Dans le monde, une classe en lutte février 2012

Dans le monde, une classe en lutte février 2012

publié par François, le lundi 20 février 2012

Ce bulletin, comme les précédents, ne peut pas, dans ses limites contraignantes de coût donc de pagination, évoquer toutes les luttes qui, sous des formes diverses, se déroulent dans le monde, toutes défensives, depuis des revendications sur les salaires et les conditions de travail, l’opposition aux délocalisations, jusqu’aux manifestations diverses, l’émeute contre les mesures d’austérité souvent drastiques touchant toutes les couches sociales, mesures destinées à tenter de sauver le capital dans sa dérive mondiale. Depuis plus d’une année maintenant, une série d’événements dans ce monde capitaliste ont pu donner à la fois des raisons de craindre un assujettissement répressif encore plus grand, et des raisons d’espérer que la conjonction des mouvements de lutte permettrait d’ouvrir une porte vers un monde nouveau. Les craintes peuvent paraître se matérialiser aujourd’hui ; pour le capital, la crise économique et financière faisant toujours rage. Cela fait l’objet de maints commentaires et pronostics, y compris dans les colonnes de l’ultra-gauche. Pour les tenants du capitalisme, le problème central est rarement évoqué directement : comment restaurer le taux de profit, ce qui ne peut venir que de l’exploitation de la force de travail d’où toutes les mesures dites d’austérité qui ne visent qu’à cette fin. Pour tous ceux qui voudraient œuvrer pour une société d’où l’exploitation de la force de travail serait bannie, « crainte » n’est pas vraiment le mot juste, car si l’on pense que le système capitaliste aura une fin ce sera avec la conjonction de ses problèmes intrinsèques et de la lutte de classe conséquente. Les raisons d’espérer en cette fin peuvent venir des errements du capital mais surtout de l’apparition presque concomitante, depuis une année, et apparemment dans la plus grande confusion, de luttes dans les secteurs les plus divers, les unes dans la continuation des luttes antérieures (parfois avec une radicalisation nouvelle) contre les conditions présentes dans l’exploitation de la force de travail – souvent cantonnées et localisées –, les autres plus générales bien que souvent plus confuses, avec des caractéristiques et une dimension que l’on n’avait pas connues depuis longtemps. Ce sont surtout ces dernières, développées depuis début 2011 qui, nées dans un pays et dans des circonstances spécifiques, ont sauté les frontières et ont gagné, parfois sous d’autres formes et d’autres vocables, tant des pays en développement que des pays industrialisés. Elles constituent, par-delà toutes leurs vicissitudes présentes, un véritable mouvement d’ensemble sous-tendu, malgré toutes ses ambiguïtés, une aspiration profonde à un changement de société. La latence d’un tel courant se révèle dans le fait qu’il suffit, pour les banlieues britanniques ou françaises comme dans la révolte tunisienne, il suffit d’un incident pour que s’allume un incendie qui se généralise à tout le pays. Il serait être bien naïf de penser que la classe capitaliste ignore une telle situation et qu’elle ne pense pas tenter une autre réponse, tant économique que politique, non seulement pour combattre la montée des résistances mais aussi, par une montée vers une nouvelle guerre mondiale. Le développement récent de perspectives guerrières n’est pas spécialement rassurant et une nouvelle guerre, si le capital parvenait à l’imposer, serait la plus grande défaite de l’ensemble du prolétariat.

USA

La dérive du capi­ta­lisme

Le tableau ci-des­sous, emprunté au jour­nal finan­cier le Financial Times, illus­tre, entre autres, com­ment au cours des qua­rante-cinq années écoulées la part des riches­ses pro­dui­tes par l’exploi­ta­tion de la force de tra­vail a été acca­parée dans des pro­por­tions sans cesse gran­dis­san­tes par la frac­tion très réd­uite des dét­enteurs et prin­ci­paux acteurs du capi­tal (il est par­fois dif­fi­cile de dis­tin­guer les vrais patrons et ceux qui, sans posséder une grande for­tune, sont les maîtres incontestés d’empi­res éco­no­miques et/ou finan­ciers). Le chif­fre figu­rant dans chaque cercle dit com­bien de fois le salaire ouvrier moyen représ­ente la rému­nération d’un haut diri­geant, dans l’ordre de haut en bas, 1965,1975,1980,2000,2010

En regard, on ne peut que mettre ces cons­ta­ta­tions sur la situa­tion prés­ente aux USA. Les chif­fres éco­no­miques de l’année 2011, pres­que trop gros pour y croire, sont :
1 48 % des Américains sont considérés comme ayant de « fai­bles reve­nus » ou vivant dans la pau­vreté.
2 Approximativement 57 % des enfants des USA vivent dans des foyers à « faible reve­nus » ou sous le seuil de pau­vreté.
3 Si le nombre d’Américains « ayant ou désirant un emploi » était aujourd’hui le même qu’en 2007, le taux de chômage offi­ciel selon le gou­ver­ne­ment serait de 11 %.
4 La durée moyenne de chômage entre 2 emplois pour un actif amé­ricain est de 40 semai­nes.
5 Une étude réc­ente a montré que 77 % des PME ne prévoient pas d’embau­cher.
6 Il y a aujourd’hui moins d’emplois sala­riés aux USA qu’en 2000, alors que la popu­la­tion a aug­menté de 30 mil­lions de per­son­nes.
7 Depuis déc­embre 2007, le revenu médian aux USA a dimi­nué de 6,8 %, compte tenu de l’infla­tion.
8 Selon le Bureau of Labor Statistics, 16,6 mil­lions d’Américains étaient des tra­vailleurs indép­endants en déc­embre 2006. Aujourd’hui leur nombre a chuté à 14,5 mil­lions.
9 Un son­dage effec­tué cette année a montré qu’envi­ron 20 % des Américains ayant un emploi se considèrent comme sous-employés.
10 Selon Paul Osterman, envi­ron 20 % des adul­tes tra­vaillent pour une rému­nération au niveau du seuil de pau­vreté.
11 En 1980, moins de 30 % des emplois aux USA étaient à bas salai­res. Aujourd’hui, plus de 40 % des emplois sont à bas salai­res.
12 En 1969, 95 % des hommes entre 25 et 54 ans avaient un emploi. En juillet 2011, seul 81,2 % des hommes de cette tran­che d’âge avait un emploi.
13 Une étude réc­ente a montré qu’un Américain sur 3 serait inca­pa­ble de payer la men­sua­lité de son emprunt.
14 La Réserve fédé­rale a réc­emment annoncé que le capi­tal net des ménages amé­ricains avait dimi­nué de 4,1 % au cours du seul 3e tri­mes­tre 2011.
15 Selon une étude réc­ente, menée par BlackRock Investment Institute, le ratio dette des ménages sur reve­nus des ménages est de 154 %.
16 En 2011, l’éco­nomie a ralenti et le nombre de maria­ges avec. Selon Pew Reserch Center ana­ly­sis, 51 % des Américains majeurs est actuel­le­ment marié. En 1960, ils étaient 72 %.
17 L’ US Postal Service a perdu 5 mil­liards de dol­lars l’an passé.
18 À Stockton, Californie, les prix de l’immo­bi­lier ont baissé de 64 % si on les com­pare au pic.
19 L’État du Nevada a enre­gis­tré le plus impor­tant taux de saisie immo­bi­lière du pays pen­dant 59 mois consé­cut­ifs.
20 Si vous arri­vez à y croire, le prix moyen d’une habi­ta­tion à Detroit est main­te­nant de 6 000 $ seu­le­ment.
21 Selon le US Census Bureau, 18 % des habi­ta­tions de l’État de Floride est vacant. C’est 63 % de plus qu’il y a dix ans.
22 La cons­truc­tion d’habi­ta­tions neuves aux USA est sur le point d’attein­dre son plus bas niveau his­to­ri­que.
23 19 % des Américains de 25 à 34 ans vit chez ses parents.
24 Les mon­tants des fac­tu­res d’élect­ricité aux USA ont aug­menté plus vite que le taux de l’infla­tion pen­dant 5 années consé­cu­tives.
25 Selon le Bureau of Economic Analysis, les dép­enses de santé comp­taient pour 9,5 % du total des dép­enses per­son­nel­les en 1980. Aujourd’hui elles comp­tent pour envi­ron 16,3 %.
26 Une étude a montré qu’approxi­ma­ti­ve­ment 41 % des actifs avait des pro­blèmes pour payer ses fac­tu­res de santé ou a actuel­le­ment un emprunt pour y faire face.
27 1 Américain sur 7 possède au moins 10 cartes de crédit.
28 Les USA dép­ensent envi­ron 4 $ en pro­duits et ser­vi­ces chi­nois pour chaque dollar que la Chine dép­ense en pro­duits et ser­vi­ces amé­ricains.
29 La pré­vision pour le déficit com­mer­cial des USA en 2011 est de 558 mil­liards de dol­lars.
30 La crise des retrai­tes aux USA conti­nue à empi­rer. Selon l’Employee Benefit Research Institute, 46 % des actifs a moins de 10 000 $ d’épargne pour sa retraite, et 29 % moins de 1 000 $.
31 Aujourd’hui, 1 per­sonne âgée sur 6 vit sous le seuil de pau­vreté.
32 Selon une étude qui vient de paraître, les reve­nus des P-DG des plus gros­ses entre­pri­ses amé­ric­aines ont aug­menté de 36,5 % sur les douze der­niers mois.
33 Aujourd’hui, les ban­ques « too big to fail » (trop gros­ses pour faire faillite) sont plus impor­tan­tes que jamais. Le total des actifs des 6 plus gran­des ban­ques amé­ric­aines a pro­gressé de 39 % entre le 30 sep­tem­bre 2006 et le 30 sep­tem­bre 2011.
34 Les six héritiers du fon­da­teur de Wall-Mart, Sam Walton, ont un capi­tal net pres­que équi­valent à celui des 30 % des Américains les plus pau­vres.
35 Selon une ana­lyse des données du Census Bureau, faite par le Pew Research Center, le capi­tal médian des ménages de plus de 65 ans est 47 fois plus impor­tant que le capi­tal médian des ménages de moins de 35 ans.
36 37 % des ménages amé­ricains de moins de 35 ans ont un capi­tal de 0 $ ou moins.
37 Le pour­cen­tage d’Américains vivant dans l’extrême pau­vreté (6,7 %) a atteint un nou­veau record. Désormais, il est 33 % plus élevé que ce qu’il était en 2007.
42 En 1980, les pres­ta­tions socia­les représ­entaient 11,7 % des reve­nus. Aujourd’hui elles en représ­entent plus de 18 % .
43 48,5 % des Américains reç­oivent des aides du gou­ver­ne­ment. En 1983, seul 30 % en béné­ficiait.
44 Actuellement, les dép­enses du gou­ver­ne­ment fédéral représ­entent 24 % du PIB. En 2001, elles représ­entaient seu­le­ment 18 %.
45 Pour l’année fis­cale 2011, le gou­ver­ne­ment fédéral a enre­gis­tré un déficit budgét­aire de pres­que 1 300 mil­liards de dol­lars. C’est la 3e année consé­cu­tive que le déficit budgét­aire dép­asse les 1 000 mil­liards de dol­lars.
46 Si Bill Gates don­nait toute sa for­tune jusqu’au der­nier cen­time au gou­ver­ne­ment, cela cou­vri­rait seu­le­ment 15 jours de déficit budgét­aire.
47 Le gou­ver­ne­ment des États-Unis a accu­mulé une dette totale de 15 000 mil­liards de dol­lars. Quand Barack Obama est devenu pré­sident, la dette natio­nale était de 10 600 mil­liards de dol­lars.
48 Si le gou­ver­ne­ment fédéral com­mençait à l’ins­tant même à rem­bour­ser la dette natio­nale au rythme de 1 $ par seconde, il fau­drait 440 000 ans pour effa­cer la dette.
49 La dette natio­nale a pro­gressé en moyenne de 4 mil­liards de dol­lars par jour depuis le début de l’admi­nis­tra­tion Obama.
50 Pendant la pré­sid­ence de Barack Obama, le gou­ver­ne­ment amé­ricain a plus aug­menté la dette que pen­dant la pér­iode allant de l’inves­ti­ture de George Washington à celle de Bill Clinton.

