“Rudolph Valentino dans l’aigle noir” : point d’étape , full film e clip Vintage Music.

« Rudolph Valentino dans l’aigle noir » : un petit point d’étape

La journée du mercredi 29 septembre 1926 se termine par la mention de cette sortie au cinéma dans un agenda que j’ai trouvé il y a plusieurs mois chez un bouquiniste : « Le soir au cinéma : Rudolph Valentino dans l’aigle noir ».

Rudolph Valentino, L'Aigle Noire, 1925 ( source: notice Wikipédia)

Rudolph Valentino, L’Aigle Noire, 1925 ( source: notice Wikipédia)

La séance a couté trois francs. Je ne sais pas qui est la personne qui a rempli chaque jour ce cahier où sont principalement indiquées les dépenses, même les plus infimes, ainsi que les recettes. Au fil des jours de cette année 1926, on en apprend davantage sur elle, sa famille et son réseau d’amitiés, ainsi que sur ses opinions, même si le quotidien est avant tout marqué par les aléas du temps et les visites des connaissances. On découvre que la personne qui écrit est veuve, son mari prénommé Gaston étant décédé en 1921, le 24 juillet pour être plus précis. Quelques jours avant la date anniversaire, une citation de Raymond Genty est écrite en route dans le carnet : « C’est toujours quand il est trop tard que l’on sent à quel point l’on aime.» On apprend aussi que la femme se prénomme Marie, qu’elle a des enfants et des petits-enfants. Mais on trouve avant tout une longue litanie des dépenses de cette veuve, qui accueille également dans la demeure familiale des pensionnaires. Parfois, d’autres considérations sont écrites : Marie est profondément catholique et elle évoque à plusieurs reprises le rôle de la religion, ainsi que la place du catholicisme dans les questions politiques. Clairement située à droite, elle mentionne parfois l’actualité politique, parfois simplement en notant une information, parfois en déplorant la présence au gouvernement de certains responsables politiques. Il y a de jour en jour une répétition à la longue souvent ennuyeuse, et pourtant la lecture de cet agenda commercial de 1926 me laisse une impression étonnante.

Agenda de Marie, 1926, photo DR

Agenda de Marie, 1926, photo DR

C’est je crois que ce simple cahier représente un peu ce que je tente de faire : restituer des pans de vie de personnes qui a priori ont laissé peu de traces. Il existe en conséquence une fascination pour l’ordinaire, pour ce type d’archives qui en surface semble contenir peu de renseignements, mais qui en profondeur fourmille d’indications indispensables à la poursuite de la recherche historique. Dans cet agenda, il y a tous les événements d’une vie personnelle, rassemblés sur un an. On pourrait faire un traitement des informations ayant trait au quotidien économique et social, mais aussi sur tout ce qui concerne l’histoire culturelle tant les réflexions personnelles écrites par Marie permettent de mieux saisir le vécu d’une personne ordinaire de l’entre-deux-guerres. Il y a aussi bien sûr tout ce que l’on ne sait pas, tout ce qu’il faut chercher, déduire, contextualiser, bref, tout ce que la pratique scientifique de l’histoire permettrait de mieux éclairer. Je ne redirais pas encore ici les influences de Ginzburg, d’Artières ou d’autres dans le travail que j’essaye de mener. Mais cette pratique oblige à de nombreuses incertitudes. Je regrette de ne pas disposer de telles sources concernant les militants socialistes sur lesquels je travaille. Un tel document aujourd’hui a priori bien banal, serait une formidable archive pour mieux appréhender la culture militante des socialistes entre 1914 et 1940. Cependant, lire et étudier cet agenda découvert par hasard me permet de poser des questions et d’explorer des pistes de recherche dans mon domaine ; c’est pourquoi je voulais l’évoquer aujourd’hui.

Couverture de l'agenda de Marie, photo DR

Couverture de l’agenda de Marie, photo DR

Je viens de m’apercevoir, en effet, que ce carnet de recherche en ligne a été crée il y a tout juste quatre ans. La raison de sa création – une aide pour réussir à mener à bien une recherche en histoire – est toujours d’actualité, même si j’espère avoir fini dans quelques mois. Se pose dorénavant la question du format de ce carnet de recherche dans cette période de fin de thèse : je ne sais pas encore à quoi il va me servir, même si sa pertinence est toujours présente. Sans doute qu’avancer dans la recherche renforce paradoxalement la montée des incertitudes tant que le travail de rédaction de la thèse n’est pas terminé. Mais ce petit retour en arrière me fait comprendre combien le chemin parcouru a été riche en découvertes dans les archives, en progression dans le travail d’écriture, mais aussi en rencontres et en échanges. J’imagine que la forme de ce carnet changera peut-être un peu durant les semaines qui arrivent, mais « le chemin se fait en marchant »…

http://enklask.hypotheses.org/898

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