviens-tu ? –
le crachat du conquérant, dans la nuit, rivalisait d’éclat avec l’étoile étirée
et le monde voguait sans mât (…)

In Edmond Jabès, par Didier Cahen, coll. Poètes d’aujourd’hui, © Seghers, 2007, p. 138

Après la crise du canal de Suez, il se voit contraint de quitter le Caire et choisit de s’exiler à Paris, en 1957, après 44 ans passés en Égypte, son pays natal, qu’il a profondément aimé, mais qu’il ne reverra plus. À Paris, sans argent, sans emploi, sans nationalité, il fait l’expérience de l’anonymat. Il découvre également sa judaïté : « Du jour au lendemain, écrit-il, je n’étais plus Edmond Jabès écrivain de langue française ; j’étais Edmond Jabès écrivain juif ». Une étiquette qu’il s’empresse de récuser.

En 1959, il publie Je bâtis ma demeure, poèmes et aphorismes (1943-1957), son seul livre de poésie, dira-t-il. Et de fait, l’expérience de l’exil et du déracinement va modifier son rapport à l’écriture, et faire resurgir dans son imaginaire sa culture orientale. Son œuvre s’enracine sur une méditation personnelle centrée sur l’exil, l’identité juive et le silence de Dieu, qui devient la source de tous les questionnements.

Comme l’explique Didier Cahen, qui présente remarquablement son œuvre dans la collection Seghers (p.103) : « Jabès a souvent précisé que chaque livre s’écrivait dans les marges du précédent, venant combler un vide pour mieux ouvrir d’autres béances ». Et ajoute Antonio Prete, dans sa postface à L’Enfer de Dante (Fata Morgana, 1991, p.45) : « L’écriture de Jabès est une écriture en marge. En marge du Livre – de ses silences, de ses vides, aux frontières parfois de l’indicible et de l’impossible – et en marge des livres : le lecteur se fait alors interprète, son écoute devenant une interrogation, la respiration du texte une méditation continue, le rythme de l’écriture ce rêve d’une unité entre le livre et la vie ».

L’exil a fait de lui un poète de la non-appartenance, de l’errance et du vide, dont les seuls lieux véritables sont le livre, le désert et une Égypte perdue, devenue mythique. Son parcours actualise une sortie d’Égypte, une traversée du désert, autant de références bibliques, qu’il reprend à son compte, comme dans Le Soupçon le Désert (1978), dont voici un extrait :

L’expérience du désert a été, pour moi, dominante. Entre ciel et sable, entre le Tout et le Rien,
la question est brûlante. Elle brûle et ne se consume pas. Elle brûle pour elle-même, dans le
vide. L’expérience du désert, c’est aussi l’écoute, l’extrême écoute (…)
J’ai, comme le nomade son désert, essayé de circonscrire le territoire de blancheur de la page ;
d’en faire mon véritable lieu ; comme, de son côté, le Juif qui, depuis des millénaires, du désert de son livre, a fait le sien ; un désert où la parole, profane ou sacrée, humaine ou divine a rencontré le silence pour se faire vocable ; c’est-à-dire parole silencieuse de Dieu et ultime parole de l’homme.
Le désert est bien plus qu’une pratique du silence et de l’écoute. Il est une ouverture éternelle. L’ouverture de toute écriture, celle que l’écrivain a, pour fonction, de préserver.
Ouverture de toute ouverture.

Ibid p.169

Pour Jabès, ce qui est tu, dans ses livres, est plus important que ce qui est dit. Et ce qui est dit n’est jamais qu’un prolongement de ce qui est tu. Le désert, du sable à l’infini, est ce rien sur lequel il édifie ses livres. Car ce qui compte, c’est d’abord le manque, l’inaccompli, la rupture, l’incertitude, le doute. Pour lui, toute réponse est insuffisante. C’est la question qui importe, et qui remet constamment tout en question. La question primordiale étant de savoir comment parler de ce qui ne peut être dit. Et à partir de là va s’écrire Le Livre des questions, aux sept volumes, comme les sept jours de la création, ou les sept sceaux qu’il faut briser, avant de pouvoir ouvrir le livre.