Le mou­ve­ment Occupy, qui s’était étendu dans les prin­ci­pa­les villes du pays (voir pré­cédents bul­le­tins), a fini par déc­liner, à la fois à cause d’une répr­ession mul­ti­forme mais aussi par le fait qu’il ne s’est pas étendu, notam­ment dans le monde ouvrier. Ce déclin a permis à des noyaux plus poli­ti­ques, qui ne pou­vaient guère inter­ve­nir dans la montée du mou­ve­ment, soit de lui donner une orien­ta­tion plus radi­cale, soit de l’orien­ter vers le sou­tien de luttes ouvrières. L’exem­ple le plus frap­pant est celui d’Oakland (ban­lieue de San Francisco et un des prin­ci­paux ports de la côte ouest). Le mou­ve­ment Occupy a réussi à orga­ni­ser une mani­fes­ta­tion de près de 100 000 par­ti­ci­pants divers qui a pu blo­quer le port pen­dant une nuit. Par contre, une ten­ta­tive d’occu­pa­tion de bureaux aban­donnés pour les trans­for­mer en un centre com­mu­nau­taire, sorte de base per­ma­nente du mou­ve­ment, a été imméd­ia­tement atta­quée par la police (80 arres­ta­tions). Une ten­ta­tive ultéri­eure de sou­te­nir une lutte des dockers d’un petit port cér­éalier à Longview (État de Washington), et d’en faire une amorce de lutte de l’ensem­ble des dockers de la côte ouest, a entraîné des contro­ver­ses au sein du mou­ve­ment Occupy d’Oakland ; mais ces 221 dockers ont fina­le­ment eu gain de cause (le main­tien de leur statut) sans qu’on puisse savoir quel fac­teur a pu être dét­er­minant dans ce rés­ultat.

LES DIFFÉRENTES FORMES DE LA LUTTE DE CLASSE

Quelles que soient les considé­rations que l’on peut enten­dre, notam­ment dans le milieu « révo­luti­onn­aire », sur l’impor­tance de ces luttes, sur leur signi­fi­ca­tion, sur leurs pers­pec­ti­ves et même sur leur exis­tence réelle, nous conti­nuons de penser que, dans le monde entier, des exploités , qui n’ont d’autre moyen de vie ou de survie que la vente de leur force de tra­vail, lut­tent indi­vi­duel­le­ment et/ou col­lec­ti­ve­ment .Aucune de ces luttes, quelle qu’elle soit, ne fait partie d’un mou­ve­ment global de lutte qui s’oppose direc­te­ment au capi­tal mais le capi­tal est contraint d’en tenir compte comme d’un élément cen­tral dans l’extor­sion de la plus value.

La grève et rien d’autre Même si par­fois elle sort de l’usine pour déb­order dans la rue, ren­contrant alors la vio­lence poli­cière.

Inde – 12/11/2011 – Dans l’État de Chhattisgarh, 20 000 ensei­gnants sont en grève pour un contrat per­ma­nent et pour les salai­res. Alors qu’ils veu­lent mani­fes­ter dans la capi­tale Raipur, ils sont stoppés par les flics : 2 000 arres­ta­tions.
4/11/2011 – À tra­vers les délo­ca­li­sations, le labo­ra­toire Dr Reddy’s Laboratory (DRL) s’est hissé à la taille d’une mul­ti­na­tio­nale de la phar­ma­cie (13 500 tra­vailleurs de par le monde). Dans l’État d’Andhra Pradesh, 650 tra­vailleurs sont en grève depuis le 13 août pour un contrat per­ma­nent et les salai­res (salaire men­suel actuel de 100 euros). La police atta­que une mani­fes­ta­tion de sou­tien de 10 000 tra­vailleurs de la région.
2/01/2012 – Dans l’État de Tamil Nadu à Sankarankovil, 10 000 ouvriers des entre­pri­ses de tis­sage sont en grève depuis le 26 déc­embre pour les salai­res et pour la réd­uction du temps de tra­vail (11 heures par jour). Ils ten­tent de mar­cher sur la capi­tale de l’État mais sont stoppés par la répr­ession : 700 arres­ta­tions.

Bulgarie – 27/01/2012 – Grève des che­mi­nots et des mineurs.

Papouasie (Indonésie) – 17/11/2011 – Mine d’or et de cuivre Freeport McMoran. 8 000 mineurs en grève depuis deux mois pour les salai­res (salai­res actuels d’1,20 euro de l’heure, offre patro­nale refusée : 1,60 euro). Toutes les entrées de la mine sont blo­quées. Australie – 15/11/2011 – Baiada Poultry est un trust intégré de condi­tion­ne­ment de volailles qui emploie plus de 2 200 tra­vailleurs dans ses éle­vages ou dans ses usines, occu­pant 35 % du marché natio­nal. Les chaînes de l’usine de Melbourne voient passer 200 pou­lets à la minute, traités par 430 escla­ves dont 284 per­ma­nents, et le reste du per­son­nel est essen­tiel­le­ment com­posé d’immi­gran­tes viet­na­mien­nes, pour un salaire de 8 euros de l’heure en équipe jusqu’à 20 heures quo­ti­dien­nes. 200 sont en grève depuis le 9 novem­bre, les piquets de grève sont atta­qués par 😯 flics pour faire entrer des jaunes dans l’usine. Le nou­veau contrat, refusé, offrait 3 % d’aug­men­ta­tion contre l’aban­don de l’indem­ni­sa­tion spéc­iale des heures sup­plém­ent­aires et la dimi­nu­tion des jours fériés payés.

