“Encore”, de Hakan Günday tradotto in italiano , articoli in italiano – français

Ancóra, il nuovo romanzo di Hakan Günday

di pubblicato venerdì, 29 gennaio 2016 ·

È appena arrivato in libreria Ancóra, il nuovo romanzo di Hakan Günday. Racconta di Gazâ, figlio di un moderno mercante di uomini nella Turchia di oggi: è una storia sulla volontà di rinascita, che parte dai livelli più bassi dell’inferno contemporaneo. Il libro è pubblicato in italia da marcos y marcos, ringraziamo l’autore e l’editore per la concessione di questo estratto (la traduzione è di Fulvio Bertuccelli).

di Hakan Günday

Adesso mi racconterò una storia e d’ora in avanti crederò solo a questa. Perché ogni volta che volgo lo sguardo al passato mi accorgo che è mutato di nuovo. Uno scenario sparisce, oppure si aggiunge un altro racconto. In questa vita nulla resta al suo posto.

Sembra che nessuno sia felice dov’è. Forse, in realtà, niente è al posto giusto. È per questo che le cose non riescono a infilarsi nelle buche che hai scavato, anche se le hai misurate. Non serve a niente! Un solo battito di ciglia, e ne approfittano per scappare. O magari per spostarsi, facendoti impazzire. E il passato è una di queste cose.

Ormai il momento è arrivato. Racconterò d’un fiato tutto quello che ricordo e ci metterò un sigillo. Perché questa è l’ultima volta! Non mi volterò mai più indietro a contemplare il passato. Non mi guarderò neanche più in faccia allo specchio. Una parola dopo l’altra consumerò il mio volto, mi pulirò la bocca con uno stuzzicadenti e poi lo frantumerò sotto i miei piedi.

Adesso l’unico modo per restare intero è questo… Altrimenti il corpo in cui vivo farà di tutto per fermare il tempo! Perché è al corrente di tutto: sa che si muore e si va in decomposizione… Chi è quel figlio di puttana che gliel’ha detto? Quel cane rognoso si aggrappa alla vita con le sue mandibole e mi fa fare gli stessi errori. Sempre gli stessi, in continuazione! Cerca di guadagnare tempo riportandomi con questi dejà vu indietro nel passato, anche se solo per un attimo… Ma adesso basta!

Quando avrò finito di raccontare la mia storia resterò in silenzio, e da quel momento in poi commetterò solo errori nuovi! Così strani che faranno scorrere il tempo all’impazzata! Così sconosciuti da far girare le lancette degli orologi con una forza magnetica! Errori che nessuno ha mai commesso e non si sa neanche come definire! Errori straordinari come uomini che fabbricano macchine che creano uomini che creano macchine che creano altre macchine! Errori giganteschi come l’invenzione di Dio! Errori inaspettati come la più grande invenzione dopo Dio che è il personaggio! Magici come il primo errore di un bambino appena nato! Un errore mortale come venire alla luce! Voglio solo questo… E forse un po’ di solfato di morfina.

http://www.minimaetmoralia.it/wp/ancora-hakan-gunday/

“Encore”, de Hakan Günday

Publié le par Emmanuelle Caminade

 

Encore, roman sorti en 2013 dans sa version turque originale, aborde le problème des migrants clandestins, de ces hommes et femmes prêts à tout pour échapper à l’enfer de leur pays et gagner ce qu’ils croient être le paradis. Des hommes-marchandises alimentant les trafics les plus sordides, qui transitent notamment par la Turquie, «ce vieux pont entre l’Orient aux pieds nus et l’Occident bien chaussé, sur lequel passe tout ce qui est illégal». Un phénomène dont l’ampleur nous interpelle particulièrement ces derniers temps.

Hakan Günday, dont on connaît le talent de conteur, nous invite à cheminer au côté de son touchant héros dans un fabuleux roman d’aventures dont la démesure n’exclut pas les invraisemblances mais colle pourtant à la réalité. Avec une lucidité décapante et sarcastique excluant tout pathos, mais aussi avec une imagination délirante et beaucoup de poésie et de tendresse, il nous raconte une histoire riche de rebondissements et marquée de visions saisissantes qui, comme toujours, excède son cadre. Une histoire non conforme, dérangeante, à contre-pied des clichés bienpensants, qui lui permet de dénoncer, sans concessions d’aucune part, la réalité sociétale et étatique de son pays marquée par la violence et l’indifférence, la corruption et l’hypocrisie. Une réalité touchant à l’universel qui débouche sur une réflexion plus large sur notre monde et sur la nature humaine. Il tente ainsi de comprendre «la force du pouvoir» à différentes échelles – des rapports humains au sein d’un petit groupe aux relations internationales entre Etats -, démontant cet engrenage de domination et de soumission fondé sur la peur (1) en se livrant à une véritable autopsie de l’âme humaine.

