Révolution d’abord! (Pivert, 1935)

Révolution d’abord! (Pivert, 1935)

par lucien

Extrait de la brochure La Révolution avant la guerre de Marceau Pivert qui, répondant à L’ Internationale et la guerre (O. Bauer, Th. Dan, A. Dunois et J. Zyromski) , annonce l’éclatement définitif de la Bataille socialiste en deux courants. Dans son discours au Congrès de Mulhouse en juin 1935 sur la même question, Pivert reconnaissait déjà qu’il y a avait des désaccords au sein de la BS.

Avant propos rétrospectif

Quelques réflexions sur la démocratie socialiste

La publication des thèses de Bauer-Dan-Dunois-Zyromski sur « l’Internationale et la Guerre » a le grand mérite de solliciter la « discussion internationale ».

Nous nous ferons donc un devoir de répondre à l’appel de Fritz Adler; avec l’automne 1935, le prolétariat mondial aborde une nouvelle période historique; les questions les plus dramatiques sont posées devant lui aussi bien par la croissance des antagonismes de classe que par la coexistence de l’économie soviétique ascendante et de l’économie capitaliste déclinante. Sans action prolétarienne sérieuse, il est clair que la crise capitaliste conduit au fascisme et que le fascisme conduit à la guerre.

Comment rompre ce cercle infernal?

… Peut-être aurait-on avancé plus rapidement dans la recherche de solutions si la « démocratie socialiste » avait mieux fonctionné depuis 3 ou 4 ans. Mais notre S.F.I.O. a été gênée dans son processus de régénération révolutionnaire par des phénomènes de pression électoraliste et parlementaire. Cependant, en 1931 le Parti osait aborder, pour la première fois depuis 1914, la délicate question de la défense nationale. Il la traita presque exclusivement sous l’angle parlementaire, conformément à sa principale activité au cours de cette période « d’avant la crise ».

A ce moment, le plus grave danger nous paraissait résider dans la fraction social-patriote, représentée par Renaudel et Paul-Boncour, qui prétendaient organiser la défense nationale plus « rationnellement » que la bourgeoisie elle-même (sans changer le régime capitaliste). D’où les fameux projets Boncour, le rapport du budget de l’Air confié à Renaudel, la participation au Conseil supérieur de la défense nationale, c’est-à-dire en fait, l’intégration du Groupe socialiste au parlement dans l’appareil militaire de la bourgeoisie.

Cette monstrueuse collaboration de classe fut liquidée par l’effort propre du Parti, de ses militants, de ses représentants du centre et de la gauche. Aussi, au lendemain du Congrès de Tours (1931) paraissait une singulière déclaration signée de 25 députés et sénateurs tous devenus depuis, ou néos, ou ministres bourgeois: « Puisque le Parti nie le principe de la défense nationale, nous faisons toutes réserves sur l’avenir… »

A la vérité, la motion adoptée par le Congrès à une très forte majorité n’approuvait… ni ne niait « la défense nationale en régime capitaliste ». Elle donnait néanmoins un mandat précis au Groupe parlementaire: « Ni vote de crédits militaires, ni rapports… Pas un homme, pas un sou! » Et, pour donner satisfaction à beaucoup d’éléments du Parti qui ne voulaient pas apparaître comme reniant un passé de majoritaires de guerre, on pria Léon Blum de faire une déclaration-synthèse précisant la physionomie du Parti. Cette déclaration fut un chef-d’œuvre de subtilité:  » La défense nationale, c’est la paix; seul, le socialisme peut assurer la paix; donc, seul le socialisme donnera son plein sens à la défense nationale »…

Mais le problème véritable, en style de classe, avait été éludé.

La résistance des militants aux compromissions, bientôt aux trahisons d’une forte fraction du groupe parlementaire s’était traduite par une définition concrète de l’attitude du Groupe; mais les divergences de conceptions renaissaient dans le bloc de la majorité lorsqu’il fallait traduire l’opposition de classe à la guerre impérialiste dans le langage « action directe prolétarienne ». Ici, se retrouvaient deux grands courants, que la pression des événements devait séparer un jour ou l’autre.

I. Il y a des cas, en régime capitaliste, où le devoir de défense nationale peut avoir un sens et une vertu internationalistes (la thèse de Bauer-Dan-Dunois-Zyromski est précisément une analyse sérieuse de ces cas concrets actuels).