Grande-Bretagne – Les rés­ist­ances aux mesu­res d’austérité ne s’expri­ment pas dans un mou­ve­ment d’ensem­ble (sauf pour des mani­fes­ta­tions étudi­antes ou des journées de grève-mani­fes­ta­tion des ser­vi­ces publics) mais sous contrôle syn­di­cal, par des grèves tour­nan­tes d’une journée, inlas­sa­ble­ment répétées, sans beau­coup d’effet. Les 2 500 tra­vailleurs de Royal Dutch Shell, la mul­ti­na­tio­nale du pét­role, mènent de telles actions, limitées, contre un projet de réf­orme de la retraite d’entre­prise qui rogne séri­eu­sement leurs droits garan­tis antéri­eu­rement.

Espagne – 9/01/2012 – Grève des pilo­tes d’Iberia contre la création d’une filiale low cost avec des pilo­tes sous-payés. Vietnam – Le salaire pour un tra­vailleur non qua­li­fié est de 80 euros par mois (le salaire mini­mum imposé par l’État, bien qu’aug­menté de 49 % en 2011, reste inférieur) contre 240 euros en Chine. Les firmes qui le peu­vent, jouant sur le capi­tal varia­ble, délo­ca­lisent. La conséqu­ence de l’afflux de capi­taux entraîne une infla­tion (18 % en 2011) qui à son tour entraîne reven­di­ca­tions et grèves. Dans les dix pre­miers mois de 2011 ont éclaté 857 grèves, le double de 2010 et plus qu’au cours de l’année record de 2008 (infla­tion alors de 28 %). Ces grèves vont des reven­di­ca­tions de salai­res à une réaction contre la dimi­nu­tion de la ration de riz par le gar­go­tier de la can­tine, de la for­ma­tion de comités de lutte à des ten­ta­ti­ves de méd­iation. Le syn­di­cat offi­ciel VGCL est impuis­sant à jouer un autre rôle que répr­essif. Comme en Chine, la han­tise est que ces grèves s’étendent et pren­nent alors un caractère poli­ti­que.

USA – 22/12/2011—6 000 infir­mières des hôpitaux de San Francisco et Long Beach sot en grève une journée pour l’embau­che, les garan­ties santé et des congés mala­die.En représailles , elles sont lockoutées une journée . D’autres actions des infir­mières à New York et Oakland. Liban— Une usine élect­rique en grève trois jours dans le sud du pays car la pro­duc­tion de l’usine est envoyée dans d’autres par­ties du pays alors que le sud connaît des cou­pu­res répétées. Les capa­cités de pro­duc­tion déjà défaill­antes suite à la guerre de 15 années ont été aggravées par les bom­bar­de­ment israéliens de 2006 qui ont spéc­ia­lement visé cette source d’énergie

L’occu­pa­tion des espa­ces publics, des usines, de tous bâtiments et infra­struc­tu­res

Bangladesh – 30/01/2012 – Usine tex­tile Rashida Knitting à Ishwardi : des mil­liers de tra­vailleurs pro­tes­tent contre des licen­cie­ments et le non-paie­ment d’une prime de fin d’année. Ils occu­pent l’usine mais en sont chassés par la police et les flics maison : 40 blessés.

Irlande – De nom­breux conflits tou­chent des PME étr­anglées par la crise.Lugan Brick Ltd ( bri­que­te­rie) avise le 15/12/2011 ses 29 tra­vailleurs qu’il ferme, après leur refus d’une réd­uction des salai­res. Un piquet de grève bloque toute sortie de mar­chan­dise et du matériel. Soupçon de réouv­er­ture avec des inté­rim­aires. Vita Cortex , embal­la­ges plas­ti­ques (partie d’un conglomérat Tipperary), 32 ouvriers occu­pent l’usine depuis quatre semai­nes pour une indem­nité de licen­cie­ment. La Senza, chaîne de maga­sins de Lion Capital ; les employés licen­ciés occu­pent cer­tains maga­sins depuis la 9 jan­vier.

Grande-Bretagne – 11/11/2011 – 10 000 étudiants mani­fes­tent à Londres contre les frais d’ins­crip­tion et la réf­orme de l’uni­ver­sité. 4 000 flics sont déployés dans des sec­teurs entiers du centre pra­ti­que­ment bloqué, les bâtiments offi­ciels étant protégés par des bar­rières de 4 mètres de haut ; dans les gares lon­do­nien­nes, les flic dis­tri­buents aux arri­vants une bro­chure pré­venant la « Police par­tout »s

Les blo­ca­ges

Italie – 24/01/2012 – En marge des journées de grèves syn­di­ca­les, répétées, mais sans guère d’effet contre les mesu­res d’austérité, des mou­ve­ments sau­va­ges ten­tent de lutter contre des mesu­res spé­ci­fiques. Routiers et chauf­feurs de taxi orga­ni­sent ainsi 60 blo­ca­ges rou­tiers dans toute l’Italie (dont celui de l’usine Fiat Melfi) contre une déré­gu­lation de leur pro­fes­sion qui intro­dui­rait une liberté d’ins­tal­la­tion encou­ra­geant la concur­rence et une baisse des reve­nus. En Sicile, un mou­ve­ment « Pitchforks Movement » avec une base popu­liste (alliance entre des fas­cis­tes et des ex-sta­li­niens) orga­nise les pro­tes­ta­tions contre les mesu­res dites anti-crise.

Les der­niers recours

Corée du Sud – 14/01/2012 – Après qu’un tra­vailleur de l’usine Hyundai a tenté de s’immo­ler par le feu, détruit par le haras­se­ment de la maît­rise, 2 000 tra­vailleurs débraient à Ulsan et repren­nent le tra­vail après 24 heures de grève, alors que la direc­tion a présenté des excu­ses, sanc­tionné les res­pon­sa­bles et offert des com­pen­sa­tions à la vic­time qui a survécu à sa ten­ta­tive.

L’émeute

France – 9/01/2012 – Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme). La mort d’un jeune entre les mains des flics, suite à une inter­pel­la­tion mus­clée, décl­enche plu­sieurs jours de rév­olte dans un quar­tier de la ville. Algérie – 10/01/2012 – À Laghouat dans l’extrême sud algérien, dans le champ gazier de Hassi R’mel (500 000 habi­tants), des mani­fes­tants chômeurs deman­dant l’embau­che des résidents se bat­tent avec les flics. Faire la peau des diri­geants

Inde – 27/01/2012 – Pondichéry, État d’Andhar Pradesh. Regency Ceramics, une firme indo-ita­lienne. Les 1 200 tra­vailleurs sont en conflit avec la direc­tion depuis 2010 sur la for­ma­tion d’un syn­di­cat et un trans­fert entraînant des licen­cie­ments. La grève du 25/11/2010 au 4/12 est stoppée par le lockout de 800 d’entre eux qui refu­sent de signer un enga­ge­ment écrit de « bonne conduite ». Le 27 jan­vier, plu­sieurs cen­tai­nes d’ouvriers enva­his­sent les bureaux, deman­dant des négoc­iations sur les salai­res, la réemb­auche des licen­ciés. La direc­tion obtient un juge­ment inter­di­sant aux grév­istes d’appro­cher de l’usine à moins de 200 mètres et le gou­ver­ne­ment de l’État décrète l’état d’urgence. Les tra­vailleurs en grève ras­sem­blés devant l’usine sont atta­qués par la police : un res­pon­sa­ble syn­di­cal est tué et 13 tra­vailleurs sont blessés. En représailles, les ouvriers enva­his­sent le domi­cile d’un des diri­geants de l’usine, lui font la peau et van­da­li­sent plu­sieurs bâtiments.

La pira­te­rie

On n’abor­dera ici que la pira­te­rie clas­si­que, ances­trale, et non la pira­te­rie infor­ma­ti­que moderne. « La pira­te­rie est seu­le­ment une autre partie du système capi­ta­liste » (Financial Times). 13/01/2012 – La répr­ession inter­na­tio­nale a entraîné son exten­sion et sa dis­per­sion, la ren­dant inef­fi­cace : les pira­tes opèrent jusqu’à plus de 2 000 km de leurs bases (350 atta­ques en 2011). Un acte de pira­te­rie mari­time rap­porte en moyenne autant que l’expor­ta­tion de 1 600 têtes de bétail ; chaque rançon pro­cure en moyenne 4 mil­lions d’euros (plus de 1 015 otages en 2009). L’ensem­ble du système ali­mente un tra­vail évalué, pour chaque prise de navire, à plus de 100 emplois. Globalement, l’argent ainsi « col­lecté » a permis le dével­op­pement d’autres sec­teurs, par exem­ple la création de tout un réseau de trans­ports par camions. De l’autre côté, le contrôle de la zone où tran­site 36 % du com­merce mon­dial a néc­essité la mise en œuvre de moyens divers considé­rables, y com­pris la sur­veillance par satel­li­tes, et depuis 2002 des inves­tis­se­ments impor­tants y sont consa­crés.

