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Big Data, Big Brother ? Il faut encadrer la révolution des données en Afrique

Par Thomas Roca

Le Monde.fr Le 22.01.2015 à 12h24

Difficile d’y échapper, qu’elle soit décrite comme un « déluge » ou comme un « tsunami », la révolution des données fait des vagues. Le 6 novembre dernier, était lancé le rapport « A world that counts » du groupe d’experts indépendants nommés par le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, autour de la révolution des données.

Avec des informations plus fiables, plus fréquentes, plus granulaires, on promet des politiques publiques plus efficaces, plus ciblées et in fine, plus à même de répondre aux véritables besoins des populations. Une vingtaine d’experts étaient mobilisés pour orienter l’innovation en la matière en direction des pays en développement, le « data déluge » ayant tendance à s’engouffrer dans la fracture numérique.

Le secteur privé, bien inspiré par ce que l’on nomme désormais la « data philanthropie », n’est pas en reste. En 2013, Orange lançait, en Côte d’Ivoire, la première version de son challenge D4D – Data for Development – dont l’objectif est d’identifier et de tester, grandeur nature, les usages possibles des Big Data produites via son réseau de téléphonie mobile, pour la formulation de politiques publiques.

Le 17 novembre, à New York toujours, le premier think tank consacré à la promotion des Big Data pour le développement était lancé. Emmanuel Letouzé, fondateur de Data-Pop Alliance, a ainsi réussi à fédérer des chercheurs de l’université d’Harvard, du Massachusetts Institute of Technology (MIT) et de l’Overseas Development Institute autour de ce projet financé par la fondation Rockefeller et soutenu par la Banque mondiale et l’Agence Française de Développement.

Avec des informations plus fiables, plus fréquentes, plus granulaires, on promet des politiques publiques plus efficaces.

Un tsunami de données dans les pays de l’OCDE et une Statistical Tragedy pour l’Afrique subsaharienne ? Essayons d’y voir un peu plus clair. La fin des années 80 en Afrique, était marquée par les très libérales politiques d’ajustement structurel, et avec elles le déclin de la planification et des politiques industrielles. Les contraintes budgétaires liées aux politiques de désendettement et l’abandon des politiques économiques volontaristes ont fait sombrer la demande pour les statistiques officielles et les budgets alloués à l’administration en général, celle-ci en particulier.

Une décennie plus tard, les Objectifs du millénaire pour le développement, en fixant des attentes chiffrées sur des cibles socio-économiques allaient générer une demande accrue de données en direction des Offices nationaux de la statistique, affaiblis en Afrique par l’épisode précédent. Dans ce contexte, s’est alors créé un effet d’éviction en défaveur de la production des comptes nationaux, servant de base au calcul du PIB.

Demande croissante d’indicateurs chiffrés

Avec la crise que connaissent les pays de l’OCDE (Organisation pour la Coopération et le développement économiques), la contrainte pesant sur les budgets d’Aide publique au développement, a renforcé une demande croissante de redevabilité et d’indicateurs chiffrés, évaluations des politiques publiques, études d’impact, etc. qui ont mobilisé les statisticiens des pays en développement, là encore au détriment de la production des statistiques officielles.

Récemment, on découvrait que le PIB du Ghana, du Nigeria et, dans une moindre mesure du Kenya, était largement sous-estimé. À la suite de l’actualisation des méthodes de prise en compte de la richesse produite, le PIB du Ghana gagnait 60 %, près de 90 % pour celui du Nigeria. Lorsqu’il s’agit de la mesure de la pauvreté, premier Objectif du millénaire pour le développement, on se heurte cette fois à une l’absence de données. Pour un tiers des pays d’Afrique subsaharienne, les chiffres les plus récents datent d’au moins 7 ans ! Tel est le décor de la Statistical Tragedy décrite par Shanta Devarajan et documentée par Morten Jerven.