1) un de ses grands thèmes qu’il avait déjà exploré dansZiyan

La force de ce jeune et prolixe écrivain turc qui a grandi en Europe, réside sans doute aussi dans sa capacité à recycler de multiples influences dans une forme inventive et un style personnel très évocateur au rythme puissant. Puisant dans tous ces livres, ces films et ces oeuvres d’art qui ont nourri sa sensibilité et sa réflexion – et souvent aussi les nôtres -, il donne en effet à son livre, au-delà des sujets abordés, un écho universel et intemporel.

Encore peut s’analyser comme une énième robinsonnade plus proche de Michel Tournier (2) que de Daniel Defoe. Une robinsonnade très célinienne – notamment par ses thèmes et ses champs lexicaux … -, qui inverserait la donne du voyage (3), remontant de la nuit pour déboucher, après des métamorphoses successives, sur une renaissance harmonieuse laissant place à la lumière sans effacer l’ombre. Un roman d’ombre et de lumière qui n’a rien de manichéen (4), car l’homme est un être duel et «le combat du bien et du mal n’a jamais existé». Et dont les quatre parties vont pertinemment épouser les techniques picturales qui ont donné les plus grands chefs-d’oeuvre de la Renaissance italienne, du “sfumato” de Léonard de Vinci et du “cangiante” de Michel Ange au “chiaroscuro” puis à l'”unione” de Raphaël.

Encore  retrace ainsi le voyage de son jeune héros. Un héros que sa mère – morte juste après sa naissance – voulait enterrer vivant. Quinze ans pour se libérer de la peur en conciliant la vie et la mort, en apprivoisant le temps. Quinze ans pour enfin commencer à vivre !

C’est cet enfant puis cet adolescent, doublés du jeune adulte remontant le temps avec le recul de l’écrivain (5), qui raconte cette histoire en forme de confession, l’auteur superposant ainsi habilement lucidité révélatrice et franche naïveté, tandis que la réalité profonde se dégage progressivement de l’illusion et du mensonge de surface. Un héros-narrateur à l’enfance volée qui n’a personne à qui se confier, piégé dans les rets d’un père monstrueux qui ne l’a pas éduqué mais dressé à survivre. Survivre même au détriment de la vie des autres car «tout survit en dévorant tout ».

«Ce corps sait qu’il va crever et disparaître» et «il serre la vie entre ses dents comme un chien enragé» : «Encore et encore ! Pour gagner du temps.»

Survivre, le maître-mot de ce roman : celui des migrants clandestins et d’Ahad, le père indigne, mais aussi celui de son fils Gazâ qui, muré en lui-même, n’ose affronter son passé et devra l’«évacuer en racontant».

2) Dans Vendredi ou les limbes du Pacifique

3) Voyage au bout de la nuit s’achève sur la mort de Robinson qui a entraîné Bardamu dans sa chute, tandis qu’Encore  commence par la mort de Vendredi qui finira par sauver Gazâ

4) «Ils pensaient que j’étais un monstre et moi j’en étais ! Il ne leur avait fallu que dix minutes pour me sacrifier l’un d’entre eux »…

«Les gens qui fuyaient leur pays n’étaient pas tous des innocents.»

5) Un apprenti écrivain qui  prend Céline pour modèle (clin d’oeil d’un auteur assumant ses influences !)

Johann Moritz Rugendas, Nègres à fond de cale, lithographie

Gazâ est le fils d’un passeur d’une bourgade perdue de Turquie, qui entrepose dans son «dépôt» les clandestins venus d’Iran, d’Irak, de Syrie ou d’Afghanistan qu’on lui a livrés. Des clandestins emprisonnés plusieurs jours dans une citerne recouverte par une plaque d’égout avant d’être convoyés, dissimulés dans la «caisse» d’un camion, jusqu’au bateau qui les conduira en Grèce, vers la «terre promise».

Dès neuf ans il est totalement associé à cet horrible commerce et mène deux vies parallèles, la seconde lui apparaissant comme un jeu irréel, comme le «jeu électronique» des enfants qui n’ont «pas de dépôt à leur disposition». Un jeu dont les conséquences bien réelles lui feront perdre son innocence. Ayant, par négligence et indifférence, tué Cuma (“Vendredi” en turc ) – un Afghan qui avait su voir l’innocence de son jeune geôlier et lui avait gentiment confectionné une grenouille en papier -, il tombe dans le «puits sans fond» de la culpabilité. Haïssant ce père violent sans pouvoir se détacher de son emprise affective (6), ce petit minotaure enfermé dans son labyrinthe retournera sa souffrance et sa haine contre les autres puis contre lui-même : «la haine, la vengeance des couards ».