Des ten­ta­ti­ves de prise en main du lieu de tra­vail

Grèce – 5/02/2012 – Kilkis, dans l’extrême nord de la Grèce, près de la fron­tière bul­gare. L’ensem­ble des tra­vailleurs de la santé prend pos­ses­sion de l’hôpital local et tente de le faire fonc­tion­ner sous son contrôle, toutes les décisions étant prises en assem­blée géné­rale. Pour le moment, les tra­vailleurs n’assu­rent que les ser­vi­ces d’urgen­ces jusqu’à ce que leurs salai­res soient payés et veu­lent le retour aux salai­res antérieurs aux mesu­res d’austérité. Sans satis­fac­tion, ils pas­se­ront à un stade de ges­tion totale. La mani­fes­ta­tion et rien d’autre

Russie—en déc­embre 2011 et en 2012, des mani­fes­tions répétées à Moscou d’un cartel hété­roc­lite de grou­pes poli­ti­ques ten­tent de mobi­li­ser une oppo­si­tion contre les mani­pu­la­tions élec­to­rales et de pola­ri­ser un méc­ont­en­tement général. Ce n’est pas tant la répr­ession et un dur­cis­se­ment de la cen­sure qui limite l’impact de ces actions mais leur grande confu­sion et la dét­er­mi­nation du pou­voir en place.

CHINE

Comment la Chine se gou­verne quo­ti­dien­ne­ment Luoyang, ancienne capi­tale de la Chine, seu­le­ment celle du Henan aujourd’hui, 1 500 000 habi­tants. Un res­pon­sa­ble du parti local a kid­nappé puis séqu­estré dans une cave six femmes pour qu’elles devien­nent escla­ves sexuel­les. Deux ont résisté et ont été assas­sinées. Un jour­na­liste qui avait fait ces révé­lations est accusé d’avoir « révélé des secrets d’État » et a été menacé des peines les plus lour­des. Il avait déc­ouvert toute l’affaire alors qu’il enquêtait sur la mort sus­pecte d’un autre jour­na­liste local, assas­siné alors qu’il enquêtait sur la mise sur le marché d’huiles de fri­ture recy­clées après la col­lecte d’huiles de toutes sortes déjà uti­lisées. Les auto­rités loca­les fai­saient tout pour éto­uffer cette série de scan­da­les, cher­chant à gagner pour leur ville le concours natio­nal de la « cité la plus civi­lisée » du pays.

De nom­breux conflits sont évoqués dans les médias ; bien qu’ils aient en commun une répr­ession sou­vent vio­lente, ils peu­vent être classés en deux types, même s’ils peu­vent interférer les uns sur les autres : les uns impli­quent la tota­lité de la popu­la­tion locale en réaction à des exac­tions des diri­geants locaux du parti, exac­tions qui vont de l’expro­pria­tion des terres (rév­oltes pay­san­nes, 65 % des 180 000 conflits de ce type sont liés à des expro­pria­tions) à des faits divers de cor­rup­tion, d’agres­sions, de mépris des dolé­ances, notam­ment quant aux dom­ma­ges envi­ron­ne­men­taux ; les autres impli­quent les tra­vailleurs dans les termes clas­si­ques de la lutte de classe, mais dans les condi­tions d’exploi­ta­tion par­ti­cu­liè­rement dures et avec l’inexis­tence des méd­iations syn­di­ca­les, le syn­di­cat offi­ciel ACFTU n’étant qu’un rouage de l’appa­reil de domi­na­tion au ser­vice du parti et des diri­geants d’entre­pri­ses.

La rév­olte de Wukan

La connais­sance de ce qui s’est passé à Wukan tient à sa proxi­mité avec Hong Kong (et son statut spécial) mais aussi à l’impos­si­bi­lité pour le parti de maît­riser tota­le­ment les tech­ni­ques moder­nes de com­mu­ni­ca­tion. La vente des terres, pro­priété de l’État, allouées aux pay­sans par le comité local du parti avec une sorte de bail, est deve­nue, dans les zones d’expan­sion indus­trielle, un moyen pour ces auto­rités d’assu­rer l’équi­libre des finan­ces loca­les (jusqu’à 40 % des recet­tes de ces col­lec­ti­vités) mais c’est aussi une source impor­tante de cor­rup­tion et d’exac­tions. Wukan, sur la côte sud de la Chine, est un « vil­lage » de 13 000 habi­tants, agri­cole mais avec un dével­op­pement indus­triel depuis 1990. D’un côté, les diri­geants du parti récupèrent les terres pour les vendre aux pro­mo­teurs en récupérant au pas­sage leurs préb­endes ; de l’autre, les pay­sans uti­li­sent terres et bâtiments pour d’autres ins­tal­la­tions ou pour des loge­ments ouvriers. Un autre élément semble avoir pesé dans la rév­olte, le retour des migrants chassés des usines par la crise vou­lant récupérer « leurs » terres et s’aper­ce­vant qu’elles ont été ven­dues. En sep­tem­bre 2010, le diri­geant local du parti, bureau­crate en place depuis qua­rante ans, ayant déjà à son actif un pal­marès de cor­rup­tion, veut expro­prier 275 hec­ta­res de terres agri­co­les pour l’ins­tal­la­tion d’un com­plexe hôtelier de luxe. Le pro­mo­teur paie 85 mil­lions d’euros et chaque paysan reçoit 66 euros. À partir du 20 sep­tem­bre, des mani­fes­ta­tions répétées regrou­pent l’ensem­ble de la popu­la­tion avec déjà un début d’émeute (atta­que d’un com­mis­sa­riat). Un comité d’orga­ni­sa­tion élu prend les choses en main : le 11 déc­embre, l’un des ani­ma­teurs de ce comité est arrêté et battu à mort par les flics. Aussitôt, c’est l’émeute, les res­pon­sa­bles du parti et les flics sont chassés de la ville ; des bar­ri­ca­des sont dressées et l’on forge des armes de for­tune. Les échelons rég­ionaux du parti orga­ni­sent le siège de la ville, entiè­rement encer­clée par l’armée. Ce siège dure dix jours ; mais tout finit par fil­trer à Pékin et à l’étr­anger. La solu­tion de force semble exclue d’autant plus que dans une ville proche, Haimen, la popu­la­tion se dresse contre l’exten­sion d’une cen­trale ther­mi­que dont les rejets empoi­son­nent tout le voi­si­nage. Le conflit se rép­er­cute dans les ins­tan­ces supéri­eures du parti entre les « durs » et les « réf­orm­istes ». Ce sont ces der­niers qui font pen­cher la balance : le 21 déc­embre, le siège de la ville est levé et des pour­par­lers son entamés, non sans quel­que méfi­ance. Finalement, les pri­son­niers sont libérés, le corps assas­siné res­ti­tué, l’expro­pria­tion annulée et l’équipe diri­geante du parti local limogée. Le comité élu reste en place et est plus ou moins coopté pour admi­nis­trer la ville : le 17 jan­vier, son « leader » est promu diri­geant local du parti. L’affaire a encore actuel­le­ment des rép­erc­ussions dans les hautes sphères et l’action des pay­sans de Wukan pour­rait être le modèle d’une réf­orme des admi­nis­tra­tions loca­les.