Être dans le livre. Figurer dans le livre des questions, en faire partie ; porter la responsabilité
d’un mot ou d’une phrase, d’une strophe ou d’un chapitre.
Pouvoir déclarer : «  Je suis dans le livre. Le livre est mon univers, mon pays, mon toit et mon
énigme. Le livre est ma respiration et mon repos. »
Je me lève avec la page que l’on tourne, je me couche avec la page que l’on couche. Pouvoir
répondre : «  Je suis de la race des mots avec lesquels on bâtit les demeures »…
Le monde existe parce que le livre existe.

Ibid p.117

Comme son ami René Char, Edmond Jabès a volontiers recours aux aphorismes. En voici quelques-uns, à titre d’exemple :

À l’étranger, ne demande point son lieu de naissance, mais son lieu d’avenir.

Dans chaque pupille, il y a le rêve d’une première aurore
.
Lorsque les hommes seront d’accord sur le sens de chaque mot, la poésie n’aura plus
sa raison d’être.

Il faut apprendre à écrire avec des mots gorgés de silence.

La poésie ne change pas la vie, elle l’échange.

Ne demande pas ton chemin à qui le connaît, mais à celui qui, comme toi, le cherche.

Que signifie être chez soi, sinon peindre aux couleurs de nos fausses richesses les murs
plâtrés de nos clôtures.

Aux lisières du soir, nul ne demande plus à l’ombre d’où elle vient ni qui elle est.

Dès les années 60 et 70, la communauté intellectuelle française, avec notamment Michel Leiris, Jacques Dupin, Yves Bonnefoy, Emmanuel Levinas, Maurice Blanchot, Jacques Derrida, a reconnu chez Jabès une œuvre singulière, inclassable et de tout premier plan, qui aborde des thèmes aussi importants que l’écoute, le dialogue, l’identité, l’altérité, la tolérance et l’ouverture…

Il obtient la nationalité française en 1967, dix ans après son arrivée à Paris. En 1970, le Prix des Critiques lui est décerné. En 1987, il reçoit le Grand Prix National de Poésie. Il meurt en 1991. Il aura été un représentant majeur d’une génération juive, prise entre désarroi et révolte. Un grand écrivain.

Nomade ou marin, toujours, entre l’étranger et l’étranger, il y a – mer ou désert – un espace délinéé par le vertige auquel l’un et l’autre succombent.
Voyage dans le voyage.
Errance dans l’errance.
L’homme est, d’abord, dans l’homme, comme le noyau dans le fruit, ou le grain de sel dans
l’océan.
Et, pourtant, il est le fruit. Et, pourtant, il est la mer.

In Un étranger avec, sous le bras, un livre de petit format, © Gallimard, 1989, p.18

****

Je suis un silencieux. Je me demande, grâce au recul que je prends, maintenant, avec ma vie,
si ce goût prononcé pour le silence n’a pas son origine dans la difficulté qui, de tout temps,
fut la mienne, de me sentir d’un quelconque lieu.
Avant de connaître le désert, je savais qu’il était mon univers. Seul le sable peut accompagner
une parole muette jusqu’à l’horizon.
Écrire sur le sable, à l’écoute d’une voix d’outre-temps, les limites abolies. Voix violente du vent ou, immobile, de l’air, cette voix vous tient tête. Ce qu’elle annonce est ce qui vous agresse ou écrase. Parole des abyssales profondeurs dont vous n’êtes que l’inintelligible bruit ; la sonore ou l’inaudible présence.
S’il fallait une image au Rien, le sable nous la fournirait.
Poussière de nos liens. Désert de nos destins.

Ibid p. 32 et 33

****

J’ai quitté une terre qui n’était pas la mienne,
pour une autre, qui non plus, ne l’est pas.
Je me suis réfugié dans un vocable d’encre, ayant le livre pour espace,
parole de nulle part, étant celle obscure du désert.
Je ne me suis pas couvert la nuit.
Je ne me suis point protégé du soleil.
J’ai marché nu.
D’où je venais n’avait plus de sens.
Où j’allais n’inquiétait personne.
Du vent, vous dis-je, du vent.
Et un peu de sable dans le vent.

