Confusion extrême droite/extrême gauche : « Infiltration » ou projet politique ?

 

Confusion extrême droite/extrême gauche : « Infiltration » ou projet politique ?

publié par Yves, le lundi 16 décembre 2013

(Ce texte, dont nous publions les extraits les plus intér­essants, a été publié en 2003 et il écl­aire la stratégie de ceux qui, à gauche, en Italie mais aussi en France, veu­lent dis­cu­ter gen­ti­ment avec des « pen­seurs » réacti­onn­aires comme Costanzo Preve ou pen­sent qu’on peut aller déf­endre le « marxisme » auprès des amis du fas­ciste Serge Ayoub. Le fait que nous publions cet arti­cle ne signi­fie évid­emment pas notre accord avec toutes les posi­tions de ce groupe. NPNF.)

Si nous étions convain­cus que l’his­toire de la mani­fes­ta­tion du 6 déc­embre 2003 en sou­tien à la rés­ist­ance ira­kienne annoncée bruyam­ment par le Campo Anti-impe­ria­lista et orga­nisée, disent-ils, de manière hori­zon­tale était seu­le­ment un pro­blème d’infil­tra­tion des fas­cis­tes dans le cortège, notre tâche serait aisée. Parce que dém­ontrer cette infil­tra­tion ne néc­es­si­terait aucun tra­vail d’enquête et de recher­che tant l’opé­ration est évid­ente. En effet, il suf­fi­rait de men­tion­ner la prés­ence, dans la liste offi­cielle des signa­tai­res de l’appel, de Serge Thion, l’un des théo­riciens de la négation des cham­bres à gaz. Sans parler de ceux qui, tout en sou­te­nant la mani­fes­ta­tion du 6 déc­embre 2003, ne voient pas leur nom men­tionné dans la liste offi­cielle de l’appel, comme Claudio Mutti l’idéo­logue de l’extrême droite, qui vit à Parme.

Mais nous ne sommes pas du tout convain­cus qu’il s’agisse d’infil­tra­tions, opé­rations qui, comme l’a jus­te­ment écrit Moreno Pasquinelli, seraient trop nom­breu­ses et trop ouver­tes.

Ici, cepen­dant, il s’agit d’un projet poli­ti­que de gens qui jugent dépassée la dicho­to­mie droite-gauche, voient dans l’empire amé­ricain l’ennemi de l’huma­nité et appel­lent à la mobi­li­sa­tion de tous ceux qui veu­lent s’oppo­ser à l’avance des Américains, sans dis­tinc­tion de race, de reli­gion ou d’opi­nions poli­ti­ques. Et, bien sûr, les rép­onses à un tel appel ont été très diver­ses.

Les pre­miers à réagir offi­ciel­le­ment ont été les com­mu­nau­ta­ris­tes de Socialismo e Liberazione, qui avec un email envoyé à la liste Anti-ame­ri­ca­nista, ont cher­ché à adhérer à cette liste en tant que groupe. Nous ne serions pas en prés­ence d’un projet poli­ti­que, sim­ple­ment d’une conséqu­ence de l’ambi­guïté de l’appel à la mani­fes­ta­tion du 6 déc­embre 2003, si un élément ne chan­geait pas la donne : Costanzo Preve, le phi­lo­so­phe du Campo Antiimperialista, publie depuis un cer­tain temps ses pro­pres écrits sur le site de Socialismo e Liberazione. Signalons d’ailleurs que l’appel « Peoples Smash America », qui a donné nais­sance à la Lista Antiamericanista, avait déjà reçu le sou­tien à titre indi­vi­duel de Maurizio Neri, du groupe Socialismo e Liberazione.

Dans la dis­cus­sion qui a suivi cette adhésion col­lec­tive des com­mu­nau­ta­ris­tes, Pasquinelli a affirmé qu’il s’agis­sait d’un groupe de com­mu­nau­ta­ris­tes repen­tis, parmi les­quels figu­rait seu­le­ment une poi­gnée d’anciens fas­cis­tes. Mais sou­dain appa­raît le nom d’Alessandra Colla, direc­trice de orion­li­bri, et qui, en dépit du fait qu’elle dirige un site ouver­te­ment nazi, a conti­nué à être acceptée sur la Lista Antiamericanista, et à y écrire pen­dant un cer­tain temps, jusqu’à ce que sa prés­ence soulève un chahut sur ecn.org/movi­mento.

À ce moment Alessandra Colla a dém­issionné, mais d’autres per­son­na­ges, eux, ne sont pas partis, nous vou­lons parler d’Enrico Galoppini, qui publie régul­ièrement ses livres aux Edizioni del veltro, dirigées par Claudio Mutti, livres éga­lement présentés sur le site de orion­li­bri et dans le cata­lo­gue des livres sur la République Sociale Italienne [la répub­lique fas­ciste crée en sep­tem­bre 1943 dans le nord et le centre de l’Italie, et sou­te­nue par les nazis, NPNF]. Tiberio Graziani n’a lui non plus pas dém­issionné, ce per­son­nage qui a fait de l’anti-amé­ri­can­isme et de l’europé­isme son dra­peau. Il a tra­duit un texte du natio­na­liste serbe Kalajic, « La Serbie avant-poste de l’Europe », et a écrit une post­face pour deux livres signi­fi­ca­tifs : un de Tahir de la Nive, « Les croisés de l’Oncle Sam » (publié en français aux Editions Avatar avec une pré­face du fas­ciste Christian Bouchet, NPNF), avec une pré­face de Claudio Mutti et le livre du père Jean Marie Benjamin « Irak, avant-poste de l’ Eurasie », sous la forme d’une inter­view de Graziani, avec une pré­face de Galoppini, publié aux Edizioni del veltro de Claudio Mutti avec un appen­dice par Carlo Terracciano. Décidément notre Graziani spon­so­rise de nom­breux « avant-postes » !