La lutte de classe

Il est vrai­sem­bla­ble que cette pers­pec­tive soit aussi ali­mentée par la vague de grèves à laquelle doi­vent faire face les diri­geants d’entre­pri­ses et du parti : là aussi, des dis­cus­sions, pas nou­vel­les, sur la création d’ins­tan­ces de méd­iation des conflits de classe. Déjà , dans cer­tai­nes villes ou pro­vin­ces, le salaire mini­mum a été relevé jusqu’à 25 % ; mais il n’est pas tou­jours appli­qué et les causes de conflit peu­vent être toute autre que la ques­tion du salaire de base (acces­soi­res du salaire impayés, délo­ca­li­sation, etc.). Impossible de les citer toutes. Malgré la répr­ession poli­cière, sur­tout pré­occupée de main­te­nir les luttes là où elles se dér­oulent, ces rév­oltes se ter­mi­nent sou­vent par des conces­sions. Quelques exem­ples récents de ces luttes : 29/12/2011 – LG Display à Nanjing, 8 000 tra­vailleurs sur 13 000 blo­quent la pro­duc­tion et sac­ca­gent la café­téria et les bureaux. La direc­tion, par suite d’une réd­uction d’acti­vité, veut réd­uire la prime de fin d’année et cède après un jour de grève, dou­blant la prime sous condi­tion d’une reprise imméd­iate du tra­vail. Et sous la menace de fermer l’usine. 2/01/2012 – Fujian Crown Ocean Shipbuilding Industry, chan­tiers navals à Fuzhou (Fujian) dont les com­man­des ont chuté de 47 % , plu­sieurs cen­tai­nes de tra­vailleurs blo­quent le trafic rou­tier pour avoir paie­ment des trois der­niers mois. 4/01/2012 – Chengdu (Sichuan) 10 000 tra­vailleurs de l’aciérie blo­quent une auto­route pen­dant trois jours. 5/01/2012 – Dalian (Liaoning, nord de la Chine), 1 000 tra­vailleurs d’une bras­se­rie occu­pent l’usine pour les salai­res. 7/01/2012 – Wuzhou dans le Guangxi, 1 300 ouvriers occu­pent l’usine de jouets pour les salai­res. 14/01/2012 – Usine Foxconn, des cen­tai­nes d’ouvriers mena­cent d’un sui­cide col­lec­tif si les reven­di­ca­tions sur les salai­res et les condi­tions de tra­vail n’abou­tis­sent pas. 14/01/2012 – Des mil­liers d’ouvriers en grève dans une usine d’ordi­na­teurs à Dongguan à propos de la qua­lité de la nour­ri­ture à la can­tine, suite à la déc­ouv­erte de souris dans la bouffe lors du repas de Nouvel An. Cesse sur la pro­messe des diri­geants de manger chaque jour à cette can­tine pri­va­tisée. LA REPRISE EN MAINS DE CE QUI N’ÉTAIT PAS DES RÉVOLUTIONS

Partout dans le monde, alors que se pour­sui­vent les luttes de tou­jours des tra­vailleurs contre les offen­si­ves du capi­tal sur l’exploi­ta­tion de la force de tra­vail au sein de l’entre­prise, des mou­ve­ments plus glo­baux de rés­ist­ance – ceux qui étaient por­teurs confus d’un espoir de trans­for­ma­tion poli­ti­que pro­fonde, comme ceux qui ten­tent de s’oppo­ser aux mesu­res géné­rales de sau­ve­tage du capi­ta­lisme dans des cadres natio­naux – se heur­tent soit à une répr­ession plus ou moins vio­lente, soit à un enca­dre­ment dans des mani­fes­ta­tions rituel­les inef­fi­ca­ces. Il n’est guère pos­si­ble de retra­cer en quel­ques mots l’étendue de ces répr­essions, sauf de les citer ou d’en évoquer les plus mar­quants. Les tra­vailleurs des pays du sud de l’Europe sont ceux qui subis­sent le plus lour­de­ment le poids de la crise du capi­tal et les mesu­res de restruc­tu­ra­tion imposées par les milieux finan­ciers, et les États ayant encore – fai­ble­ment par­fois – des marges de manoeu­vre diffèrent pour eux-mêmes ces mêmes mesu­res. Partout, dans ces pays (Grèce, Italie, Espagne), les mou­ve­ments de pro­tes­ta­tion (sou­vent seu­le­ment une ou deux journées de grève géné­rale) res­tent dans l’ensem­ble enca­drés par les syn­di­cats et n’ont guère d’effet, même répétés inlas­sa­ble­ment, sur la nature et le rythme de ces réf­ormes. Pourtant, des rés­ist­ances plus pro­fon­des, indi­vi­duel­les ou col­lec­ti­ves (refus de paie­ment de dettes, de loyers ou d’obé­iss­ance aux ordres met­tant en place les mesu­res imposées) se font jour sans qu’il soit pos­si­ble d’en mesu­rer l’étendue, qui n’appa­raît alors que dans l’impuis­sance des gou­ver­ne­ments à faire jouer la vio­lence de l’appa­reil d’État pour impo­ser cette poli­ti­que. Après avoir sou­levé autant de curio­sité, de com­men­tai­res et d’espoirs, et s’être étendu pres­que dans le monde entier avec des points forts, le mou­ve­ment des Indignés, faute de s’étendre notam­ment au monde des tra­vailleurs, a com­mencé à déc­liner tant à cause d’une répr­ession directe poli­cière et mili­taire bien dosée – et par­fois meur­trière –, qu’à cause des dis­sen­sions de tous ceux qui ont cher­ché (et pou­vaient le faire à cause de ce déclin) à le « radi­ca­li­ser », ou à l’orien­ter vers d’autres luttes. Il est impos­si­ble de retra­cer toutes ces péripéties et même prés­en­tement de dres­ser un bilan quel­conque.

Les sacri­fiés de la lutte du « Printemps arabe »

Pour quelle éman­ci­pation ? Chiffres offi­ciels de déc­embre 2011, par­tout à la hausse : Tunisie, 250 tués, Égypte près de 1 000 tués, Syrie 5 000, Libye près de 15 000, Yemen 350, Bahrain 50.. Et chaque jour allonge la liste Tunisie – 14/01/2012 – Un an de « révo­lution » . L’armée a pris le pou­voir avec prés­en­tement le sou­tien des partis isla­mis­tes sortis des « urnes démoc­ra­tiques ». Ils contrôlent dif­fi­ci­le­ment les mou­ve­ments de lutte causés par la chute de l’éco­nomie, notam­ment du tou­risme, l’infla­tion, le chômage. L’exploi­ta­tion des phos­pha­tes dans la région de Gafsa est para­lysée à 90 % depuis un an et les aides finan­cières pro­mi­ses pour une reprise ne sont pas venues. Le porte-parole du gou­ver­ne­ment juge « inad­mis­si­ble » la per­sis­tance des grèves et des occu­pa­tions sau­va­ges (en 2011, sur 513 grèves, seules 164 étaient considérées comme légales).. Un exem­ple de la situa­tion : L’usine du groupe auto­mo­bile Leoni employait 2 700 per­son­nes à Mateur, dans le nord de la Tunisie. Le groupe alle­mand a annoncé, ven­dredi 10 février, sa fer­me­ture. En cause : des “sit-in anar­chi­ques” et des mena­ces de grève qui per­tur­bent l’acti­vité et pro­vo­quent des “retards de livrai­son”, selon un res­pon­sa­ble du groupe.

Égypte – 3/02/2012 – Non seu­le­ment les mili­tai­res reç­oivent une « aide » annuelle de plus d’un mil­liard d’euros des USA mais ils sont une puis­sance éco­no­mique contrôlant plus de 25 % de toute l’éco­nomie, uti­li­sant notam­ment les 500 000 cons­crits comme main d’œuvre gra­tuite dans ses établ­is­sements agri­co­les ou indus­triels. L’armée, épaulée par les isla­mis­tes forts de leur légi­timité élec­to­rale, tente d’endi­guer les oppo­si­tions plus radi­ca­les qui cher­chent l’éli­mi­nation de tous les tenants de l’ancien système et essaie de briser les luttes des tra­vailleurs qui atten­dent du chan­ge­ment poli­ti­que une amél­io­ration de leur sort. Affrontements, répr­essions, avec son cortège de morts, de blessés et d’arres­ta­tions sont quasi quo­ti­diens dans une sorte de chaos dans lequel il est par­fois dif­fi­cile de déceler les mani­pu­la­tions. La sus­pi­cion d’une pro­vo­ca­tion de l’armée – lors d’un match de foot entre les équipes de Port Saïd et du Caire qui dégénère en une bagarre géné­rale lais­sant 73 morts et 1 000 blessés – entraîne dans les jours qui sui­vent d’impo­san­tes mani­fes­ta­tions au Caire, des affron­te­ments avec la police, l’armée, et avec les Frères musul­mans. Ces affron­te­ments, plus axés sur la contes­ta­tion de l’armée, sont qua­si­ment quo­ti­diens.

Libye – 5/01/2012 – Le pays est entré dans un chaos marqué par les affron­te­ments armés entre fac­tions riva­les plus ou moins tri­ba­les, dans une sorte de guerre civile, alors qu’un ancien com­man­dant des forces spéc­iales de Kadhafi est promu chef des armées.