Ibid p. 107

****

Il avait – lui semblait-il – mille choses à dire
à ces mots qui ne disaient rien ;
qui attendaient, alignés ;
à ces mots clandestins,
sans passé ni destin.
Et cela le troublait infiniment ;
au point de n’avoir, lui-même, plus rien à dire,
déjà, déjà.

In L’appel (1985-1988), dans Le Seuil le Sable, Poésie-Gallimard, 1990, p. 396

Bibliographie sélective

  • Préface aux lettres de Max Jacob à Edmond Jabès, © Alexandrie, coll. « Valeurs », 1945
  • Je bâtis ma demeure, poèmes 1943-1957, préface de Gabriel Bounoure, © Gallimard, 1959. Nouvelle édition avec textes inédits, Poésies complètes, préface de Gabriel Bounoure, postface de Joseph Guglielmi, © Gallimard, 1975
  • Le Livre des questions, en 7 volumes, © Gallimard, 1963 à 1973
  • Le Livre des ressemblances, en 3 volumes, © Gallimard, 1976 à 1980
  • Le Livre des limites, en 4 volumes, © Gallimard, 1982 à 1987
  • Un Étranger avec, sous le bras, un livre de petit format, © Gallimard, 1989
  • Le Livre de l’hospitalité, © Gallimard, 1991
  • Du désert au livre – Entretiens avec Marcel Cohen, © Belfond, 1981. Rééd. augmentée 1991. puis © Opales, Bordeaux, 2001
  • Le Seuil le Sable, Poésies complètes, 1943-1988, © Poésie-Gallimard, 1990
  • L’Enfer de Dante, postface de Antonio Prete, © Fata Morgana, 1991

Sur l’auteur

  • Edmond Jabès aujourd’hui, par Emmanuel Levinas, © Fata Morgana, 1976
  • La ressemblance impossible, Edmond Jabès, par Joseph Guglielmi, © Messidor, 1977
  • Edmond Jabès, La demeure et le livre, par Gabriel Bounoure, © Fata Morgana, 1985
  • Edmond Jabès, un film de Michelle Porte, DVD 52 min, © La Sept, FR3, 1989
  • Edmond Jabès, par Didier Cahen, © Belfond, 1991
  • Edmond Jabès, par Didier Cahen, coll. Poètes d’aujourd’hui, © Seghers, 2007

Internet

http://pierresel.typepad.fr/la-pierre-et-le-sel/2012/05/edmond-jab%C3%A8s-ou-comment-dire-lineffable.html

Edmond Jabès. La parola ferita

“Non si racconta Auschwitz. Ogni parola lo racconta”. Così Edmond Jabès replica alla domanda se sia possibile scrivere poesia dopo Auschwitz. La frase compendia bene il cammino dello stesso Jabès, nella cui scrittura la parola ferita, la parola segnata dal tragico del Novecento, è insieme parola del dolore e della responsabilità, del deserto e del cielo che lo sovrasta, del vuoto e delle immagini che lo abitano, dei silenzi e delle voci che li attraversano e interrogano.

A ventisei anni dalla sua morte, Edmond Jabès è uno scrittore fortemente contemporaneo. Per il fatto che la sua opera si situa, ancora, nel cuore delle domande proprie della nostra epoca. Parole come straniero, dialogo, condivisione, ospitalità, nei libri di Jabès si aprono in un ventaglio di interrogazioni, si fanno pensiero e racconto, lingua della poesia e compito morale, rappresentazione meditativa e invito alla responsabilità del singolo.

Questa contemporaneità di Jabès, nel mio caso, che è il caso di un traduttore e amico, ha anche un’altra configurazione: è presenza di un’immagine – con la sua voce, con il suo sguardo, con le sue tonalità leggere nel raccontare, con il suo sorriso – un’immagine che il passare degli anni non ha reso opaca né affievolito. Quando rileggo Jabès, nel bianco che s’accampa tra pensiero e pensiero, nei silenzi che costellano sulla pagina il dialogare di maestri e discepoli, di rabbini, di esiliati, di poeti, nell’abbaglio di un’immagine, nel ritmo di una saggezza che è insieme sovversiva e fraterna, rivedo quella fisica presenza, risento quei timbri. Una singolare corrispondenza, del resto, correva tra la scrittura e la persona: una profondità del pensiero che si affidava a un conversare affabile e discreto, una percezione acuta del dolore che è nel mondo accompagnata da una forte fiducia nelle virtù immaginative e inventive del singolo. Da qui una pratica dell’amicizia nutrita di dialogo, di condivise curiosità intellettuali, di confronti su grandi questioni che riguardavano le tradizioni culturali dell’Occidente, la poesia e i suoi classici, i saperi e le loro riformulazioni, oppure la condizione sociale di certi popoli, i conflitti tra stati e popolazioni (Jabès era molto severo sulla politica israeliana nei confronti dei palestinesi).