II. Il n’y a jamais de cas, en régime capitaliste, où le devoir de défense nationale ait un sens et une vertu internationalistes en d’autres termes: collaboration avec la classe ennemie, JAMAIS et dans la guerre moins encore que dans la paix. Ce sera la thèse que nous opposerons à celle de nos quatre camarades.

Mais ces divergences pouvaient encore s’atténuer dans le jeu des tendances au sein de l’Internationale, en face des dangers renouvelés du social-patriotisme impétinent. Au printemps 1933, la fraction Renaudel-Marquet, violant les décisions de Congrès, en arrive à voter les crédits militaires!

Quoi qu’il en soit, l’I.O.S. avait précisément porté à son ordre du jour les trois sujets toujours posés à notre attention: Guerre, Unité, Pouvoir. Une conférence internationale devait se tenir à Paris en août et le Congrès du Parti, fixé le 14 juillet 1933 devait préciser le mandat de ses délégués sur les trois points de l’ordre du jour.

A vrai dire, l’attention du Congrès était concentrée sur la menace de rébellion des « néos » et c’est à ce Congrès que les fameux discours de Déat, Marquet, Montagnon (ordre! autorité!! nation!!!) révélèrent le divorce total entre la droite ministérialiste et le socialisme traditionnel.

Néanmoins, la Conférence internationale d’août 1933 (où les délégués n’avaient pas de mandat) fournit l’occasion à la gauche de l’I.O.S. de lancer un vigoureux appel aux masses organisées.

Cet appel portait les signatures suivantes: V. Adter (« Bound » de Pologne), N. Andresen (P.S. d’Estonie), Z. Bianco (P.S. d’Italie), A. Bocconi (P.S. d’Italie), H. Erlich (« Bound » de Pologne), O. Felix (P.S. d’Amérique), M. Krueger (P.S. d’Amérique), E. Levinson (P.S. d’Amérique), M. Pivert (P.S. de France), C. Senior (P.S. d’Amérique), P.-H. Spaak (Parti ouvrier belge), Jean Zyromski (P.S. de France).

Il était précédé d’une déclaration qui fut commentée à la tribune par Jean Zyromski:

« Les membres soussignés de la « Conférence d’Information » considèrent que les divergences doctrinales et tactiques mises en évidence par la discussion générale doivent [être] portées d’urgence à la connaissance de tous les militants de l’Internationale, afin que, loyalement consultés, ceux-ci déterminent eux-mêmes, par le libre jeu de la démocratie intérieure, les principes et l’action à engager sur tout le front international de classe.

C’est en vue d’aider à la clarification rapide d’une situation périlleuse qu’ils proposent à l’examen des masses organisées les thèses ci-dessous en faisant confiance à leur instinct de classe, à leur volonté de lutte, à leur besoin impérieux de démocratie réelle. »

La déclaration de Staline vint ajouter à la confusion. Elle détermina une sorte de stupeur immédiatement exprimée par Blum dans le Populaire. Puis, un effort de résistance collective aux menaces d’union sacrée qui semblait en être la conséquence. Le malaise n’est pas encore dissipé au sein du prolétariat et plus particulièrement dans nos sections socialistes.

… Mais voilà l’Italie qui marche à la conquête de l’Abyssinie. Branle-bas diplomatique général. L’Internationale sera-t-elle prête à faire face à tous les événements? Elle renvoie à une date ultérieure la réalisation du front unique international (avec la III°). Pourtant, le temps presse. Qui sait jusqu’où le conflit peut s’étendre? Osera-t-on décider du sort de millions et de millions de travailleurs organisés sans les consulter? Ce n’est pas possible.

La discussion est ouverte.

L’étude critique de la brochure de nos quatre camarades nous permet d’y apporter notre contribution; en présence de l’insuffisance et du danger des thèses que nous allons analyser, nous ferons apparaître, brièvement, nos propres conclusions.

Après quoi, si les événements le leur permettent, les travailleurs décideront eux-meêmes.

Du moins nous voulons espérer qu’on le leur permettra, à bref délai.

Jamais en effet, les règles de la démocratie intérieure n’auront eu plus de prix qu’à la veille d’une nouvelle période de guerres, de dictatures et de révolution dont les prolétaires seront en définitive, ou les victimes pitoyables, ou les acteurs victorieux.

1° septembre 1935.

http://bataillesocialiste.wordpress.com/2009/08/10/revolution-dabord-pivert-1935/

http://bsstock.files.wordpress.com/2011/10/pivert-revolution-guerre1935_allege_non-imprimable.pdf

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