LES RESTRUCTURATIONS DU CAPITAL

Bien sûr, ces restruc­tu­ra­tions se font tou­jours sur le dos des tra­vailleurs. Elles peu­vent pren­dre des formes très diver­ses : les concen­tra­tions d’entre­pri­ses, y com­pris les mul­ti­na­tio­na­les, les rachats d’entre­pri­ses, sou­vent par des fonds spé­cu­lat­ifs ne visant que la liqui­da­tion des actifs, les délo­ca­li­sations, qui ne tou­chent pas seu­le­ment les pays indus­tria­lisés mais tous les pays, la concur­rence acharnée exa­cerbée par la crise autour du moin­dre coût de pro­duc­tion, entraînant des dép­la­cements et donc des délo­ca­li­sations. Au pas­sage, la mise en faillite est un moyen pra­ti­que d’éch­apper au paie­ment des der­niers salai­res ou indem­nités, et cette pra­ti­que est mon­diale. D’autre part, dans les pays indus­tria­lisés, notam­ment aux USA, la restruc­tu­ra­tion vise, à tra­vers des vicis­si­tu­des finan­cières pour éponger les dettes et impo­ser des déd­uctions dras­ti­ques des condi­tions d’exploi­ta­tion du capi­tal varia­ble, à modi­fier la com­po­si­tion orga­ni­que du capi­tal en inves­tis­sant dans les ins­tru­ments de pro­duc­tion les plus moder­nes de façon à dimi­nuer les coûts de pro­duc­tion en réd­uisant la part de capi­tal varia­ble. Cette der­nière forme de restruc­tu­ra­tion est par­ti­cu­liè­rement insi­dieuse car elle se super­pose aux restruc­tu­ra­tions antéri­eures clas­si­ques ayant entraîné des luttes, et ne résout en rien le pro­blème du chômage.

Grande-Bretagne – 4/02/2012 – Depuis 2001, les postes bri­tan­ni­ques, Royal Mail, ont vu leurs effec­tifs fondre de 45 000 postes de tra­vail. Ce der­nier Noël, 18 000 tem­po­rai­res ont été embau­chés pour quel­ques semai­nes par une boîte de four­nis­seurs d’escla­ves tem­po­rai­res, Angard Staffing Solutions Limited, laquelle détient le mono­pole d’embau­che à Royal Mail mais qui a oublié de payer les escla­ves de Noël (une partir d’entre eux, chômeurs, ont aussi perdu leurs allo­ca­tions). De telles restruc­tu­ra­tions des ser­vi­ces pos­taux est géné­rale dans le monde entier : au Japon, le Japan Post Service emploie plus de tem­po­rai­res que de per­ma­nents, en Hollande la poste TNT en emploie plus de la moitié dans ses effec­tifs, en Allemagne 60 % des nou­veaux entrants se voient dotés de mini-contrats à 400 euros men­suels, en Suède, Bring Citymail exploite plus de 1 000 escla­ves payés à l’heure.

Chine – 4/12/2012 – Hailong Storage Products ( iliale du japo­nais Hitachi) à Shenzhen, pro­fite de la fusion avec Western Digital pour impo­ser aux 4 500 tra­vailleurs (majo­ri­tai­re­ment des femmes) l’effa­ce­ment total des avan­ta­ges, notam­ment ceux rela­tifs à l’ancien­neté. 2 000 tra­vailleurs occu­pent l’usine mais 1 000 réuss­issent à rés­ister à une ten­ta­tive d’évac­uation par la force. Le conflit se ter­mine avec une prime de « retour au tra­vail », laquelle aurait entraîné des divi­sions entre les grév­istes.

Allemagne – 16/01/2012 – Comment fonc­tionne le « modèle alle­mand ». Un exem­ple. Manroland (machi­nes d’impri­me­rie) exploite sur trois sites : Wiesbaden, Augsbourg et Plauen (ex-RDA). La liqui­da­tion de ce der­nier site est en dis­cus­sion depuis sept semai­nes. Une manif cen­trale à Munich, devant le siège du prin­ci­pal action­naire, la banque-assu­rance Allianz, est déc­ommandée par le syn­di­cat IG Metall pour des manifs sur chaque site. L’usine de Wiesbaden n’emploie plus que 1 000 tra­vailleurs sur 1 900. À Augsbourg, sur 2 400 tra­vailleurs, 400 licen­cie­ments et des réd­uctions de primes sont prévus, alors que l’usine tra­vaille à temps par­tiel depuis mars 2010. 7/11/2011 – En Saxe, une usine de wagons FTD pro­pose un nou­veau contrat pour un an avec la semaine de tra­vail pas­sant de 38 à 48 heures, les 3 x 8, la réd­uction des congés payés de 30 à 24 jours, une réd­uction des salai­res et la fin des avan­ta­ges ancien­neté ; en prime des pénalités pou­vant attein­dre jusqu’à 50 % du salaire en cas de défaut de fabri­ca­tion. Le syn­di­cat IG Metall aurait donné plus ou moins son consen­te­ment. Le refus de ces nou­vel­les condi­tions d’exploi­ta­tion vaudra une accu­sa­tion de sabo­tage et de refus du tra­vail.

Italie – Les clas­ses moyen­nes per­dent leurs pri­vilèges. Routiers, chauf­feurs de taxi, phar­ma­ciens et autres pro­fes­sions libé­rales enta­ment des actions (essen­tiel­le­ment des blo­ca­ges rou­tiers) non seu­le­ment contre le prix de l’essence mais sur­tout contre des mesu­res de « libé­ra­li­sation » de ces acti­vités pour faire jouer la concur­rence. Parallèlement, cette « libé­ra­li­sation » touche les tra­vailleurs avec un projet de lever toute rég­lem­en­tation des licen­cie­ments.

France – 15/01/2012 – Que peu­vent les 93 tra­vailleurs sur les 144 de l’usine Bosal le Rapide (sous-trai­tant de l’auto­mo­bile, ils étaient 250 il y a peu) qui doi­vent être licen­ciés pour cause de délo­ca­li­sation en Allemagne et en Hongrie, sinon cher­cher à retar­der le plus long­temps pos­si­ble l’échéance ?

Nigeria et Roumanie

Des réactions aux impé­rat­ifs du FMI

Le Nigeria, pres­que deux fois la France, 160 mil­lions d’habi­tants, qui sera en 2050 LE troi­sième État le plus peuplé du monde, est un État pét­rolier sous la coupe des mul­ti­na­tio­na­les, miné par la cor­rup­tion, aux prises avec des conflits eth­ni­ques et reli­gieux san­glants et une guér­illa dans la zone côtière pét­rolière. Bien qu’il soit riche­ment doté de res­sour­ces minières et agri­co­les, la cor­rup­tion n’a d’égale que la pau­vreté, avec comme corol­laire un déficit obli­geant à recou­rir aux sub­si­des du FMI, lequel, comme tou­jours, impose les mesu­res d’austérité bien connues. Dans ce cas, ce sont les sub­ven­tions de l’État pour les pro­duits de pre­mière néc­essité qui doi­vent être sup­primées. Il peut paraître para­doxal qu’un des pre­miers États pét­roliers mon­diaux soit contraint d’impor­ter des pro­duits finis parce que ses capa­cités de raf­fi­nage sont déris­oires, les mul­ti­na­tio­na­les n’ayant aucun intérêt à en finan­cer leur moder­ni­sa­tion ou leur cons­truc­tion. Dépendant de la four­ni­ture de pro­duits pét­roliers à bon marché, uti­lisés tant pour le chauf­fage de la cui­sine domes­ti­que que pour l’ali­men­ta­tion des grou­pes électrogène, très rép­andus à cause des caren­ces dans la dis­tri­bu­tion d’élect­ricité, et pour la cir­cu­la­tion auto­mo­bile, le gou­ver­ne­ment est contraint pour main­te­nir la paix sociale d’accor­der des sub­ven­tions d’autant plus impor­tan­tes que les prix mon­diaux s’élèvent cons­tam­ment. Lorsque le 1er jan­vier der­nier, le gou­ver­ne­ment décide la sup­pres­sion pure et simple de ces sub­ven­tions, ce qui double d’un coup le prix du litre d’essence de 0,35 euro à 0,70 euro, des mil­liers de mani­fes­tants des­cen­dent dans la rue à Lagos, mani­fes­ta­tion vio­lem­ment réprimée : un mort, des blessés. Un slogan : « Un jour, les pau­vres n’auront rien d’autre à manger que les riches. » Cette répr­ession n’arrête pas la montée de l’oppo­si­tion au point que les deux prin­ci­paux syn­di­cats se voient contraints d’orga­ni­ser une journée de grève géné­rale (en en excluant pour­tant le sec­teur vital de la pro­duc­tion pét­rolière). Le lundi 9 jan­vier, la para­ly­sie est totale et la grève qui se pour­suit les jours sui­vants tourne à l’émeute : incen­die de voi­tu­res, de bâtiments publics, 5 morts et des blessés. Ce n’est pas tant la menace syn­di­cale de faire entrer pro­gres­si­ve­ment le sec­teur pét­rolier dans la grève que la géné­ra­li­sation de l’émeute (qui, dans le nord, tourne par­fois en des affron­te­ments reli­gieux) qui conduit le gou­ver­ne­ment à faire des conces­sions, après avoir tenté la manière forte de l’état d’urgence, du couvre feu, d’appel à l’armée. Le 16 jan­vier, il annonce que le prix de l’essence sera seu­le­ment aug­menté à 0,45 euro et les deux syn­di­cats s’empres­sent de décider de la fin de la grève. Il aura fallu 10 morts et près de 600 blessés pour ce rés­ultat alors que sont main­te­nus couvre-feu et état d’urgence. La Roumanie, le pays le plus pauvre de l’Union europé­enne, miné aussi par la cor­rup­tion, se débat avec les restruc­tu­ra­tions et les mesu­res d’austérité imposées par le FMI. Les mines (National Coal), entre autres entre­pri­ses encore natio­na­lisées mais crou­lant sous les dettes, doi­vent fermer les une après les autres. Parmi les mesu­res plus réc­entes figure la pri­va­ti­sa­tion du système de santé (en mars 2011, déjà 67 hôpitaux ont été fermés, entraînant le licen­cie­ment de près de 3 000 soi­gnants). Le minis­tre de la Santé s’y oppose et doit dém­issi­onner. Le 13/01/2012, des mani­fes­ta­tions spon­tanées éclatent, s’étendent dans tout le pays et tour­nent à l’émeute. La répr­ession (36 arres­ta­tions, 60 blessés) ne change rien. D’abord la réf­orme est annulée et le minis­tre de la Santé rap­pelé. Mais la contes­ta­tion touche plus haut et le gou­ver­ne­ment doit dém­issi­onner : le nou­veau Premier minis­tre était, sous le pré­cédent gou­ver­ne­ment, le chef des ser­vi­ces secrets…