Il libro dei margini, due tempi di un’assidua, quotidiana, riflessione sui libri degli amici – Blanchot, Lévinas, Leiris, Caillois, Char, Celan, Derrida, Bernard Noël e tanti altri – raccoglie appunto margini, frammenti di un dialogare interrogativo, annotazioni, spunti esegetici, insomma una conversazione assidua che è allo stesso tempo una partecipazione alla tessitura comune di un pensiero dell’epoca e sull’epoca, un pensiero che si interroga sulle questioni che davvero contano. Questi margini sono il contrappunto amicale di un’opera che si svolge in modo davvero originale di libro in libro, e che fa di Jabès uno scrittore non assimilabile a correnti di pensiero, a poetiche, a campi di sapere predefiniti, a aree disciplinari. Una costante sovversione dell’ordine del linguaggio agisce nella sua scrittura.

Nato al Cairo nel 1912, di famiglia ebrea sefardita, Jabès scelse come lingua quella francese e come nazionalità quella italiana (gli ebrei in Egitto non potevano avere nazionalità egiziana): di fatto i rapporti con l’Italia erano motivati da alcuni fili parentali e con la Francia da una formazione culturale giovanile di assidua frequentazione della poesia e cultura francese e da legami di amicizia che via via si andavano formando con intellettuali e poeti   francesi come Max Jacob, Gabriel Bounure, che fu il suo primo interprete, o come André Gide, Henry Michaux, Michel Leiris, René Char e molti altri. Finché rimase in Egitto, cioè fino al 1957, quando con Nasser gli ebrei dovettero abbandonare il Paese, Jabès fu soprattutto un poeta, e la sua attività culturale si svolgeva in riviste e in collane di poesia. Negli anni Trenta tenne anche rapporti clandestini con alcuni esponenti dell’antifascismo italiano come rappresentante dei gruppi di giovani antifascisti che erano sorti in Egitto.

Quando giunse a Parigi, la sua scrittura ebbe una svolta: una scritta sul muro contro gli ebrei, vista una sera, mise in moto una riflessione sulla Shoah che diede origine al Livre des questionsLibro delle interrogazioni – in cui la storia d’amore di Sarah e Yukel è evocata dentro il tragico di un’epoca, e il desiderio, le voci di un’antica saggezza, i resti di un sapere biblico disperso e rianimato e reinventato nella diaspora, si confrontano con la minaccia del nulla, il ricordo e il grido si confrontano con il vuoto spalancatosi col tragico. Il Libro delle interrogazioni si svolse in sette stazioni, alle quali seguirono altri libri, dal Libro della sovversione non sospetta al Libro dell’ospitalità, che fu l’ultimo libro.

Il Libro per Jabès modula in mille modi l’assenza di Dio, un’assenza irrevocabile, originaria, costitutiva dell’essere, e questa privazione diviene ritmo dell’apparire, anima stessa delle cose. Il Libro replica l’esilio dal senso, l’orfanità delle parole. Un’orfanità da cui muove l’apertura della domanda, lo stato di ascolto lungo il cammino.

L’esperienza della poesia dà al pensiero di Jabès una forma che è essa stessa nomade e plurale, mai statica, mai rassicurata: margine, aforisma, frammento, lampo (“fusée” avrebbe detto Baudelaire), nel loro disporsi sul bianco della pagina, si sottraggono all’ordine discorsivo, il pensiero espone la sua fragilità e impotenza, e si può svolgere solo   nell’apertura di un domandare incessante e privo di risposta. La poesia è per Jabès un “pensare contro l’oblio”: qui il suo dialogo da una parte con la tradizione rappresentata da Baudelaire e da Mallarmé, dall’altro con la poesia di uno dei suoi amici, Paul Celan. Sia in Jabès sia in Celan la coscienza del tragico cerca una sua lingua, una sua forma, una “dolorosa rima”: una congiunzione, si direbbe, del deserto con il fiore.