En 2015 les Objectifs du millénaire pour le développement arriveront à leur terme. Se dessinent actuellement les Objectifs du développement durables. Les 18 cibles des OMD devraient laisser place aux 169 toujours en discussion. Pragmatique, le directeur de la division de la Statistique de l’ONU prévient qu’elles ne seront pas toutes mesurables. « What you measure is what you end up doing ! », lance régulièrement le prix Nobel d’économie Joseph Stiglitz. Effectivement, les cibles qui seront mesurées, devraient attirer une attention particulière, comme souvent, la mesurabilité finira vraisemblablement par dicter les priorités.

Les données massives produites par les nouvelles technologies de l’information irriguent d’ores et déjà nos économies. Si la première bulle de l’Internet s’est dégonflée suite aux promesses non tenues des gains publicitaires générés par la Toile, la révolution 2.0 promet une connaissance toujours plus fine des individus.

La production massive doit être encadrée

Effectivement, il est aujourd’hui possible de cartographier de façon assez précise, via géolocalisation, les déplacements urbains des populations. On peut alors détecter les lieux de passage les plus favorables aux commerces, mais aussi optimiser le trajet des transports publics – c’est l’objet du projet AllAboard, vainqueur du Challenge D4D Côte d’Ivoire. Le suivi des schémas de propagation du virus Ebola est également en jeu.

Si, sur ce sujet, la communauté internationale reste prudente, les opérateurs téléphoniques seraient déjà en contact avec le ministère de la santé des pays concernés. En étudiant les habitudes téléphoniques, les distances d’appels, la durée des communications, leur fréquence, la diversité des zones vers lesquelles sont émis les appels – synonyme de richesse de connexions sociales – on peut, par exemple, élaborer un indicateur de pauvreté actualisable quasiment en temps réel.

Les données massives produites par les nouvelles technologies de l’information irriguent d’ores et déjà nos économies.

Cette révolution 2.0, à certains égards « orwellienne », semble plus réelle que la précédente, plus inquiétante également. Ne péchons pas par naïveté, ce mouvement de production massive de données ne s’arrêtera pas. La « datafication » est en marche, à nous de l’accompagner pour qu’elle puisse servir le bien commun avec un encadrement strict de la vie privée et une nouvelle réflexion sur la propriété de ces données que chacun d’entre nous contribue à produire.

Les enjeux sont plus profonds qu’il n’y paraît. Sous la pression des Big Data, le monopole du chiffre officiel se fissure et l’on pourrait alors assister à la montée en puissance d’acteurs privés, producteurs de données aux côtés des instituts nationaux de la statistique. Ces sujets étaient discutés fin octobre à Pékin à l’initiative de la direction des statistiques de l’ONU. Le jeu démocratique pourrait en sortir renforcé dans des pays où l’information est contrôlée de près par le pouvoir.

Dans la majorité des pays cependant, l’innovation en termes de production de données « non officielles » pourrait accompagner et compléter la statistique officielle en fournissant des données plus fréquentes, à moindres coûts, permettant un meilleur ciblage des politiques de développement pour le plus grand bénéfice des populations.
En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/afrique/article/2015/01/22/big-data-big-brother-il-faut-encadrer-la-revolution-des-donnees-en-afrique_4561532_3212.html#MkbxJjqiDhCzbcdu.99

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Cameroun

Le « big data » à l’africaine

25 mai 2016 à 09h51 — Mis à jour le 26 mai 2016 à 18h34

Gabriel Fopa est à la tête de la première société africaine de serveurs informatiques. Dans ses immenses « data center » il emploie 100 employés dont 85 ingénieurs, tous formés sur place. Et ça marche, il double son chiffre d’affaires chaque année. Ce reportage a été diffusé  dans le cadre de l’émission « Réussite », co-produite par le Groupe Jeune Afrique, Canal + Afrique et Galaxie Presse.

http://www.jeuneafrique.com/videos/328222/le-big-data-l-africaine/

Le “big data” à l’africaine di Jeuneafriquetv

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