GRÈCE

Ce qui nous attend si on laisse le capi­tal tenter de sauver ses meu­bles « En réalité, des expres­sions telles qu’« austérité dra­co­nienne » sont abso­lu­ment insuf­fi­san­tes pour déc­rire ce qui est en train de se passer en Grèce. Les salai­res et les retrai­tes sont amputés de 50 % ou même, dans cer­tains cas, de 70 %. La mal­nu­tri­tion fait des rava­ges parmi les enfants de l’école pri­maire, la faim fait son appa­ri­tion sur­tout dans les gran­des villes du pays dont le centre est dés­ormais occupé par des dizai­nes des mil­liers de SDF misé­rables, affamés et en haillons. Le chômage atteint dés­ormais 20 % de la popu­la­tion et 45 % des jeunes (49,5 % pour les jeunes femmes). Les ser­vi­ces publics sont liquidés ou pri­va­tisés, avec comme conséqu­ences que les lits d’hôpitaux sont réduits (par décision gou­ver­ne­men­tale) de 40 %, qu’il faut payer très cher même pour accou­cher, qu’il n’y a plus dans les hôpitaux publics de pan­se­ments ou de médi­caments de base comme de l’aspi­rine. L’État grec n’est tou­jours pas capa­ble, en jan­vier 2012 !, de four­nir aux élèves les livres de l’année sco­laire com­mencée en sep­tem­bre passé. Des dizai­nes de mil­liers de citoyens grecs han­di­capés, infir­mes ou souf­frant de mala­dies rares se voient condamnés à une mort cer­taine et à brève échéance après que l’État grec leur a coupé les sub­si­des et les médi­caments. Le nombre de ten­ta­ti­ves de sui­cide s’accroît à une vitesse hal­lu­ci­nante, comme d’ailleurs celui des séro­po­sit­ifs et des toxi­co­ma­nes aban­donnés dés­ormais à leur sort par les auto­rités. Des mil­lions de femmes grec­ques se voient main­te­nant chargées des tâches nor­ma­le­ment assumées par l’État à tra­vers ses ser­vi­ces publics, quand ceux-ci n’étaient pas encore dém­antelés ou pri­va­tisés par les poli­ti­ques d’austérité. La conséqu­ence en est un véri­table cal­vaire pour ces femmes grec­ques : non seu­le­ment elles sont les pre­mières à être licen­ciées et sont contrain­tes d’assu­mer les tâches des ser­vi­ces publics en tra­vaillant de plus en plus gra­tui­te­ment à la maison, mais elles sont aussi direc­te­ment visées par la réap­pa­rition de l’oppres­sion patriar­cale qui sert d’alibi idéo­lo­gique au retour forcé des femmes au foyer. » (Sonia Mitralia devant la Commission sociale de l’Assemblée europé­enne le 24/01/2012)

LE CAPITAL CONTRE-ATTAQUE

Dans le monde entier, les tra­vailleurs refu­sant d’accep­ter une inten­si­fi­ca­tion de l’exploi­ta­tion sont placés devant le dilemme : ou accep­ter, ou être licen­ciés, le lockout étant un des termes du chan­tage en rép­onse à la grève.

USA – 3/02/2012 – À Findley dans l’Ohio, les 1 050 tra­vailleurs de Cooper Tire refu­sant la réd­uction des salai­res sont lockoutés depuis deux mois. Dans une autre usine du groupe à Texarkama en Arkansas, les 1 500 tra­vailleurs avaient voté pour la grève contre les mêmes mesu­res mais le syn­di­cat USW avait conclu un accord enté­rinant les pro­po­si­tions patro­na­les, accord qu’il a réussi fina­le­ment à impo­ser par un vote au finish.

Inde – 12/11/2011 – Maruti Suzuki (voir pré­cédents bul­le­tins). Après six mois de lutte, le syn­di­cat Maruti Suzuki Employees Union (MSEU) ordonne la reprise du tra­vail après avoir signé un accord boi­teux. Les 30 licen­ciés pour leur appar­te­nance syn­di­cale res­tent licen­ciés mais les deux prin­ci­paux res­pon­sa­bles syn­di­caux ont reçu pour leur « dém­ission » de larges indem­nités (jusqu’à 60 000 euros), ce qui a « encou­ragé » les 28 autres à faire de même mais avec des indem­nités beau­coup plus fai­bles.

Canada – 17/01/2012 – 750 tra­vailleurs de Rio Tinto Alcan à Alma (Québec) sont lockoutés pour avoir refusé un nou­veau contrat et voté la grève. Avec des tem­po­rai­res et les cadres, la mine tourne au tiers de sa capa­cité. Les che­mi­nots refu­sent de tra­ver­ser les piquets de grève mais doi­vent céder sous la menace du licen­cie­ment. – 4/02/2012 – Electro Motive Diesel (EMD) (loco­mo­ti­ves Diesel), les 465 tra­vailleurs ayant refusé un nou­veau contrat impo­sant une réd­uction des salai­res de 55 % , des avan­ta­ges retraite et voté la grève, sont lockoutés depuis six semai­nes et comme ils s’obs­ti­nent, des rumeurs de fer­me­ture défi­ni­tive sont lancées. Une situa­tion simi­laire à l’aciérie d’US Steel à Hamilton où 900 tra­vailleurs sont lockoutés depuis trois mois.

Allemagne – 12/01/2012 – Usine Schleicher Electronics (systèmes élect­ro­niques indus­triels) à Spandau (Berlin). Le syn­di­cat IG Metall conclut avec la direc­tion en 2010 un accord « de main­tien du site indus­triel » sous la menace d’une délo­ca­li­sation. Les tra­vailleurs doi­vent renon­cer à diver­ses primes, ce qui cor­res­pond à une dimi­nu­tion des salai­res de 10 %. ; prévu en 2010 pour trois ans, un retour pro­gres­sif à la « nor­male » vient d’être reporté à cinq ans

ACTIVITÉS SYNDICALES

France – 15/12/2011 – Une com­mis­sion par­le­men­taire avait plan­ché sur le finan­ce­ment des orga­ni­sa­tions syn­di­ca­les, tant patro­na­les, agri­co­les, qu’ouvrières. Son rap­port final ne sera jamais publié et res­tera secret en raison d’oppo­si­tions conjoin­tes, tant poli­ti­ques que syn­di­ca­les. Qu’ont-ils tous à cacher ? Presque tous pro­cla­ment du bout des lèvres qu’ils sont pour cette publi­ca­tion mais ce sont les mêmes qui font tout pour qu’elle finisse dans les oubliet­tes. Novembre 2011 – Les « petits » syn­di­cats qui qua­li­fient la loi de 2008 (voir pré­cédents bul­le­tins), précisément faite pour les éli­miner, de « Yalta syn­di­cal », galèrent dans des mar­chan­da­ges pour conser­ver à tous les niveaux leur représ­en­ta­tivité. Regroupements sou­vent inat­ten­dus, scis­sions, tout est permis pour conti­nuer à pro­fi­ter de préb­endes légales qui font vivre une bureau­cra­tie syn­di­cale. Décembre 2011 – Onze jours de grève, com­mencée le 16 déc­embre, des agents de contrôle de la sécurité aérop­ortu­aire, exploités par 4 entre­pri­ses (10 000 tra­vailleurs en tout), `pour obte­nir une aug­men­ta­tion men­suelle de 200 euros (actuel­le­ment, avec des horai­res très flexi­bles, ils n’ont envi­ron que 1 600 euros brut men­suels à temps plein) per­tur­bent séri­eu­sement mais iné­ga­lement les aéroports lors de vacan­ces de Noël 2011. La grève est brisée par l’uti­li­sa­tion des flics comme jaunes, par des conflits entre la base et les syn­di­cats. Elle se ter­mine le 26 déc­embre avec une prime annuelle de 1 000 euros et l’ouver­ture de négoc­iations sur les condi­tions de tra­vail et la sécurité de l’emploi. Mais la grève a éga­lement entraîné une levée de bou­cliers autour de l’impo­si­tion d’un ser­vice mini­mum pour toutes les liai­sons aéri­ennes. L’ensem­ble des syn­di­cats de tous les tra­vailleurs des ser­vi­ces aériens ont lancé dans la semaine du 5 février 2012 plu­sieurs jours d’une grève rela­ti­ve­ment suivie pour tenter d’empêcher le vote d’une loi impo­sant ce ser­vice mini­mum.