Mi tornano spesso in mente i tanti incontri e colloqui avuti con Jabès, a Parigi, a Milano, a Siena, a Lecce: ricordo che una volta da Lecce andammo a Oria, dove era rimasta ancora attiva una delle tante comunità ebraiche un tempo presenti in Puglia. La settimana passata a Lecce – una mostra di artisti dedicata ai suoi libri, un seminario sul tema dell’ascolto nell’abbazia basiliana di Santa Maria a Cerate – più volte Edmond la evocava, chiedendomi notizie degli amici che in quei giorni avevano accolto lui e Arlette Cohen, sua moglie. Ma è l’ultimo incontro che mi torna spesso in mente. Fine di novembre del 1990. Una sera, dalla casa di rue l’Epée de bois eravamo andati in taxi, lui, Arlette ed io, alla vecchia Bibliothèque Nationale, in rue Richelieu, dove si inaugurava un’ esposizione dedicata all’opera di Jabès.   Ci sarebbe stata una sobria cerimonia in una saletta: Jabès in quell’occasione donava tutti i suoi manoscritti alla Biblioteca. Era un gesto di restituzione. Restituiva la sua scrittura al Paese la cui lingua lo aveva ospitato. Parlò brevemente il direttore della Biblioteca, lo storico Emmanuel Le Roy Ladurie. Edmond era molto stanco e disse poche parole. Salutandoci, mi chiese se l’indomani potevo di nuovo passare da lui: avrebbe volentieri passato la mattinata insieme. Così tornai a trovarlo nella stanzetta del suo scrittoio, tra i suoi libri: parlammo a lungo di poesia, come accadeva spesso, di comuni amici poeti, di lavori in corso, di traduzioni. Mi diede, per la rivista “il gallo silvestre” che era nata da poco più di un anno, i versi scritti di recente, le Petites poésies pour jours de pluie et de soleil, e a un certo punto Arlette si affacciò e chiese che Edmond facesse lettura di quei versi ad alta voce, perché quella poesia, che era un po’ favola, andava ascoltata dalla sua voce.

Così Edmond, che era arrendevole, lesse, e a un certo punto evocò la lettura che qualche volta aveva fatto in quella stanza Paul Celan delle sue poesie. Poi mi parlò del Livre de l’hospitalité, concluso da poco e appena consegnato a Gallimard, e mi affidò una copia dattiloscritta. Era un inconsapevole addio. Mi allontanai con il libro nelle mani, come lo straniero che aveva dato il titolo a uno dei suoi libri. Attraversando il Jardin del plantes mi fermai su una panchina e lessi gran parte del libro. Sostai sull’ultima pagina, che ha il titolo L’adieu e che comincia con questa frase: “Tout livre s’écrit dans la transparence d’un adieu”, disait-il (“Ogni libro si scrive nella trasparenza di un addio”, diceva ). Tornato a Milano cominciai a tradurre Il libro dell’ospitalità. Ospitare le parole dello scrittore nella mia lingua era il modo che avevo per continuare il dialogo. Jabès lo sentii ancora, e l’ultima volta molto a lungo, per telefono, intorno a Natale. Morì il pomeriggio del 2 gennaio del 1991, con il libro di un amico, Michel Leiris, nelle mani.

Dall’Introduzione al Libro del Dialogo

Presenza costante nell’opera di Jabès è il Libro, inteso come libro sacro la cui scrittura è incompiuta, libro dischiuso alla pluralità delle interpretazioni ma anche raccolto nella sua indecifrabilità, libro frammentario, mai pienamente leggibile. Libro la cui interrogazione è l’apertura di una domanda che si apre su un’altra domanda. In questo interrogare, che è un costante esilio dal senso, l’ebreo e lo scrittore si somigliano.