Et dans l’appel à la manif on retrouve aussi des per­son­na­ges moins connus, mais tout aussi signi­fi­ca­tifs, comme Walter Catalano, col­la­bo­ra­teur au Diorama let­te­ra­rio, dirigé par Marco Tarchi, qui a été pen­dant un temps un élément de liai­son entre la droite ins­ti­tu­tion­nelle et l’extrême droite, et Miguel Martinez, qui signe Kelebek et anime un site du même nom. Ce der­nier, même s’il a quitté les milieux de droite qu’il fréqu­entait dans sa jeu­nesse à Rome, conti­nue d’avoir des rela­tions avec Colla et Murelli, le mari de Colla, empri­sonné pen­dant des années pour la mort d’un poli­cier lors d’une mani­fes­ta­tion fas­ciste. De plus, « Kelebek » a par­ti­cipé à la réunion du Campo antiim­pe­ria­lista à Assise en 2003, à laquelle a par­ti­cipé éga­lement le père Jean-Marie Benjiamin (dés­ormais célèbre pour ses pas­sa­ges à la télé­vision), l’auteur précité de « Irak, avant-poste d’Eurasie » (en français ce livre a été publié par les Cahiers de la radi­ca­lité, une maison d’édition fas­ciste, NPNF).

Comme vous pouvez le voir, il s’agit d’un groupe conséquent de per­son­nes, dont les noms se croi­sent fréqu­emment et qui sont en fait unis par un ciment anti-amé­ricain.

C’est pour­quoi le projet poli­ti­que anti- amé­ricain ouvert à tous, sans dis­tinc­tion de reli­gion, d’opi­nion poli­ti­que, etc., ne pou­vait man­quer d’atti­rer tous ces indi­vi­dus, comme le miel attire les abeilles.

Cela fait long­temps en Europe, et donc aussi en Italie, que l’extrême droite pour­suit l’objec­tif de dép­asser les fron­tières entre la droite et la gauche et de réa­liser l’unité de tous ceux qui com­bat­tent le « système ».

Sans remon­ter aux natio­naux-bol­che­viks qui ont joué un rôle pion­nier dans ce projet uni­taire (cf. l’arti­cle de Mouvement com­mu­niste http://www.mon­dia­lisme.org/spip.php…, NPNF), il suffit de rap­pe­ler le rôle des nazis-maoïstes de Serafino Di Luia, l’ami de Stefano delle Chiaie, théo­ricien et pra­ti­cien du mas­sa­cre d’Etat, autre­ment dit de la stratégie de la ten­sion.

Et l’on peut rap­pe­ler que Maurizio Neri, avant de se rap­pro­cher des com­mu­nau­ta­ris­tes, s’est présenté aux élections de 1998 sur les listes du Fronte Nazionale dans la cir­cons­crip­tion de Terracina, lais­sant ainsi sa place dans la cir­cons­crip­tion de Sabaudia à…. Serafino Di Luia.

Finalement, le choix du Campo Antiimperialista n’a rien de très nou­veau, si ce n’est que cette fois le saut par-dessus le fossé entre la droite et la gauche n’a pas été effec­tué par des for­ma­tions d’extrême droite, nazi­maoïstes, par­ti­sa­nes de la Troisième Voie, mais par une orga­ni­sa­tion qui se situe à gauche. (…)

Ceux qui choi­si­ront de par­ti­ci­per, comme l’ont fait deux mem­bres des éditions Malatempora (…) ne pour­ront igno­rer à quelle mani­fes­ta­tion ils se ren­dent et avec quel type de gens ils défi­leront. Ils ne pour­ront pas dire demain qu’ils ne savaient pas et ont été pris au piège.

Pour notre part, non seu­le­ment nous n’irons pas, mais nous ne vou­lons plus avoir rien à faire avec ceux qui iront à ce spec­ta­cle rouge-brun.

Nous savons qu’il faut s’oppo­ser à l’occu­pa­tion mili­taire d’un pays par les Américains et leurs alliés.

Mais nous pen­sons aussi que nous ne devons pas choi­sir de rac­cour­cis. Parce que deux choses doi­vent être clai­res : 1 ) il n’y a pas que l’impér­ial­isme amé­ricain (les Africains, par exem­ple, en savent quel­que chose ), 2 ) l’impér­ial­isme ne peut pas être com­battu en sou­te­nant des États-nations, qui sont le ber­ceau de l’impér­ial­isme, en par­ti­cu­lier si ces Etats natio­naux se situent en Europe. (…)

L’Avamposto degli Incompatibili

Extrait et tra­duit du site controap­pun­to­blog.org

http://www.mondialisme.org/spip.php?article2005

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