Italie – 13/12/2011 – L’accord signé par la majo­rité des syn­di­cats pour une réd­uction du temps de pause et l’exten­sion du tra­vail de nuit (voir pré­cédents bul­le­tins) permet à Fiat de rapa­trier à Pomogliano d’Arno, près de Naples, la pro­duc­tion des Fiat Prada. Un nouvel accord l’étend aux 86 000 tra­vailleurs du groupe à partir de jan­vier 2012. Inaugurant la nou­velle chaîne de mon­tage le PDG Marchione, celui qui a réussi à balayer tous les accords contrac­tuels, annonce la « création d’une nou­velle culture indus­trielle ». La nou­velle chaîne , hau­te­ment auto­ma­tisée per­met­tra, cou­plée avec la flexi­bi­lité totale de cette nou­velle culture, une adap­ta­tion pres­que imméd­iate de la force de tra­vail aux impérai­tfs de pro­duc­tion. Le même PDG qui l’est aussi de Chrysler aux USA vient de signer avec le syn­di­cat de l’auto­mo­bile UAW, un contrat de 4 ans qui prévoit pour les 25 000 tra­vailleurs un salaire horaire qui pas­sera pro­gres­si­ve­ment dans cette pér­iode de 15,78 dol­lars à 19,28 dol­lars ( 12 euros à 16 euros)

LA VALSE MONDIALE DES RAFFINERIES

Alors qu’en France, la pér­iode élec­to­rale permet le sau­ve­tage du sou­tien-gorge français (affaire Lejaby où, pour­tant, plu­sieurs cen­tai­nes de tra­vailleurs res­tent sur le car­reau) ou plus réc­emment, des 430 du pan­neau solaire français de Photowatt, les mêmes poli­ti­ques ne peu­vent rien devant les fer­me­tu­res des raf­fi­ne­ries car cela se dér­oule au niveau des puis­san­tes mul­ti­na­tio­na­les du pét­role et non d’une PME de sec­teurs mar­gi­naux de l’éco­nomie. Dans les pré­cédents bul­le­tins, nous avons évoqué ce pro­blème, notam­ment à propos de la fer­me­ture de la raf­fi­ne­rie de Dunkerque et de la ten­ta­tive avortée, au cours du mou­ve­ment contre la réf­orme des retrai­tes fin 2010, de faire de la lutte contre la fer­me­ture d’autres raf­fi­ne­ries le fer de lance d’un combat global. Dans une poli­ti­que mon­diale des mul­ti­na­tio­na­les du pét­role, la délo­ca­li­sation des raf­fi­ne­ries permet à la fois d’éch­apper aux contrain­tes de la rég­lem­en­tation du tra­vail et envi­ron­ne­men­ta­les, et d’accroître son pou­voir sur la marché global pét­rolier (voir à ce sujet les pro­blèmes de pays pét­roliers comme le Nigeria ou l’Iran) ; de plus, cela auto­rise d’en cons­truire de plus moder­nes et de plus conséqu­entes. Pétroplus, pour­tant mul­ti­na­tio­nale du raf­fi­nage, acculé à la faillite de concert com­plice entre les pro­duc­teurs pét­roliers et les ban­ques, est un cas exem­plaire et les tra­vailleurs des raf­fi­ne­ries franç­aises (notam­ment de Petite-Couronne près de Rouen) de ce trust mis au chômage n’y peu­vent pas grand-chose. C’est une situa­tion iden­ti­que pour ceux de LyondellBasell à Berre près de Marseille. Aux USA , les raf­fi­ne­ries tour­nent à 86 % et sont mises en vente. On peut mesu­rer l’étendue du pro­blème lorsqu’on sait que l’essence raf­finée en Chine peut être vendue en France à des prix inférieurs à ceux pra­ti­qués pour des raf­fi­ne­ries franç­aises. Dans de telles situa­tions, la lutte de classe ne peut déb­oucher dans l’immédiat que sur une reven­di­ca­tion d’une indem­ni­sa­tion plus conséqu­ente, et à long terme sur la fin du capi­ta­lisme.

LES CRIMES DU CAPITAL

Mexique – 24/01/2012 – La séc­her­esse et la hausse des prix des pro­duits ali­men­tai­res (de 45 % en 2011) réd­uisent à la famine (cortège de sui­ci­des et de morts de la faim) les pay­sans des États du Nord, qui lan­cent une « cara­vane de la faim » abou­tis­sant à Mexico par un cam­pe­ment devant le ministère de l’Agriculture. Une partie du pro­blème vient de l’exten­sion des gran­des pro­priétés agri­co­les aux mains des mul­ti­na­tio­na­les pro­dui­sant pour l’expor­ta­tion et la fabri­ca­tion d’éthanol (le trust Cargill détient ainsi le mono­pole de la pro­duc­tion du maïs). USA – 2011 – Le gou­ver­ne­ment élève le taux des normes de recy­clage des pro­duits toxi­ques mais en auto­rise l’expor­ta­tion, notam­ment au Mexique (20 mil­lions de tonnes de bat­te­ries diver­ses, sans comp­ter les car­gai­sons clan­des­ti­nes) où l’on trouve de nom­breux cas d’intoxi­ca­tion par le plomb.

Turquie – 2011 – Les chan­tiers navals de Tuzla près d’Istanbul ne connais­sent pas la crise. 15 000 ouvriers sont exploités dans une qua­ran­taine d’entre­pri­ses aux salai­res de misère et dans des condi­tions dan­ge­reu­ses (en 2009, 60 000 acci­dents du tra­vail sont enre­gis­trés sur ces chan­tiers).

Chine – 4/02/2012 – La ville de Liuzhou (Guangxi, 3,7 mil­lions d’habi­tants) est menacée par une pol­lu­tion des eaux pota­bles au cad­mium, déversé par des indus­triels en amont de la rivière Long, et que les auto­rités ten­tent de pré­venir par tous les moyens ; ce n’est qu’un exem­ple des conséqu­ences du capi­ta­lisme sau­vage qui sévit par­ti­cu­liè­rement en Chine.

IMMIGRATIONS ET MIGRATIONS

USA – 9/01/2012 – Les doua­niers et la police des fron­tières se voient dotés de 9 drones pour sur­veiller la fron­tière mexi­caine, mais comme ils seront opé­rati­onnels jour et nuit (vision infra­rouge et trente heures d’auto­no­mie de vol), sur tout le ter­ri­toire amé­ricain, on peut penser à toute autre uti­li­sa­tion dans l’arse­nal répr­essif. 14/12/2011 – Depuis la prise de fonc­tions par Obama, plus de 1,1 mil­lion d’immi­grés illégaux ont été expulsés, le taux le plus élevé depuis soixante ans. Un nombre crois­sant de citoyens amé­ricains vic­ti­mes d’une chasse au faciès ont été détenus pen­dant plu­sieurs jours sur le simple soupçon d’illé­galité. Philippines – Le 11 jan­vier, pour ins­tal­ler un centre com­mer­cial et des bureaux, 400 flics et des équipes de démol­isseurs détr­uisent un bidon­ville Burungay à San Juan, met­tant 300 famil­les à la rue après une bataille rangée. Monde – 7/12/2011 – La crise ne freine pas les migra­tions, au contraire ; on a compté en 2011 24 mil­lions de migrants sup­plém­ent­aires ; glo­ba­le­ment, les migrants inter­na­tio­naux sont 214 mil­lions de par le monde, où l’on compte aussi 16,3 mil­lions de réfugiés, 42 mil­lions de per­son­nes déplacées. En 2010, la séc­her­esse ou les inon­da­tions ont poussé à migrer 38 mil­lions de per­son­nes.

http://www.mondialisme.org/spip.php?article1789

 

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