Altra figura che trascorre nella meditazione di Jabès è il deserto. L’esperienza del deserto, che Jabès fece nella sua giovinezza, si trasforma via via in esperienza di scrittura: ecco i grandi silenzi, i cieli di pietra, la sabbia, le impronte del cammino cancellate dal vento, ecco le voci che vengono da lontananze inattingibili, i miraggi, il passaggio del nomade e la sua ospitalità: “L’ospitalità è crocevia di cammini”, leggiamo nel Libro dell’ospitalità. Il deserto è anche luogo dell’illimite, dove si confronta il granello di sabbia con il vibrare di un infinito impossibile a dirsi.

Dal Libro delle interrogazioni – scandito in sette bellissimi tempi che sono sette stazioni di scrittura – al Libro dell’ospitalità, che esce postumo, la ricerca di Jabès è allo stesso tempo lo svolgersi di una domanda intorno alla ferita del vivente – al dolore e al tragico dell’epoca – e il dischiudersi costante di una meditazione intorno all’impossibilità di dare un volto all’enigma, un senso alla mancanza, una protezione o un approdo allo stato d’esilio. L’ebraismo di Jabès è quello della diaspora, del nomadismo, dell’affabulazione fantastica germinata nella lontananza da una patria inesistente. Un ebraismo senza la rassicurazione di un Dio, senza l’approdo a una terra. Un ebraismo ateologico, che vive nell’inquietudine della domanda, non nella quiete della risposta.

Per tornare al Libro del dialogo, le sue pagine sono la messa in forma di questa condizione che è, insieme, apertura e condivisione, ascolto e dislocazione del pensiero verso il limite oltre il quale   c’è il riverbero dell’impensato. Il dialogo non è nella comunicazione, nell’agire comunicativo, non è nella parola che si sovrappone alla parola, che ad essa replica e da essa rimbalza, non è nella rappresentazione di sé affidata alla lingua. Il dialogo è silenzio che cerca di muoversi verso la lingua, ascolto che si svolge in interrogazione, immagine dell’altro che cerca la via della prossimità. Nel Libro del dialogo riappaiono, come accade spesso nella scrittura di Jabès, temi e immagini degli altri libri e si annunciano domande che saranno riprese e dilatate nei libri a seguire, come il rapporto tra la parola e l’indicibile, tra il silenzio e il deserto, tra lo straniero che abita in noi e lo straniero che viene verso di noi, tra il vuoto dell’attesa e il vuoto della domanda, tra il vocabolo e la voce che lo abita e la parola che lo accoglie. E ancora, si disseminano pensieri intorno al limite e all’oltre del limite, alla solitudine,   alla morte, alla scrittura stessa.

E tutto questo diventa frammento disteso nel bianco del foglio, lampo di un’immagine, parola del saggio detta al giovane discepolo, margine, annotazione per metafore, meditazione per figure.

Ricordo, al di là della scrittura, nel vivo di un’oralità affabulatoria e conviviale, alcune “storielle” che Jabès raccontava talvolta (le fonti erano le stesse della grande tradizione narrativa dell’apologo, alla quale anche Kafka ha attinto): il sorriso con cui si accoglievano quei racconti brevi, lasciava subito il posto a un pensiero che aveva quasi sempre al centro la messa in questione del senso, del suo ordine, l’apertura su quella desertica distesa che è lo stare al mondo privi della certezza di un approdo, privi della pacificazione di un senso.   È in questo vuoto di senso che la parola della poesia mostra il sorriso della lingua. E ospita quel che l’oblio ha rinserrato nelle sue prigioni, conosce la ferita del vivente, accoglie la luce del visibile fino al suo confine, fino all’orizzonte e alle risonanze dell’enigma che è oltre ogni orizzonte.   È la poesia – la lingua e il respiro della poesia – che fa vivo il pensiero di Jabès.

La seconda parte dello scritto, quella dopo l’asterisco, riprende passaggi dell’Introduzione a E. Jabès, Il libro del dialogo, a cura di A. Prete, Manni editore, San Cesario di Lecce 2016. Si veda anche, riedito ora, Il libro dell’ospitalità, a cura di A. Prete, Cortina, Milano 2017. Di Jabès su Celan, si veda La memoria della parole, nel volume Poesie per i giorni di pioggia e di sole e altri scritti, a cura di C. Agostini, Manni 2002.

http://www.doppiozero.com/materiali/edmond-jabes-la-parola-ferita

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