Le regard de l’autre (7) ne lui laissant aucune alternative, le jeune héros se grisera de sa toute puissance de «Dieu des égouts», conduisant une expérimentation «scientifique» sur ce matériau humain pour lequel il ne ressent que mépris. (Une analyse comportementale directement inspirée de l’expérience de Stanford dont furent tirés un livre et un film (8)). Il sera ainsi mené «au point où l’humanité prend fin». Mais après un long parcours, douloureux et chaotique, ce «marchand d’esclave échoué sur une île déserte», sera malgré tout sauvé par son Vendredi dont il ne réussira pas à tuer totalement la voix – celle de sa propre conscience -, Cuma le ramenant sur le chemin de l’altérité et de l’humanité.

6) «Est-il possible de détester un homme à ce point et d’avoir pourtant envie d’en être estimé ? »

7) Le regard des migrants voyant en lui un monstre, comme le reflet de Robinson dans le miroir dans Vendredi et les limbes du Pacifique, consacre l’éclatement du moi du héros

8 https://fr.wikipedia.org/wiki/L’Exp%C3%A9rience

 

La Cène, Léonard de Vinci 1495/1497

Sfumato

La première partie, baignée dans une ombre diffuse, retrace les cinq années qui ont fait de Gazâ un être terrifiant, un monstre. Les contours entre le bien et le mal – également répartis de part et d’autre – s’y estompent et le rêve et la réalité s’y entremêlent. Et Gazâ, enfermé dans sa solitude et prisonnier de son passé, commence à se dédoubler.

Le prophète Daniel, Michel Ange,

Cangiante

Seul rescapé de l’accident du camion qui acheminait les clandestins vers le bateau, Gazà voit sa vie changer : un changement radical de couleur. Les ombres ne sont plus traduites par l’assombrissement des couleurs mais par l’adjonction d’une autre couleur : celle du mensonge. Le jeune adolescent quitte son village pour un foyer d’étudiant à Istanbul, ville merveilleuse. Il devient une «machine à vivre» à l’existence parfaitement organisée et planifiée, les cauchemars du passé étant remplacés par les rêves d’un brillant avenir. Mais au bout de trois ans la machine se détraque et il sombre dans la folie, dans une phobie de tout contact humain.

Madonna Pasadena, Raphael, vers 1503

Chiaroscuro

Dans la troisième partie, les contrastes entre ombre et lumière s’accusent mettant les problèmes en relief. A la fois prisonnier de son passé et incapable d’oeuvrer à son avenir, le héros se retrouve interné, à dix-huit ans, dans un hôpital dont il ressortira drogué. La morphine provoquera un dédoublement du corps et de l’esprit et une fuite dans le rêve et il sera tenté de s’abimer dans la solitude, réinvestissant comme un abri régressif le ventre maternel du «dépôt». Mais il en sera chassé par une remontée horrible du passé et vivra comme un ermite dans un hôtel. Pourtant «l’homme qui était en [lui] avait survécu à toutes ses horreurs et il cherchait un moyen d’aller vers ses semblables ». Il commencera alors à écrire : «Je me parlais sans arrêt… il me vint alors l’idée d’écrire ». Et il décidera enfin d’arrêter la morphine pour prendre sa vie en mains.

Unione

La dernière partie, d’une grande unité tonale, se distingue par la brillance des coloris et ses contrastes adoucis, tandis que les contours se font nets. A vingt-quatre ans, le héros y retrouve paix et harmonie, opérant cette fois un vrai retour chez lui passant par la vallée de Bamiyan, le pays de Cuma, celui de l’altérité. Il va vaincre sa peur, creusant non plus pour tomber sur des cadavres mais pour trouver l’eau de la vie. Une reconstruction très symbolique auprès des bouddahs détruits par les talibans, pour vivre enfin le présent, libéré de sa peur et de sa culpabilité.

Niche d’un bouddah de Bamiyan

Encore est un livre complexe et atypique mais accessible à tous, et notamment à ceux qui aiment qu’on leur conte de belles et terribles histoires. Un roman halluciné au souffle puissant, criant de vérité, qui nous parle «du monde, du temps et des hommes ». Un livre pour ne pas s’habituer à l’horreur en glissant dans une indifférence complice  car “la seule chose insupportable, c’est que rien ne soit insupportable”(9).

9) Epigraphe du livre, tirée de Rimbaud-Verlaine d’Agnieszka Holland

Encore, Hakan Günday, traduit du turc par Jean Descat, Galaade éditions, 20 août 2015, 384 p. (Dahà, 2013)

http://l-or-des-livres-blog-de-critique-litteraire.over-blog.com/2015/08/encore-de-hakan-gunday.html

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