Octobre à Paris (1962) Le massacre du 17 octobre 1961 à Paris : « ici on noie les Algériens ! »

“Octobre à Paris” et “Ici on noie les Algériens” : le 17 octobre 1961, la justice se noya dans la Seine

Cinquante ans après la répression sanglante de la manifestation pro-FLN, deux films témoignent.

Entre les massacres de Sétif (8 mai 1945) et les morts du métro Charonne (8 février 1962), la journée sanglante du 17 octobre 1961 occupe une place d’honneur dans la liste des atrocités commises par l’Etat français durant la guerre d’Algérie. Ce jour-là, à l’initiative du Front de libération nationale (FLN), 30 000 Algériens descendent manifester dans les rues de Paris pour protester pacifiquement contre le couvre-feu décrété à leur intention par le préfet de police, Maurice Papon. La police, chauffée à blanc par les nombreuses pertes que lui font subir les attentats du FLN sur le territoire français, et couverte par ses autorités de tutelle, se livre à une répression sanglante, dont le nombre de victimes est estimé entre 80 et 200 morts. Les cadavres seront, pour certains, retrouvés flottant dans la Seine. Aucune reconnaissance ni réparation officielles depuis lors.

A côté des historiens (Jean-Luc Einaudi, Jean-Paul Brunet), des photographes, des romanciers (Meurtres pour mémoire de Didier Daeninckx, Gallimard, 1984) et des musiciens (La Gueule du loup, poème de Kateb Yacine mis en chanson par Les Têtes raides en 1998), les cinéastes ont puissamment contribué à la mise en lumière de l’événement puisqu’on recense une vingtaine de films qui lui sont consacrés, dont le plus récent, la fiction de Rachid Bouchareb, Hors la loi (2010).

Deux documentaires inédits n’en sortent pas moins, mercredi 19 octobre, en salles. Le premier est, à tous égards, exceptionnel. Il s’agit d’Octobre à Paris, de Jacques Panijel. Réalisé dans la foulée de la manifestation, ce film intense et bouleversant, aussi incroyable que cela puisse paraître, n’a jamais été exploité en salles, même s’il a fait à plusieurs reprises l’objet de projections illégales.

Victime jusqu’en 1973 de la censure gouvernementale, le film n’est pas davantage distribué par la suite, Jacques Panijel s’opposant à sa sortie tant qu’on lui refusera de lui adjoindre un préambule mettant en cause un “crime d’Etat”. Il mourra donc, le 10 septembre 2010, sans avoir la satisfaction d’assister à la sortie du film, désormais précédé d’une préface qui éclaire la responsabilité de ce massacre programmé.

Biologiste et ancien résistant, cet homme de conviction est, en 1959, le cofondateur, aux côtés de l’historien Pierre Vidal-Naquet et du mathématicien Laurent Schwartz, du comité Audin, consacré à Maurice Audin, un mathématicien communiste assassiné deux ans plus tôt à Alger par les parachutistes français. Après la manifestation du 17 octobre 1961, ce comité charge Panijel de réaliser un film pour témoigner de l’événement. Le tournage, doté d’un opérateur de fortune et réalisé clandestinement grâce à l’entremise du FLN, démarre dès la fin du mois d’octobre 1961 et se prolonge jusqu’en mars 1962.

Trois registres d’images constituent la matière du film. C’est tout d’abord la nécessaire reconstitution de l’appel à la grève et son organisation par une cellule secrète du FLN en plein coeur du bidonville de Nanterre. Elle est “jouée” – et ressentie comme telle par tout spectateur attentif – par ceux-là mêmes qui ont vécu ces événements quelques jours plus tôt. C’est ensuite la mise en scène de la manifestation et de sa répression à l’aide du principal médium qui l’a enregistrée : la photographie. Mis à disposition par le photographe Elie Kagan, ce matériau est travaillé au banc-titre, au montage et à la bande-son pour lui conférer une dynamique cinématographique.

A ces deux strates, qui pallient avec les moyens du cinéma l’absence d’archives cinématographiques, s’ajoute et s’entremêle le tournage, en direct cette fois, avec les nombreux témoins et victimes de la répression. Des hommes, des femmes et des enfants effrayés, humiliés, qui disent, quand ils n’en montrent pas les stigmates sur leur corps, l’aveuglement d’une idéologie et l’abjection d’une politique. Arbitraire de la répression, tabassage meurtrier des manifestants, noyades délibérées dans la Seine, fusillades, suivis du parcage bestial au Palais des sports, des tortures sadiques des supplétifs harkis dans les caves de la Goutte d’or, des descentes provocatrices dans les bidonvilles de la banlieue.

On aura beau jeu, bien sûr, de reprocher à ce film la partialité de son regard. Après tout, on était en guerre et le FLN ne faisait pas non plus dans la dentelle. Mais toute la beauté d’Octobre à Paris vient précisément du fait qu’il n’en veut rien savoir. Que seules l’occupent la trahison de la démocratie, la honte du rôle historique joué alors par la France et l’indignation face à la barbarie civilisée qui s’abat sciemment sur des protestataires désarmés. C’est ce sentiment de révolte morale, ce sursaut de la conscience qui confèrent au film non seulement sa puissance émotionnelle, mais aussi sa manière incroyablement vivante de filmer les gens, leur parole et les lieux chargés de souffrance (chambrettes, caves, cafés, bidonvilles) qui les réunissent. Octobre à Paris, qui, au départ, est en retard sur l’événement, retourne ainsi son handicap en devenant une archive unique et un film pionnier des luttes cinématographiques à venir.

Ici on noie les Algériens, réalisé en 2011 par Yasmina Adi, jeune femme d’une trentaine d’années, est un honorable démarquage de ce film matriciel (évocation de l’événement selon les mêmes procédés) ou, mieux, un complément qui en actualise douloureusement la portée (les témoins d’aujourd’hui, dont les veuves des victimes, attendent toujours la reconnaissance officielle du préjudice qui leur a été infligé).

D’un documentaire contemporain, il était toutefois légitime d’exiger une approche historique un peu plus fouillée. Les spectateurs qui auraient la curiosité de voir les deux films ne manqueront pas, en tout cas, de relever ce détail, qui n’en est pas un : tous les personnages d’Octobre à Paris parlent français, tous ceux d’Ici on noie les Algériens parlent arabe. A croire que le demi-siècle d’intégration qui les sépare charrie bien des cadavres.

En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/cinema/article/2011/10/14/octobre-a-paris-et-ici-on-noie-les-algeriens-le-17-octobre-1961-la-justice-se-noya-dans-la-seine_1587857_3476.html#Mzcll0AChM3TS81D.99

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